Dans cette ample fresque, qui est aussi un itinéraire spirituel, nous est restituée la vie de la communauté juive en Alsace, pendant l'entre- deux-guerre. Alors resurgissant dans un présent éternel les fêtes foraines, cirques et théatres ambulants, la bonhomie de la vie religieuse juive, les drames de l'amour fou, les conflits cocasses des langues frontalières à "l'école des mutiques", le travail obscur des artisans, la découverte du cinéma muet, les aventures des collégiens à l'approche de l'adolescence, et même les boulversements du Front populaire.
Après la cueillette du dernier houblon en septembre 1937, cette saga, qui s'ouvre par l'évocation de l'agonie des parents et se clôt par les obsèques du grand-père Léopold, un des héros principaux du récit, annonce l'arrachement au lieu natal, l'errance sans fin et la perte du royaume de l'enfance.
A travers la diversité des scènes individuelles, la singularité tragique des situations et des personnages hauts en couleur, c'est l'univer- salité de l'humaine condition qui est évoquée dans ce livre.
Ecrivain, poète, universitaire, Claude Vigée vit aujourd'hui entre Paris et Jérusalem. Originaire d'Alsace, il a ensuite émigré aux Etats-Unis et en Israël. Son oeuvre considérable l'a établi comme l'un des plus grand écrivains de l'après-guerre.
Nous retrouvons dans cet ouvrage les essais majeurs de Claude Vigée. L'oeuvre critique de ce poète s'orientant selon quelques grands axes constants, les essais s'ordonnent de la critique de l'idéalisme occidental à l'élaboration d'une poétique originale, en passant par ce que Martin Buber appelait l'événement de la reconnaissance. La démarche de Claude Vigée ne se saisit pleinement que dans son retour aux sources du judaïsme...
Un poète qui a voué une partie de sa vie à commenter l'oeuvre des autres, se penche sur la sienne, interroge son intarissable énigme. Nourri aux sources de la Bible et des grands textes hébreux autant qu'à celles des traditions poétiques françaises les plus hautes, ce livre est, au bout du compte, une méditation sur le mystère de la condition humaine. Claude Vigée est essayiste, diariste, traducteur. Prix Femina de la critique (1979). Prix de l'Amitié judéo-chrétienne 2006. Bourse Goncourt de la Poésie (2008).
Fable-océan, genèse, saga familiale, cette "verte enfance du monde" tient de tout cela. Certes cette communauté juive alsacienne de l'entre deux guerres, si riche de ses particularismes, de ses traditions et de ses croyances, n'existe plus. La guerre a balayé trois siècles d'histoire. Mais Claude Vigée y est né, y a grandi, et voilà que revivent toutes ces petites gens, merciers, colporteurs, rammasseurs de houblon. Personnages hauts en couleur, récits cocasses, dramatiques, tendres, toute cette vie de l'Alsace , modeste et destinée à l'oubli, nous revient en pleine lumière. De la même manière que Balbec et Méséglise, par la grâce de Proust, ne quitteront plus notre imaginaire, de la même manière Seebach et Bischwiller, par celle de Claude Vigée, appartiendront à notre mémoire.
Ecrivain, poète, professeur, Claude Vigée vit aujourd'hui entre Paris et Jérusalem. Il est originaire de la petite ville de Bischwiller en Alsace où il a passé toute son enfance avant d'émigrer aux Etats-unis, puis en Israël. Il est l'auteur d'une oeuvre considérable, qui l'a établi comme l'un des plus grands écrivains de l'après-guerre.
Dans ce numéro spécial de la revue Peut-être, l'association des Amis de l'oeuvre de Claude Vigée publie ses Poésies complètes (1950-2015), à l'exception des deux poèmes alsaciens, qui feront l'objet d'une édition bilingue dans le Cahier de Peut-être n° 5 (septembre 2018) et des poèmes de jeunesse, que l'on trouvera dans le numéro 10 de la revue (janvier 2019).
D Claude Vigée epuis six ans, je vois chaque matin le soleil se lever sur le mont Sion. Mes enfants le saluent en hébreu sans qu'il s'en étonne, ils courent sur les dunes d'Ascalon à la poursuite du serpent des vignes et du petit chacal de printemps. Toute vie, toute poésie, ne sont que remontée vers l'origine inexistante.L'averse de l'aube sur Jérusalem, aujourd'hui, est aussi proche, aussi insaisissable, que la pluie de campagne, jadis, en Alsace.Jamais je n'ai quitté ma patrie. Jamais je n'y parviendrai.Schun sechs Johr lang sieh i jede Dâ uf 'm Bäri Zion d'Sunn am Doode Meer ufgehn. Mini Kénder griesse éhri Pracht uf Hébréisch, uhni dass se sich ufs geréngscht dréwer wundere dät. Beidi Knäckes laufe is nooch zwésche de Sanddüne vun Ashkelon ; sie verdrywe d'Géftschlang én de wéldeRäbsteckle am Rand vum schümische Meer, odder verjâwe de klaine Friejohrsfuchs, wänn'r én de Métte vun de wisse Lorbeerhecke sin rotgääl Schwänzel stellt.Alles Läwe un Drywe ésch e Wallfahrt züem unbekannte Ort vum Aanfang, alles Dichte e langi Velodür durich 's Heiliche Land, bis züe dèm Ürsprung wo's nirjeds gét. 's Liècht, wie it morje éwer Jerusalem vum Hémmel nab streemt, ésch grad so nood un so unfassbar ass wie de Landrâje ém Elsass, zällemols ém Ried, am Änd vum Herbscht, währed de Kénderjohre.I hab noch niemols mini Haimet verlon. Niemols kumm i je bis anne.
