Sciences humaines & sociales
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Une étrange défaite : Sur le consentement à l'écrasement de Gaza
Didier Fassin
- La découverte
- 5 Septembre 2024
- 9782348085369
Avec le recul du temps, les événements qui, après l'attaque meurtrière du Hamas le 7 octobre 2023, se sont déroulés en Palestine et leur réception dans une grande partie des lieux de pouvoir, tant politiques
qu'intellectuels, de la planète apparaîtront à la lumière crue de leur signification : plus que l'abandon d'une partie de l'humanité, dont la réalpolitique internationale a donné maints exemples récents, c'est le soutien apporté à sa destruction que retiendra l'histoire.
Cet acquiescement à la dévastation de Gaza et au massacre de sa population par l'État d'Israël, à quoi s'ajoute la persécution des habitants de Cisjordanie, a suscité l'indignation de celles et ceux qui, tout en condamnant les actes sanglants ayant déclenché l'offensive, rappelaient les décennies de spoliation, de violence et d'humiliation qui les avait précédés et refusaient la poursuite de l'écrasement d'un peuple et de l'effacement de sa mémoire. Mais on les a stigmatisés et réprimés. Une police de la pensée s'est imposée. Le détournement des mots et l'inversion des valeurs ont mis à l'épreuve l'intelligence politique et le discernement moral. Ce livre propose une archive et une analyse de cette abdication historique. -
Mort d'un voyageur, une contre-enquête ; la juge et l'ethnographe
Didier Fassin
- Points
- Points Essais
- 16 Juin 2023
- 9782757899342
C'est une histoire simple. Un homme de trente-sept ans de la communauté du voyage est abattu par des gendarmes du GIGN alors qu'il n'a pas réintégré la prison après une permission de sortir. Deux versions des faits s'affrontent : celle des militaires, qui invoquent la légitime défense, et celle des parents, présents sur les lieux, qui la contestent. L'information judiciaire se conclut par un non-lieu. La famille continue pourtant de se battre, réclamant justice et vérité. Interrogeant les protagonistes du drame et réexaminant les pièces du dossier, Didier Fassin reconstitue d'abord les récits contradictoires de l'événement, puis, au terme d'une contre-enquête minutieuse, propose une autre lecture des faits que celle retenue par les magistrats. Il contribue par ce travail à rendre aux voyageurs un peu de ce dont la société les prive : la respectabilité.
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Au cours des dernières décennies, la plupart des sociétés se sont faites plus répressives, leurs lois plus dures, leurs juges plus inflexibles - et ceci sans lien avec l'évolution de la délinquance et de la criminalité. Didier Fassin s'efforce ici de saisir les enjeux de ce moment punitif.
Qu'est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? Analysant des contextes historiques et nationaux variés, il montre que la réponse aux infractions n'a pas toujours été associée à l'infliction d'une souffrance, qu'elle ne procède pas seulement des logiques rationnelles servant à la justifier et que la plus grande sévérité des peines accroît les inégalités.
Son enquête propose une salutaire révision des présupposés qui nourrissent la passion de punir et invite à repenser la place du châtiment dans le monde contemporain.
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La force de l'ordre ; une anthropologie de la police des quartiers
Didier Fassin
- Points
- Points Essais
- 8 Janvier 2015
- 9782757848760
Fondé sur une enquête conduite pendant près de deux ans auprès de la brigade anti-criminalité d'une banlieue parisienne, cet ouvrage met en lumière l'exception sécuritaire à laquelle sont soumises les « cités ». À l'opposé des épisodes spectaculaires qui nourrissent nos imaginaires, il montre l'ennui et l'inactivité des patrouilles, la pression du chiffre et les doutes sur le métier, les formes invisibles de violence et les relations ambiguës avec le monde politique, la banalité du racisme et des discriminations.
Loin d'une posture confortable de dénonciation, cette anthropologie critique s'efforce d'approfondir un nécessaire débat sur la manière dont on police aujourd'hui les milieux populaires et, singulièrement, les jeunes de familles immigrées.
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L'ombre du monde ; une anthropologie de la condition carcérale
Didier Fassin
- Points
- Points Essais
- 5 Janvier 2017
- 9782757864227
Comment comprendre le doublement de la population carcérale, en France, au cours des trois dernières décennies ? Pour tenter de répondre à cette question, Didier Fassin a conduit au long de quatre années une enquête dans une maison d'arrêt.
