S'il émane d'une historienne, l'essai que voici parle de littérature. C'est avant tout le livre d'une lectrice. Lectrice depuis longtemps assidue au tête-à-tête familier et toujours passionnel avec les textes littéraires mais tout à coup renvoyée à sa bibliothèque par un aujourd'hui devenu impitoyable. Il me fallait «tuer le temps».Les grands textes de fiction inventent leur puissance de vérité propre, y compris historique. Ils figurent des formes et des savoirs du temps, une pensée de l'événement, de l'attente, du recyclage, de la disparition et de la perte; ils enregistrent, parfois malgré eux, un nécessaire travail du négatif opposé au tropisme progressiste de notre modernité. Ils nous enjoignent non pas seulement de ralentir ou de tourner le dos au «Progrès» - déjà tout un programme! -, mais bien de réviser nos cadres temporels eux-mêmes. Ce faisant, depuis la Révolution française, les écrivains interrogent affectivement ce que signifie «être contemporain» de son époque; de quelle façon vivre - ou ne pas - vivre avec son temps.L'itinéraire de lectures ici présenté est buissonnier et sans aucune ambition systématique, cheminant à sa guise, dans un corpus de livres aimés, romans, récits ou grandes oeuvres de sciences sociales, d'histoire et d'ethnologie. Chaque chapitre ménage une rencontre entre les uns et les autres et révèle des styles de pensée comparables, organisant des constellations d'oeuvres complices. Toutes décrivent magnifiquement une carte des possibles de l'existence. Souhaitons que ce livre, nourri des mille façons de vivre le temps, nous aide à mieux habiter le nôtre.E.L.
En culture comme en politique, l'échelle européenne est un effort autant qu'un accomplissement. C'est pourtant bien à cette échelle que cette «brève histoire» entend se situer - avec un récit fait d'éveils nationaux, d'industrialisations, d'urbanisations, d'assemblées délibérantes, de journalistes, d'artistes et d'intellectuels, de culture de masse, de systèmes éducatifs et de droits de la personne. En treize chapitres vigoureux, Emmanuelle Loyer fait tourner le kaléidoscope européen, du milieu du XIXe siècle à nos jours, saisissant pratiques et représentations dans leurs différentes inscriptions spatiales et sociales, dans leur hybridation entre l'ancien et le nouveau.
En filigrane, une réflexion sur la fragilité de la culture européenne : il n'y a pas une culture européenne qui viendrait justifier un destin commun, mais des cultures qui se croisent et se nourrissent, engendrant la sédimentation que nous connaissons aujourd'hui.
Retracé avec une grande liberté, cet itinéraire permet d'imaginer, pour nous autres, Modernes tardifs du XXIe siècle, un rapport peut-être plus heureux à notre présent.
On ne semble plus vouloir aborder Mai 68 que sous deux angles : la commémoration des témoins et des anciens, rituellement organisée tous les dix ans ; la liquidation exigée par ses adversaires, qui, régulièrement, revient sur le devant de la scène médiatique.
Ce livre veut sortir de ce double discours, pieux et nostalgique ou vindicatif et injuste, en proposant les documents qui, sur le moment même, ont constitué l'événement de Mai 68.
À travers ces traces écrites, ces voix plurielles - déclarations, pétitions, slogans, tracts, procès-verbaux de manifestations, fiches de renseignements généraux, projets étudiants ou ouvriers, extraits de presse, fragments de discours -, l'on peut revivre au plus juste et comprendre ce qui fut une véritable révolution, dans la rue, certes, mais aussi dans les mots. Le regard de l'historienne, au ras de l'archive, permet ainsi de lire à nouveaux frais ce qui s'est passé au printemps 68, moment d'invention et de jubilation de la parole.
