A quoi sert la télévision ? A rapprocher des publics par ailleurs séparés les uns des autres dans une société où chacun est enfermé chez soi. Là réside le génie de la télévision: faire participer chacun individuellement, librement, gratuitement à cette activité collective, partagée simultanément par le plus grand nombre. Elle est le lien social par excellence de la démocratie de masse. Car du haut en bas de l'échelle sociale, chez les riches comme chez les pauvres, les urbains et les ruraux, les jeunes et les vieux, tout le monde regarde la télévision. Et en parle. Telle est la thèse centrale du livre, qui vise à montrer l'importance de la télévision du point de vue démocratique. Pour cela, il faut critiquer les idéologies, techniques, politiques et économiques, qui l'enserrent et l'étouffent, privilégier la télévision généraliste qui s'adresse au grand public et se méfier des télévisions thématiques qui, sous couvert de satisfaire les publics, ne font que reproduire les inégalités sociales et culturelles. La télévision est un formidable outil d'émancipation politique et culturelle, aussi important pour l'avenir de l'Europe que l'éducation, la culture et la recherche. A condition de susciter des politiques plus ambitieuses que les modes dont elle est l'objet.
L'Europe n'est pas un rêve dépassé au bilan décevant. Non, elle n'est pas déclassée par le glissement des pouvoirs vers une Asie toute-puissante.
Elle reste la plus grande aventure pacifique et démocratique de l'Histoire. Réussir à faire cohabiter plus de 500 millions d'individus divisés par d'innombrables contentieux, avec 27 nationalités différentes et parlant plus d'une vingtaine de langues, et ce depuis soixante ans, n'est pas une réussite négligeable. Mais comment cela est-il possible ?
C'est que les membres de l'UE persévèrent dans le dialogue, malgré les contentieux, les désaccords et les tensions, grâce à ce que Dominique Wolton nomme l'« incommunication ». Et c'est bien là que réside toute sa force, et son avenir.
Faisant suite au volume consacré aux « révolutions de l'expression » au xxe siècle, la présente livraison analyse la communication comme une discipline et un objet propre ayant connu, tout au long de cette période, des ruptures et des filiations. À partir de terrains toujours plus vastes et nombreux, ses concepts, écoles de pensée et paradigmes théoriques témoignent de la diversité de ses préoccupations et orientations, mais aussi de problématiques communes et de thématiques récurrentes. Les conflits et controverses qui la traversent attestent de sa vitalité, sans pourtant exclure des impensés - et parfois même des sacrifices - en des temps de sur-événementialité médiatique et d'idolâtrie technique.
Appelant une saisie interdisciplinaire aussi difficile que nécessaire, l'étude de la communication est rendue d'autant plus complexe - et son savoir plus fragile - que son objet même engage, rencontre et bute sur une inconnue majeure : l'altérité. Diversité culturelle, mondialisation et dynamiques identitaires locales ou globales, individuelles ou collectives en sont les marqueurs aujourd'hui évidents. L'ensemble invite alors à revenir sur les rôles et responsabilités des acteurs et pose, plus généralement, la question de toute forme de participation et d'engagement, public ou non.
La communication, prise entre injonction sociale et liberté d'expression de chacun, est-elle gage d'une meilleure compréhension de tous ? L'incommunication reste en tout cas son horizon. Elle guette toute parole et tout échange, ordinaire ou officiel. L'épreuve de l'autre est toujours au risque de soi. C'est sans doute dans cette réalité première mais constitutive de la condition humaine que réside, sur fond d'incertitude croissante au xxe siècle, l'enjeu fondamental de la communication.
Cinq continents, 133 pays, 4360 auteurs, 4650 notices bibliographiques : pour la première fois réunis dans un livre les principaux auteurs écrivant en français depuis 1990 et dans le monde entier, dans les domaines des littératures et des sciences humaines et sociales. Placée sous la direction de Dominique Wolton, une équipe de 22 chercheurs et universitaires avec plus de 90 correspondants à l'étranger.
" ce qui m'intéresse dans la communication, dans la mesure où elle ne réussit pas toujours, puisque l'émetteur est rarement en ligne avec le récepteur, c'est de pouvoir gérer ce décalage.
