Curzio Suckert, dit Malaparte (1898-1957), écrivain italien de père allemand, auteur internationalement connu de Technique du coup d'Etat, Kaputt, La peau, est une des personnalités les plus originales et les plus dérangeantes du XXe siècle. Si l'intellectuel est encore lu et admiré, l'homme a eu en général mauvaise presse et passe pour un « caméléon » opportuniste. Cette première biographie réfute ce cliché en montrant la cohérence intime et la modernité de cet interprète prophétique de la décadence de l'Europe face aux nouvelles puissances globales (URSS, Etats-Unis, Chine) et aux idéologies de masse (fascisme, communisme, tiers-mondisme).
Envoyé spécial sur tous les fronts de guerre, capable de passer des salons aux tranchées, des bûchers aux bénitiers, de Lénine à Staline, de Mussolini à Mao, Malaparte annonce et incarne les paradoxes de l'intellectuel engagé.
Il existe une vaste littérature, en France et dans le monde entier, sur l'oeuvre, l'action politique et l'héritage de Drieu La Rochelle, d'Aragon et de Malraux. Mais aucune étude connue, qui se propose d'analyser leurs itinéraires croisés d'un point de vue chronologique et thématique à la fois, sur fond des « guerres civiles » européennes de leur temps. C'est le pari tenté par Maurizio Serra. Il a relu ce moment capital de « l'idéologie française » du xxe siècle, où s'affrontent révolution et anarchie, communisme et fascisme, surréalisme et décadence, résistance et collaboration, patriotisme et « parti de l'étranger », gaullisme et internationalisme à travers le destin extraordinaire de trois intellectuels « furieusement » engagés. Trois hommes unis et lacérés par leurs contradictions, leurs passions, leurs démons intérieurs.
Gendre (il est marié avec sa fille chérie Edda) et favori de Mussollini, Galezzo Ciano a été son ministre des Affaires étrangères de juin 1936 à janvier 1943. A ce titre, il a joué un rôle déterminant dans le rapprochement avec l'Allemagne nazie (l'Axe Rome-Berlin) avant de s'en mordre les doigts. L'invasion de la Tchécoslovaque par le IIIe Reich au printemps 1939, en violation des accords de Munich signés quelques mois auparavant, lui ouvre les yeux sur la violence d'Hitler et le caractère unilatéral d'une alliance qui va précipiter l'Italie dans la guerre et Mussollini à sa perte.
Dès lors, il va faire ce qu'il peut pour s'en détacher. en vain. Devenu la bête noire des nazis, il est « remercié » par Mussollini juste après Stalingrad. Cheville ouvrière du renversement du Duce en juillet 1943, Ciano est remis par les nazis à la République de Salò, qui l'exécute après une parodie de procès en janvier 1944. En dépit des supplications de sa fille, Mussollini a laissé faire. Ciano est mort mais ses notes quotidiennes, prises au jour le jour, sont sauvées miraculeuseument. Voici leur première édition intégrale en français.
Ciano y raconte les événements et y dépeint les hommes d'une plume de maître ; non seulement Mussollini, sur lequel son témoignage est incomparable, mais aussi sur les hiérarques du fascisme - dévorés par leurs rivalités -, et ses interlocuteurs nazis à commencer par Hitler - qu'il redoute -, Ribbentropp - qu'il hait -, sans oublier Goering qu'il méprise.
Défilent aussi Goebbels, Pétain et Laval, Franco et Horthy, le cruel Ante Pavelic. Un témoignage sincère et terrible qui évoque « les damnés » de Visconti ; une des meilleures sources sur la descente aux enfers du fascisme ; doté d'un appareil critique de premier ordre et d'une présentation substantielle de Maurizio Serra.