Peut-on imaginer Paris sans la place de la Concorde ? Sans le Panthéon ? La Madeleine ? Sans le théâtre de l'Odéon ? Tout cela, nous le devons à Marigny. Lorsqu'il découvre la Cour, c'est un jeune homme, sans titre et sans terre. Sa soeur, la favorite du roi, a de grands projets pour lui. À vingt-trois ans, il est promu directeur des Bâtiments du roi. Vingt-deux ans plus tard, lorsqu'il quitte son ministère, Paris est transformé. Un homme au destin extraordinaire !
Paris, 9 novembre 1422 : un long cortège conduit à son tombeau le roi Charles VI auquel la postérité accordera le nom de « Charles VI le fou ».Pendant que sa dépouille traverse la ville, ceux qui l'ont connu se souviennent et surtout les femmes qui l'ont accompagné. Christine de Pisan, la petite fille qui à l'Hôtel Saint-Paul jouait avec le dauphin, Isabeau de Bavière, sa femme, Odette de Champdivers, la compagne des dix-huit dernières années de sa vie. « Le roi est absent » fut la phrase la plus fréquemment prononcée pendant le règne de Charles VI mais qui était-il ? Roi, fou, brutal ? Homme intègre ? Chevalier dépassé par l'immensité de son rêve ? A moins qu'il ne soit qu'un homme, comme tout humain pétri d'ombre et de lumière.
En fond de tableau, une guerre étrangère qui s'éternise, une guerre civile encore plus cruelle. Et puis, encerclant le roi malade, une galerie de personnages oppressants : des oncles, un frère, des cousins, avides d'honneurs et d'argent, animés de passions destructrices.
Charles VI, éternel « absent », est au centre du roman. En nous brossant son portrait, les deux femmes de sa vie nous livrent aussi le leur. Isabeau, la reine longtemps décriée par les historiens, et Odette, dont on sait si peu de choses qu'elle fut parfois caricaturée, y prend toute la dimension qu'un amour profond lui a donné.
1613. Charles de La Tour et Marie Jacquelin, deux enfants livrés à eux-mêmes courent et s'aiment dans les rues du Mans, insoucieux de ce qui les attend. Ce qui les attend, c'est pour l'un comme pour l'autre, un destin inimaginable. Charles s'embarquera pour l'Acadie, dans « les Canadas », appelé par un père noble qu'il ne connaissait pas. Marie partira sur les routes de France dans les bagages d'une troupe de théâtre.
Dès lors le récit se déroule dans deux mondes parallèles : celui, enchanté et féroce, d'une colonie du bout du monde, longtemps négligée par la France (celle d'Henri IV, puis de Louis XIII et Richelieu) où il faut affronter l'hiver et les Anglais, et se battre aussi entre Français pour le pouvoir et le commerce des peaux. et l'autre, celui des rues et des théâtres de Paris, où les rivalités ne sont pas moins vives.
Charles deviendra lieutenant général du roi en Acadie et entamera une longue lutte pour la survie et la prospérité de la colonie, et contre son ennemi Charles d'Aulnay. Marie fera carrière au théâtre ; elle sera l'interprète des premières pièces de Corneille.
Ces deux mondes parallèles se croisent le jour où Charles, se souvenant de la petite Marie du Mans, la fait venir au Canada pour l'épouser. Mais c'est de l'Acadie surtout que Marie va s'éprendre, de ses étés sauvages, de ses oiseaux miraculeux, de ses Indiens amicaux. Elle y connaîtra l'amour (pour un autre homme), la guerre et la mort, dans une sorte de transfiguration.
Des hommes et des femmes pris au piège de leur propre ville par la plus puissante armée du temps : brutalement, toutes les certitudes sont ébranlées, les habitudes volent en éclats. Au centre de ce monde bouleversé, Léanor, figure exceptionnelle, une des dernières chirurgiennes du royaume de France, juste un cran au-dessous des médecins qui chassent les femmes de leur domaine. D'autres femmes autour d'elle luttent pour survivre, et mettent la main à la guerre comme de vaillants petits soldats : Tiphaine, Marguerite, Aélis, Jacoba, et une certaine Jeanne dont on reparlera, et toutes les femmes de la ville, si différentes et toutes malmenées dans le maelström de la guerre.Paysans réfugiés dans les murs, bourgeois, maire et pairs de la commune, ouvriers du drap, teinturiers, tous les hommes se sont mués en soldats, dont le seul mot d'ordre est de tenir. Léanor soigne les blessés, assiste les mourants, et devant ce monde incertain qui s'effrite, elle interroge parfois les cartes, un tarot que son père a ramené d'Italie. Le fol apparaît souvent. Que veut ce personnage fantasque ? Quel jeu mène-t-il ? Est-ce le symbole de la folie des hommes, de l'absurdité de la guerreoe
Après ces 25 jours de siège, quand les pièces dispersées du puzzle se remettront en place, malgré les apparences rien ne sera plus comme avant. La tragique parenthèse a transformé les âmes et les coeurs.