C'est parce que celui-ci existe que l'on se parle, se répond. en quoi consiste la communication ? je te parle, tu ne m'écoutes pas, tu ne me comprends pas et tu me réponds. c'est une sorte de dialogue de sourds, le jeu de l'incommunication. mais cette incommunication fonde l'être humain. on passe son temps à se remettre en déséquilibre pour se remettre en position de dialoguer. communiquer c'est cohabiter.
" dominique wolton.
Fait le point sur la "révolution" Internet, sur sa logique politique et économique, sur les modes de transmission de l'information et des savoirs et sur les mirages d'une communication surpuissante.
En 35 ans, Dominique Wolton a travaillé sur 10 domaines de recherche qui éclairent l'avenir.
L'individu et le couple ; le travail ; les médias ; l'espace public et la communication politique ; l'information et le journalisme ; Internet ; l'Europe ;
La diversité culturelle et la mondialisation ; les rapports sciences-techniques-société ; connaissance et communication.
Tous ces thèmes, au coeur des débats contemporains, il les a le plus souvent abordés à contre-courant des idées du moment, témoignant de sa lucidité et de son intuition.
Ses recherches contribuent notamment à valoriser une conception originale de la communication qui privilégie l'homme et la démocratie plutôt que la technique et l'économie. Avec cette question fondamentale : comment cohabiter pacifiquement avec l'autre, aujourd'hui si proche grâce à la multitude des techniques, mais toujours aussi éloigné ? En repensant les rapports entre l'individu et le collectif, entre le même et le différent, il renouvelle la pensée politique à l'heure de la communication omniprésente.
Aujourd'hui, chaque internaute laisse des traces de son passage sur la toile. Repérage, surveillance, la circulation et l'utilisation des données numériques personnelles suscitent de véritables inquiétudes.
Posant le problème dans son ensemble, ce numéro d'Hermès engage une réflexion sur cette identité numérique nouvelle, qui réduit l'individu à une collection de traces.
Bousculant les lieux communs, les auteurs développent l'idée selon laquelle la traçabilité n'est pas seulement surveillance, dysfonctionnement, mais aussi une condition positive de la personnalisation de l'information, de l'interconnexion des personnes et des objets. C'est un nouvel espace public qui est ainsi créé par le numérique où les distinctions traditionnelles public/privé sont bouleversées.
Appelant à la création d'un habeas corpus numérique, Dominique Wolton et ses collaborateurs analysent les politiques publiques de protection et de normalisation, dans un contexte où règne avant tout le laisser-faire ou la régulation totalitaire.
Maastricht clôt quarante années de construction technocratique de l'Europe et ouvre une autre histoire : celle de l'Eurpe démocratique.
Avec le suffrage universel s'achève l'Europe des 50 000 et commence celle des 340 millions. Rupture considérable, d'autant plus angoissante qu'elle s'est produite sous nos yeux en direct, en symétrie à l'effondrement du communisme. L'Europe démocratique recquiert une fantastique révolution mentale, où les conditions sociales et culturelles sont plus importantes que les institutions. En un mot, l'Europe démocratique n'est pas la suite de l'Europe économique avec un zeste de suffrage universel en plus.
Elle est bien autre chose qui mêle l'Histoire, les valeurs et les idéologies. Tout est à respecter pour mobiliser les citoyens. Et d'abord retourner le gant de la logique technocratique. Il n'y a plus, d'un côté une élite moderniste qui sait à l'avance, et de l'autre des citoyens en retard, frileux, passéistes et nationalistes. Dorénavant, il y a égalité des points de vue et des légitimités. Pour réussir l'Europe des citoyens, il faut partir de leur réalité : la nation, l'identité, la mémoire.
Et casser cette tyrannie de la modernité. Le risque, si on refuse de penser les conséquences de Maastricht ? La naissance d'un puissant mouvement qui ferait de l'Europe le parfait bouc émissaire de toutes les difficultés à l'Est comme à l'Ouest. Réussir l'Europe démocratique, la dernière utopie, c'est d'abord accepter de raisonner autrement.
Avec l'ouverture des frontières, la télévision, la démocratisation des voyages et plus récemment Internet, le monde se serait mué en un gigantesque «village». C'est, du moins, ce que veulent faire croire des industries de la communication plus puissantes que jamais : nous serions tous «citoyens du monde», multi-branchés, capables d'assimiler les héritages les plus divers, bricolant dans la bonne humeur une sorte de culture mondialisée.