Claude Lévi-Strauss est né en 1908 et mort centenaire, en 2009, tout près de nous, lecteurs du XXIe siècle. Il grandit dans une famille juive, bourgeoise, mais qui a connu des jours meilleurs. Le père est peintre, bricoleur; le fils choisit la voie de la philosophie et du militantisme socialiste. Le jeune agrégé part en 1935 enseigner la sociologie à São Paulo. Lors de rudes expéditions dans le Brésil intérieur, il se fait ethnologue, découvrant l'Autre indien. Les lois raciales de Vichy le contraignent à repartir:il gagne l'Amérique en 1941 et devient Prof. Claude L. Strauss -pour ne pas qu'on le confonde avec le fabricant de jeans. Cette biographie décrit l'accouchement d'une pensée d'un type nouveau, au milieu d'un siècle chahuté par l'Histoire:l'énergie des commencements au Brésil et l'effervescence du monde de l'exil européen à New York, entre surréalisme et naissance du structuralisme. Le retour en France, après la guerre, sonne le temps de l'écriture de l'oeuvre:plusieurs décennies de labeur intense où Lévi-Strauss réinvente l'anthropologie, une discipline qui a désormais pignon sur rue et offre une nouvelle échelle pour le regard. En 1955, Tristes Tropiques en est la preuve éclatante, en France puis dans le monde entier. Au cours des années, Lévi-Strauss est devenu une gloire nationale, un monument pléiadisé de son vivant. Mais il a sans cesse revendiqué un «regard éloigné» qui lui permet de poser un des diagnostics les plus affûtés et les plus subversifs sur notre modernité en berne. Cette biographie souligne l'excentricité politique et intellectuelle de l'anthropologue. Sa vie décentrée par rapport à l'Europe, ses allers-retours entre ancien et nouveaux mondes, son goût de l'ailleurs font de ce savant-écrivain, mélancolique et tonique, esthète à ses heures, une voix inoubliable qui nous invite à repenser les problèmes de l'homme et le sens du progrès. Lévi-Strauss est moins un moderne que notre grand contemporain inquiet.
Ce livre veut sortir de ce double discours, pieux et nostalgique ou vindicatif et injuste, en proposant les documents qui, sur le moment même, ont constitué l'événement de Mai dans la pluralité de ses voix.
On ne semble plus vouloir aborder Mai 68 que sous deux angles : la commémoration des témoins et des anciens, rituellement organisée tous les dix ans ; la liquidation exigée par ses adversaires, brusquement revenue sur le devant de la scène médiatique lors de la dernière campagne présidentielle.
Ce livre veut sortir de ce double discours, pieux et nostalgique ou vindicatif et injuste, en proposant les documents qui, sur le moment même, ont constitué l'événement de Mai dans la pluralité de ses voix.
C'est au coeur de ces traces écrites - déclarations, pétitions, slogans, tracts, procès-verbaux de manifestations, fiches de renseignements généraux, projets étudiants ou ouvriers, extraits de presse, fragments de discours -, que l'on peut revivre au plus juste et comprendre ce qui fut une véritable révolution, dans la rue, certes, et parfois avec violence, mais aussi dans les mots, sur le papier, et toujours avec une invention et une jubilation de la parole.
On aimerait que le recul dans le temps ainsi qu'un certaine myopie volontaire du regard, au ras de l'archive, permette de lire à nouveaux frais ce qui s'est passé au printemps 68.
Entre 1940 et 1945, un grand nombre d'écrivains et d'artistes français quittèrent la France occupée pour New York, capitale intellectuelle du monde libre. S'y retrouvèrent André Breton, Claude Lévi-Strauss, Boris Souvarine, Jacques Maritain, Paul Vignaux, Jules Romains, Antoine de Saint-Exupéry, Saint-John Perse, Max Ernst, Pierre Lazareff... Ce livre raconte l'histoire de cet exil de guerre et des réseaux de solidarité qui le rendirent possible. Il analyse la diversité des prises de position vis-à-vis de De Gaulle ou de la Résistance intérieure et évoque la création de maisons d'édition ou d'institutions comme l'École libre des hautes études. Comme leurs collègues allemands, les savants et intellectuels français mobilisés contre les fascismes vont participer aux agences d'information et de propagande américaines et ainsi contribuer de façon originale à l'effort de guerre allié. A la différence des exilés allemands, les exilés français regagnèrent tous la France à la fin de la guerre, mais avec un regard neuf. Cet ouvrage retrace un chapitre méconnu de l'histoire de la Résistance française, et apporte une précieuse contribution à l'histoire intellectuelle et artistique, en nous invitant à repenser l'identité nationale et l'innovation intellectuelle en termes de transferts et de métissages.