L'Association des Amis de l'Oeuvre de Claude Vigée a désormais publié l'oeuvre poétique complète de ce dernier, qui demeurera ainsi disponible.Jusqu'à l'aube future, Poèmes 1950-2015. Revue Peut-être n° 9, Numéro spécial, janvier 2018.Le sentier du futur qui mène à l'origine. Poèmes alsaciens. Edition bilingue. Préface de Heidi Traendlin. Photographies d'Alfred Dott. Cahier de Peut-être n° 5, septembre 2018.Ce recueil comprend également un inédit, sorte de prélude au Panier de houblon: «ànnegschréwe én Toulouse, uff d'r Flucht 218 / Souvenirs de mes années d'enfance et d'adolescence»(Ecrits à Toulouse, lors de l'exode.)Perce-neige (1936-1940), Poèmes de l'enfance et de l'adolescence en Alsace, dans ce numéro.Pourquoi faut-il? (novembre 2017), poème inédit, dans ce numéro.
Le symbolisme moderne est inséparable du nihilisme moderne, dont il accuse le progrès vers le désespoir et l'autodestruction. L'histoire de la poésie moderne en Occident est celle de ce progrès. Elle révèle les tactiquesqu'emprunta le moi européen dans le but de le hâter, de l'enrayer, de le sublimer, ou de se distraire de ses tourments.Toutes sortes de réactions à l'expérience crucifiante du vide eurent lieu. Les énumérer en soulignant leurs rapports revient à distinguer les tendances majeures de la poésie occidentale, et à dégager l'unité d'intention profonde qui sous-tend leur apparent désordre.Claude Vigée,Introduction à Révolte et louanges. Paris : Corti, 1962, pp. 7-8.
Les sentiers de velours sous les pas de la nuit de Claude Vigée ouvre la collection des Cahiers de Peut-être, revue de l'association des Amis de l'oeuvrede Claude Vigée. Ce recueil des poèmes postérieurs à la publication de Mon heure sur la terre s'inscrit tout à fait dans l'esprit de notre association : nous nous rassemblons tous autour de l'oeuvre de notre ami au mieux de nos possibilités. Ainsi nous retrouvons dans ce recueil Michèle Finck, Claude Cazalé Bérard, Anthony Rudolf, Daniel et Jola Vigée ainsi que Alfred Dott (photographies) et Guy Braun (monotypes et gravures). De plus, nous pouvons y lire aussi, par-delà la différence des langues et les frontières, l'hommage à Claude Vigée de Vincent O'Sullivan, qui est non seulement un des plus grands poètes de Nouvelle-Zélande, mais encore romancier, dramaturge, et critique, spécialiste mondialement reconnu, notamment, de Katherine Mansfield.Anne Mounic
Vivre est une auto-parturition à l'infini.
À l'échelle du temps terrestre s'entend, un aller-retour sans fin de notre for intérieur, que désigne la lettre muette initiale Aleph, à notre " for extérieur " où se rejoignent par le truchement de nos sens tous les lieux et les temps chaotiques de ce monde, celui de l'histoire humaine inclus. La tâche n'est pas facile ! Je me suis moi-même choisi en me limitant, autant que faire se peut, à partir de mon propre " point d'incandescence " intime ; je surgis du noyau pulsant originel qui est mon appel particulier de l'infini sans visage enfoui dans le tréfonds de notre corps vivant.
Ce désir initial se trouve être complice du souhait de transmettre mon appel d'infini, tout personnel, à l'ouïe d'autrui au moyen des figures verbales que je façonne dans un second temps. Je n'accède à cette écoute qu'en me restreignant, face au sentiment d'extase océanique, qui menace d'emporter toute forme de pensée et toute figure sensible dans son afflux hors de mes profondeurs mentales tout à coup sollicitées sans nulle précaution d'ordre conceptuel.
Au fond de mon être conscient, comme au coeur du poème ainsi façonné par le truchement de mots quotidiens, c'est toujours l'infini premier qui se met à parler à autrui et qui, en se manifestant ainsi extra muros, atteste de notre vie intérieure, soudain rendue plus pleine ou plus parfaite peut-être dans son devenir incertain.
