Jean-Baptiste Rivière a profondément aimé Claire, disparue trop jeune, et les années qui passent le laissent inconsolable. Les souvenirs de cet amour, durant l'âge d'or des années 1970 pétries de contre-culture, de rock et d'aventures humaines, envahissent son quotidien désenchanté. Et Claire n'est pas une morte tranquille : elle prend régulièrement la parole pour protester contre la perte de l'âme-soeur, la dissolution des sensations et du corps. Sans compter la rhétorique râpeuse d'un mystérieux DarkDada avec qui Jean-Baptiste dialogue sur twitter. Fluide, lumineux, d'un lyrisme contenu, Rivière chante l'amour et la renaissance, mais aussi la poésie des choses simples et du travail manuel, l'urgence de choyer la nature et de cultiver la solidarité humaine.
« Tu récoltes ce que tu as semé, tu commences par le rouge et le vert, premiers radis premières laitues, gotte jaune d'or ou reine de mai, d'abord des feuilles tendres comme du papier de soie, presque transparentes puis qui bouclent comme des oreilles, d'un vert moyen qui s'approfondit encore à l'extérieur alors que le coeur de la salade enfle et blanchit, un coeur qu'on peut arracher aussitôt avec les dents et croquer naturellement dans le jardin en l'assaisonnant avec une tige de jeune échalote, tu t'accroupis devant les cosses de petits pois à disputer aux ramiers, tu passes une matinée à arracher et préparer les poireaux repiqués l'an passé en juillet qui ont poussé à travers l'hiver. » Un accident cardiaque frappe un homme au travail dans son jardin. Dès lors, un flot traverse sa conscience. Images, sons, odeurs, sensations et visions s'entremêlent pour nous offrir une ode à la vie, au moment où elle s'enfuit.
Angèle est une petite fille un peu étrange, qui s'imprègne de son quotidien, s'imbibe du bien et du mal et se noie dans ses rêves, sans parvenir à extraire, exprimer, essorer... Roman sur l'enfance et l'innocence, ode à la vie et à la nature, Angèle ou Le Syndrome de la wassingue est aussi un récit d'apprentissage dont le chant monte crescendo, du murmure à l'envol lyrique, pour accompagner son merveilleux personnage sur un chemin onirique et libératoire.
« J'ai écrit beaucoup de pages, mais je n'arrive pas à suivre. Je sais trop de choses. Je ferme comme un robinet devant mes yeux. Trop de choses effroyables. J'ai fait du mal. Je dois raccorder mes nerfs. La Lys me suit après Haverskerque Armentières à travers Comines pour aller dans la mer. L'eau revient dans les nuages. Mon petit Émile tombe dans la pluie. Ici c'est ma peine. Je l'accomplis. » Mauricette Beaussart, soixante-quinze ans, a disparu de l'hôpital où l'on soigne sa santé mentale. Son ami Christophe Moreel entreprend de la retrouver. Au fil de sa quête, le passé et le présent de Mauricette s'entrecroisent, tissant peu à peu le portrait d'une femme riche de ses grandes souffrances et de ses petits bonheurs.
« Un écrivain quitte son bureau, son village. Il prend le T.E.R. à la gare d'Isbergues, une ex-cité métallurgique. Il pose sa valise à Fives, l'ex-cité des locomotives. Il va y vivre trois mois, l'hiver 2009-2010.
Un hiver passé à la recherche d'une histoire dont les briques ont gardé la mémoire, le vacarme de la fabrique , la cadence des machines, le potin des locomotives qui sortaient de l'usine et traversaient la mer pour rejoindre le Far West ou l'Argentine.
On suit brique après brique celui par qui le jeu des devinettes est lancé. Est-ce que la friche va devenir une caserne de pompiers ? un espace vert ? un lycée hôtelier ?...
Aujourd'hui, il y a des briques et tous ces arbres semés du ciel par les oiseaux. Et quelquefois, sur les écrans de cinéma, des Indiens galopant le long des voies, à la poursuite des locomotives de Fives. » En complément audio D'azur et d'acier, la musicienne lilloise Laure Chailloux dialogue en aparté avec Lucien Suel le long d'une lecture musicale.
La Justification de l'abbé Lemire est un poème en quarante-deux épisodes écrits en vers justifiés : chaque vers compte le même nombre de caractères (espace compris). Le texte, dès lors, s'organise visuellement en petits tableaux comparables à des lignes de culture jardinière, à des rangs d'église ou de tombes, ou à tout ce qui portera à l'analogie avec la vie et l'engagement de l'abbé Lemire, grande figure de la démocratie chrétienne dont Lucien Suel propose de faire le récit d'une manière inattendue et émouvante.
Ce Lapin mystique, aux allures fin-de-siècle, empreint de psychédélisme, nous embarque dans un engrenage perpétuel. Une fuite du quotidien ordinaire, une quête impossible et circulaire au cours de laquelle les repères se perdent au fil d' évènements réels ou rêvés, une histoire drôle, douloureuse ou mystérieuse comme l' est la vie.
Paru en 1998 sous forme de feuilleton dans la revue de¬¬ poésie lilloise « Le Dépli amoureux », Le Lapin mystique est le tout premier roman de Lucien Suel, bien avant Mort d' un jardinier (éd. de La Table Ronde, 2008).