Révélant la vitalité stratégique qui anime les écrits comme la vie de Claude Lévi-Strauss, cet abécédaire rappelle la résonance actuelle de l'oeuvre, souvent peu comprise, du grand anthropologue, théoricien du structuralisme.
Discordante au regard du triomphalisme moderniste, son inquiétude, qu'on a pu qualifier de «?pessimisme lévi-straussien?», est aujourd'hui pleinement la nôtre. C'est notre condition contemporaine?:?«?Expropriés de notre culture, dépouillés de valeurs dont nous étions épris - pureté de l'eau et de l'air, grâces de la nature, diversité des espèces animales et végétales -, tous indiens désormais, nous sommes en train de faire de nous-mêmes ce que nous avons fait d'eux.?» Tristes Tropiques, La Pensée sauvage, L'Homme nu, Nous sommes tous des cannibales... Sa critique de l'humanisme classique instituant les humains en règne séparé est devenue une évidence partagée?: l'Occident, ivre de lui-même, fétichiste du «?Progrès?», est aujourd'hui en déconfiture. Lire Lévi-Strauss, c'est envisager les problèmes autrement?; c'est pourquoi il est primordial de découvrir ou redécouvrir la pensée du plus grand ethnologue français du XXe siècle.
De la « semaine d'art » fondée par Jean Vilar en 1947 au plus grand rendez-vous théâtral du monde, le Festival d'Avignon est devenu une légende. Le théâtre s'y est comme forgé et refondé dans la nuit, dans les pierres, dans la ville, soudain partagé par un public qui sortait enfin des salles fermées.
Tous les grands noms du spectacle vivant y ont défilé, et Avignon est devenu le témoin de questions essentielles. Fer de lance de l'idée du théâtre populaire, moteur de la décentralisation, laboratoire des politiques culturelles, espace d'invention d'un public, scène miroir du monde et de ses crises, le Festival reste une manifestation éminemment contemporaine dans ses implications politiques et esthétiques.
À l'occasion de la soixante-dixième édition du Festival, Emmanuelle Loyer et Antoine de Baecque réactualisent ce travail magnifiquement documenté avec le récit de ces dix dernières années.
Ils s'attardent tout particulièrement, dans le dernier chapitre, sur l'impulsion donnée par le nouveau directeur, auteur et metteur en scène, Olivier Py qui préface cette nouvelle édition.
Nouvelle édition augmentée
Le lecteur trouvera dans cet ouvrage synthétique et précis les grands traits de l'évolution des idées, de la littérature et des arts. Les jeux d'influence entre les artistes, les ruptures dans la création et les grandes réflexions du siècle y sont largement analysés.
Au-delà de la culture "noble" d'autres pratiques culturelles se sont imposées au fil du temps. Tours de chant, manifestations sportives, cinéma et lecture dits populaires, émissions radiophoniques ou télévisuelles, et jusqu'à la mode, apportent leur contribution à l'édifice.
En ce début de XXIe siècle, cet ouvrage apparaît comme un précieux outil pour le lecteur en quête de repères touchant à la culture contemporaine.
Ce manuel analyse les formes successives de notre culture nationale. La culture n'est pas décrite ici comme un bien intemporel et universel, abstrait de toute évolution politique, économique ou sociale. Au contraire, les passerelles sont nombreuses entre les itinéraires des intellectuels français et l'histoire politique, nationale et internationale. Un précieux outil pour l'étudiant en quête de repères touchant à la culture contemporaine.