Rien de plus vain que cette prétention cosmopolite. Pour affronter un monde toujours plus ouvert, et donc plus incertain, il faut au contraire être confiant dans son identité, prêt à se confronter à d'autres valeurs. Bref, avoir des racines. Ce n'est pas parce que l'Autre est aujourd'hui plus accessible qu'il est plus compréhensible, c'est même précisément l'inverse. Plus nos différences sont visibles, plus elles créent des tensions. Curieusement, alors qu'on ausculte à la loupe la mondialisation économique, on oublie de penser cette «autre mondialisation» dont dépendent pourtant la paix et la guerre de demain.
A quelles conditions, donc, organiser au niveau mondial une cohabitation des cultures ? C'est la question centrale de ce livre et, pour Dominique Wolton, l'un des principaux enjeux politiques d'aujourd'hui. A contre-courant des idées reçues, il risque des propositions qui surprendront.
Réussir à communiquer est la grande question de notre vie. On cherche tous à y répondre et personne ne peut s'en passer. Elle est au coeur des rapports personnels, familiaux, sociaux, politiques et, de plus en plus, de la mondialisation. Pourtant, elle est constamment dévalorisée, soupçonnée de manipulation, réduite aux paillettes ou au commerce. «La com» n'est pas synonyme de communication. Il a fallu des siècles de combat pour la reconnaître, et elle n'est authentique qu'entre des individus libres et égaux. C'est pourquoi elle est si fragile et indissociable de la démocratie. Sauver la communication, c'est admettre qu'elle est distincte de l'information, car elle concerne la relation, toujours difficile, avec l'autre. Communiquer, c'est de toute façon aller au-delà des messages et des techniques, aussi sophistiquées et séduisantes soient-elles. C'est rappeler, modestement, obstinément, la dimension humaniste de la communication et accepter les risques de l'incommunication. C'est aussi critiquer les idéologies qui la portent, et tous ceux qui l'utilisent, sans vergogne, tout en la dévalorisant. Sauver la communication, c'est finalement défendre l'idéal démocratique et comprendre que communiquer et cohabiter sont parmi les grands enjeux de paix et de guerre du XXIe siècle. La communication est toujours un pari sur l'autre. À l'heure de la mondialisation, où la fin des distances physiques révèle l'incroyable étendue des distances culturelles, elle est une valeur essentielle pour éviter que le choc des cultures n'entraîne la guerre des civilisations. D.W.
Demain la francophonie
La diversité culturelle est l'enjeu politique majeur de la mondialisation. Si chacun veut bien participer à un monde ouvert, c'est à condition de conserver ses racines. Pas de mondialisation sans respect des identités, au premier rang desquelles les aires linguistiques qui traversent les continents, les pays riches et pauvres, du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest.
La francophonie avec 175 millions de francophones, 63 pays et 711 millions d'habitants constitue un acteur majeur de cette cohabitation pacifique à construire. Mais les Français n'en sont pas fiers, alors qu'il s'agit d'une fenêtre formidable ouverte sur le monde. Ni nostalgie, ni reste de l'Empire, elle est au contraire le moyen de parler de tout. Et d'agir. La France est déjà multiculturelle avec les outre-mers et les enfants de l'immigration. Avec la francophonie, elle est de plain-pied dans la mondialisation et la diversité culturelle. Elle lui apporte une richesse humaine exceptionnelle. La francophonie, un vestige du passé oe Non, elle est la jeunesse et l'avenir. La solidarité et la diversité culturelle en actes. La possibilité de conjuguer autrement culture, économie, démocratie et société.
Le terme de « guerres de mémoires » est omniprésent dans l'actualité. Aux quatre coins du monde, la mémoire, le passé et l'histoire sont devenus des enjeux politiques et médiatiques majeurs. Les usages politiques de l'histoire ne sont cependant pas une nouveauté, ils ont commencé avec l'apparition de l'histoire elle-même. Longtemps le fait des dirigeants, des États, des partis, l'utilisation du passé à des fins politiques et identitaires s'est déplacée aux marges et aux peuples, depuis l'émergence de la mémoire et des mémoires.