Dans cette ronde narrative joliment menée par Lucien Suel, lʼécrivain a su capter lʼimportance originelle du regard dans la peinture, puissamment mise en oeuvre dans lʼoeuvre de Jules- Alexis Muenier, La Retraite de lʼaumonier (1887) exposée au musée de Cambrai. Lucien Suel nous livre tour à tour les points de vue de ceux qui donnent du sens à ce tableau. Nous nous surprenons à chercher le ciel dans le haut du tableau tandis que le regard divin se pose sur ce serviteur de Dieu. Les mots de Lucien Suel nous guident à travers le tableau et nous donnent à entendre le vieil abbé, absorbé par la contemplation du déroulement de sa vie. En se remémorant affectueusement le bréviaire que lui donna le modèle de son sujet, le peintre lui aussi prend la parole et donne par là-même toute son importance à la figure centrale de la toile et de son ekphrasis : le bréviaire, la sainteté des Ecritures et lʼimmuabilité des mots, ce lieu intime où lʼécrivain et le peintre se rencontrent.
Je rentre du Gris-Nez ;
Le soleil décline dans mon dos ;
Mes yeux dévorent les verdures ;
Du paysage mouvant ;
"Je capte les pensées fugitives, la prose bop spontanée, le cut-up des langues, sans hiérarchie, ni sélection. Rien que la vie brute". Dans ce recueil mêlant poèmes publiés et inédits, Lucien Suel se joue de toutes les formes possibles ; vers justifiés, sonnets, calligrammes, alexandrins, haïkus, prose poétique. Comme le monde, son monde, se fond dans ses poèmes, il est question ici des paysages du Nord hérissés de terrils, de la femme aimée, de bocks de bière, d¹accessoires du quotidien, des ancêtres et des morts, de fruits et légumes, d'animaux de tout poil, de rock, de culture internet ou encore de la Beat generation.
Une poésie qui associe émerveillement et résistance, contraintes formelles et liberté de ton, sans oublier une sérieuse dose d'humour.
"J'aime laisser un disque tourner pendant ma promenade et revenir ainsi dans une maison habitée.
Une entorse à mes principes d'économie, mais dans ce cas, je me fiche de l'économie. Me fiche aussi des régimes minceur de banane, des enquêtes d'opinion de rue, des journaux gratuits, des messieurs en trottinette, des filets militaires ou de fierté ceci ou cela, des jeux à se gratter, discours, règlements intérieurs communautaires, campagnes d'information sur les promotions de la sécurité assurance-vie chewing-gum aliments régimes de chiens minuscules bichons cruchons cornichons vaccinations aviaires révolutionnaires courses autour du monde antennes satellites surgelés bande d'arrêt d'urgence."
" Mai-juin 2001.
Retour au Blosne, voici le poète assigné à (en) résidence / trouée / fragmentée loin des siens, Josiane, Cécile, Arnaud, Marie, Guillaume, Thomas, Nan, Mauricette, Ivar... Résidence, la première pour nous aussi, découvrir, s'apprendre. Logement chez l'habitant Augustin et Marie arpenter le Blosne, les tours, rues étrange toponymie, Monténégro, Serbie, Prague-Volga, FG4, K18. Lucien, son rire son tee-shirt Goo Sonic Youth sa générosité sa douceur.
Immersion Triangle / Le Blosne / (ex)ZUP SUD loin Berguerre-lsbergues-Ligny les Aire. Lucien ses chaussures de sécurité, comment il sait (aussi) manier truelle, groet, taloche, râteau et sans résidence, patiemment construit sa maison cultive son jardin. Lucien il peut comme ça s'emparer béton tours rues... en faire humus du poème ". Yann bissez. Journal du Blosne a été écrit au court d'une résidence d'auteur au Triangle, à Rennes.
« Orage secret, tu t'approches derrière l'abri des nuages.
La fée souffle son haleine glaciale au cou du jardinier. La mésange lève sa casquette bleue et appelle titipu titipu titipu. Le ciel avance dans le noir, se colle sur les peu- pliers tremblants. La goutte ronde est tombée la pre- mière sur l'araignée du troène. L'homme se tourne vers les soupirs croissants, soulève le col de sa veste en toile et regarde l'air en mouvement. La haie change de cou- leur. La mésange a le bec cloué. Le noir va gagner. L'eau va tomber. Le canal est impatient. L'horizon se referme comme la main noire du démon. Il cligne des yeux, éter- nue et pleure sur la terre. » Après Je suis debout, paru en 2014, voici le second vo- lume de la poésie de Lucien Suel. Les formes toujours variées (prose poétique, haïkus, tweets en cent-qua- rante signes, vers arithmogrammatiques...) se mêlent au coeur d'un triptyque planté sous le ciel changeant du Nord pour célébrer l'enfance, les jardins, les disparus.
Canal Mémoire est le fruit d'un travail étalé sur une quinzaine d'années. Composés sous la contrainte d'une écriture arithmogrammatique (l'écriture arithmogrammatique se fabrique en comptant le nombre de signes typographiques dans chaque ligne), les textes proposés ici vont du récit personnel au pamphlet visant différents aspects de notre modernité.