" la poésie passe parfois à travers les pires horreurs de l'histoire, et permet d'éprouver malgré tout l'extase sur les décombres.
Lancer des passerelles entre la profondeur muette de l'homme et l'espace silencieux rend possible à la fois une écoute intérieure et un regard panoramique jeté sur le monde extérieur, qui autrement nous échappe. les poètes ressemblent à ces chevaux de halage que j'ai vus remonter le cours du rhin dans mon enfance : ils soufflent et ils souffrent, mais obstinément ils marchent en traînant leurs bateaux chargés de charbon ou de graviers jusqu'au terme du long voyage de la vie.
La poésie, comme la musique qu'on devine dans le texte original hébreu de la bible sont, à mes yeux, des tremplins, des relais venus du fond de notre passé pour nous aider à rebondir à notre tour dans la vie inconnue. ".
Tous les poèmes écrits par Claude Vigée sont sous le signe d'une angoisse existentielle. Comment perdurer, sans langue, dans une terre étrangère ? Au centre de son oeuvre, l'exil et le mutisme. Claude Vigée est bien le poète qui écrit après Auschwitz, le poète de la lutte et d'une " attente au pire ".
J'ai connu une vie difficile, problématique, souvent angoissante.
Ce qui m'a toujours porté, poussé en avant à travers elle, c'est le souvenir de mes instants d'intime élévation : oui, un souffle nous soulève au-dessus de nos propres frontières, aussi étriquées, aussi tristes soient-elles ! j'ai été, moi aussi, comme la plupart d'entre nous, un rôdeur de frontières, un passeur de toutes les frontières qui nous étouffent : frontières, pendant près de vingt ans, de l'immense amérique, frontières conflictuelles autour de notre rhin natal, frontières si hasardeuses du proche-orient, oú la guerre, à chaque instant, menace d'éclater une fois de plus.
L'étoile polaire qui m'a guidé et soutenu en progressant d'une rive à l'autre, c'est le jeu du souvenir et de l'attente ; c'est l'aspiration renouvelée vers les instants de la lumière intérieure, ces moments merveilleux oú je me sentais totalement en possession de mon propre être, oú mon âme profonde rayonnait sur moi, et me soulevait vers elle. nous sommes ainsi propulsés par saccades douloureuses vers un ailleurs invisible.
Et c'est peut-être dans cet ailleurs que nous sommes attendus. sachons donc demeurer fidèles à cet appel énigmatique du lendemain ; sachons répondre loyalement à ce double mouvement, qui est l'afflux horizontal du fleuve, autant que l'élan vertical de la flamme intemporelle jaillie soudain en nous.
Claude vigée retrace ici, à la manière de montaigne, une vie de vagabondage et d'errance. trois lieux, trois continents, la jalonnent : l'alsace natale jamais oubliée, l'amérique de l'exil où la guerre le chassa, jérusalem enfin, terre lumineuse de la seconde naissance, où il réside depuis vingt ans.
Chaque étape du voyage est marquée par des rencontres, des dialogues qui, dans leur multiplicité apparente, tissent un faisceau de variations sur les thèmes principaux de la vie et de l'oeuvre de celui qui est l'un des plus grands témoins de la littérature juive d'aujourd'hui : méditations sur la création poétique, le destin et l'être juifs, interprétations toujours renouvelées des grands textes de la bible, mais aussi réflexions douloureuses sur la violence quotidienne qui frappe le citoyen de jérusalem.
Indian Summer : c'est ainsi que l'on nomme, en Nouvelle-Angleterre, l'été de la Saint-Martin.
Il prolonge souvent jusqu'aux environs de décembre, sur les collines tachetées de neige et de bouleaux, la gloire surnaturelle de l'arrière-saison.
La plupart des textes de ce journal lui furent dérobés, comme un secret : celui de l'exil, subi d'abord et non sans amertume, assumé enfin non sans nostalgie :
" Quelle vie avons-nous eue là, tous les deux, sur la terre fruste de ces collines, faites de roches éclatées où se mêlent, selon le cours des saisons sauvages, la semence bleue des neiges à celle des cèdres ? Telle aussi fut notre jeunesse...
Personne ici ne nous entend... Arrivé à une certaine perfection dans l'austérité quotidienne de la vie, on en vient à ne plus chercher de distractions que dans l'essentiel : l'air, la glace, les oiseaux, les enfants, le lac ovale et profond de ton ventre, l'arbre de ta nuque, le feu blanc des étoiles dans la houillère du ciel... " Le journal de L'Eté indien est accompagné d'une méditation sur un verset de la Genèse.
Ces textes sont des miroirs jumeaux qui réfléchissent le visage simple d'une saison humaine.