Celles-ci sont devenues des espaces de luttes, de reconnaissance, de combats et. de concurrences, dont la violence n'est pas toujours symbolique. Une multitude de médias et supports les portent, les transportent, les modifient, les rendent visibles. Mais comment cela se met-il en oeuvre ?
Ce numéro d'Hermès se propose de faire de ces conflits un sujet d'étude et de décryptage. Pour appréhender ces questions et permettre des comparaisons, sont étudiées des aires géographiques très diverses (de l'Australie à l'Amérique, du Japon à l'Espagne, du Chili à l'Inde.), mais aussi des supports et espaces de médiatisation multiples (les camps, l'école, la presse, le cinéma, les monuments, la loi.) et des temporalités larges. Enfin, trois grandes thématiques mémorielles structurent ce dossier : « Colonisation et esclavage », « La fin des dictatures » et « Shoah, génocides et massacres ». Ces séquences montrent la notion de « modèles » au niveau mondial et national. Ces exemples révèlent en effet des dynamiques nationales (et transnationales) très fortes au sein desquelles la capacité de « communiquer » est un enjeu majeur.
Enfin, ce numéro est appelé à devenir un ouvrage de référence pour quiconque s'intéresse à la communication, à l'histoire, aux mémoires et à leurs enjeux. Comprendre ces stratégies médiatiques et leurs affects politiques, c'est comprendre comment fonctionnent nos sociétés et leur rapport au passé.
Pascal Blanchard, Marc Ferro et Isabelle Veyrat-Masson
Le monde de la BD a ses emblèmes : Tintin, Astérix ou Largo Winch. Tirés à des
millions d'exemplaires, ces grands titres cohabitent depuis toujours avec une
multitude bigarrée et inégale, tels ces véritables romans graphiques de 500 pages
aux graphismes sublimes ou ces 8 pages noirs et blancs photocopiés à la va-vite.
Objet en perpétuel re-création, la BD connaît une ébullition saisissante, alimentant
des univers complexes.
L'équipe d'Hermès passe ce média au crible des sciences de la communication. Les
auteurs, universitaires ou professionnels, questionnent cette mise en images et en
textes, tentent une définition, interrogent son manque de légitimité originelle. Leur
but : saisir comment cet art majeur du XXIe siècle est capable de créer des liens
aussi forts avec son lectorat, de constituer et souder des communautés, des publics
divers, en suscitant des solidarités si concrètes et puissantes entre les différents
acteurs.
Pour la première fois, la BD se voit traitée et analysée comme n'importe quel média,
à égalité avec la télévision et la radio.
Pendant un an, le pape François a accordé douze entretiens à l'intellectuel français Dominique Wolton. Fruit de ces rencontres humaines et chaleureuses, ce dialogue exceptionnel et inédit aborde en toute liberté les grands sujets de notre temps et de l'existence humaine : la paix et la guerre, la politique et les religions, la mondialisation et la diversité culturelle, les fondamentalismes et la laïcité, l'Europe et les migrants, l'écologie, les inégalités dans le monde, l'oecuménisme et le dialogue interreligieux, l'individu, la famille, l'altérité, le temps, la confiance et la joie.
Sans conformisme ni langue de bois, ce livre illustre la vision du pape pour l'Église et la société : abattre les murs et construire des ponts.
Les conflits interethniques et internationaux, le terrorisme et la lutte anti-terroriste, la torture sont profondément marqués et alimentés par l'image de l'Autre.
L'information et en premier lieu la télévision y occupent une place essentielle. Cette télévision - qui selon Dominique Wolton était productrice de " lien social " - est-elle devenue l'instrument du " choc des civilisations " ? Nous vivons, en tous cas, quelques paradoxes qui peuvent avoir des conséquences dramatiques : la mondialisation et la technologie offrent plus d'informations et provoquent moins de compréhension.
Il y a désormais moins de distance géographique mais plus de distance culturelle ; de même que trop d'informations tue l'information. Le regard sur l'Autre est caricatural. La pression de la concurrence dénature le sens même d'une information désormais marchandisée. Comment concilier l'indispensable revendication identitaire et la cohabitation culturelle ? Comment préserver le sens face au spectacle ? Comment la télévision publique peut-elle concilier la recherche d'une indispensable audience et la préservation de son identité et de sa différence ? Comment peut-elle encore faire oeuvre de civilisation ?.