Analysant l'ordinaire de la condition carcérale, il montre comment la banalisation de l'enfermement a renforcé les inégalités socio-raciales et comment les avancées des droits se heurtent aux logiques d'ordre et aux pratiques sécuritaires. Mais il analyse aussi les attentions et les accommodements du personnel pénitentiaire, les souffrances et les micro-résistances des détenus, la manière dont la vie au dedans est traversée par la vie du dehors.
La prison apparaît ainsi comme à la fois le reflet de la société et le miroir dans lequel elle se réfléchit. Plutôt que l'envers du monde social, elle en est l'inquiétante ombre portée.
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La vie : mode d'emploi critique suivi de ce que la pandémie a fait à la vie
Didier Fassin
- Points
- Points Essais
- 14 Octobre 2021
- 9782757891131
Comment concevoir la vie dans sa double dimension du vivant et du vécu, de la matière et de l'expérience ? Didier Fassin s'emploie ici à penser ensemble et à réconcilier le biologique et le biographique, en mobilisant trois concepts : les formes de vie, les éthiques de la vie et les politiques de la vie.
Dans la condition des réfugiés et des demandeurs d'asile, à travers le geste humanitaire et le sacrifice pour une cause, à la lumière des statistiques de mortalité et des modalités de calcul des indemnités de décès, à l'épreuve, enfin, d'une enquête généalogique et ethnographique, l'économie morale de la vie révèle de troublantes tensions dans la manière dont les sociétés contemporaines traitent les êtres humains, laissant apparaître des vies inégales.
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La recherche à l'épreuve du politique
Didier Fassin
- Textuel
- Idees/debats
- 4 Janvier 2023
- 9782845979307
Quand la recherche se révèle être une épreuve à risque. Éric Fassin met ici en lumière la part de risque à laquelle s'exposent les chercheurs et chercheuses en sciences sociales. Il s'appuie pour cela sur son expérience personnelle en France mais aussi sur celles de chercheurs mis en danger pour des raisons politiques à l'international. Il nous alerte sur le risque d'autocensure qui en découle.
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La raison humanitaire : une histoire morale du temps présent ; signes des temps
Didier Fassin
- Points
- Points Essais
- 11 Janvier 2018
- 9782757870501
Face aux désordres du monde, les sentiments moraux sont devenus un ressort essentiel des politiques. Qu'il s'agisse de conduire des actions en faveur des pauvres ou des réfugiés, d'aider des victimes de catastrophes ou de justifier des interventions militaires, un gouvernement humanitaire, mêlant solidarité et compassion, se déploie désormais partout au secours des démunis et des dominés.
Sur des terrains proches ou lointains, Didier Fassin explore des scènes où la morale humanitaire se trouve soumise à l'épreuve de l'inégalité et de la violence, et rend compte des tensions et des contradictions qui traversent la politique humanitaire.
Proposant une critique de la raison humanitaire à la fois respectueuse de l'engagement des acteurs et lucide sur les enjeux qui les dépassent, il jette ainsi les bases d'une anthropologie politique et morale.
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Les mondes de la santé publique : excursions anthropologiques ; cours au collège de France 2020-2021
Didier Fassin
- Seuil
- La Couleur Des Idees
- 2 Septembre 2021
- 9782021486117
Avec la pandémie de covid, la santé publique, domaine jusqu'alors méconnu, a fait irruption dans le monde. Tout ce qui fait le mouvement des sociétés s'est brusquement mis à tourner autour des questions sanitaires. Pour inscrire ce moment dans un cadre plus vaste, le cours au Collège de France qui fournit la matière de ce livre propose un détour en partant d'une scène ordinaire, celle du saturnisme infantile, pour, au fil des leçons, en décliner les enjeux à travers une série d'études de cas menées sur trois continents.
La vérité du chiffre invite à réfléchir à la manière dont le travail de quantification prétend représenter les faits sociaux et sanitaires. Les frontières épistémiques interrogent la confrontation de conceptions profanes et savantes de la maladie. Les thèses conspirationnistes révèlent des réactions de défiance à l'égard des savoirs autorisés et des pouvoirs officiels. Les crises éthiques dévoilent des mécanismes de violation des droits et de détournement des biens communs au bénéfice d'intérêts privés. Quant aux enquêtes portant sur les exils précaires et les épreuves carcérales, elles permettent d'appréhender la généalogie et la sociologie de l'administration des populations vulnérables. Chacun de ces enjeux jette un éclairage singulier sur l'expérience pandémique.
Au terme de ces excursions anthropologiques, la santé publique peut apparaître à la fois comme un miroir tendu à la société et un reflet que cette dernière lui renvoie.
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Mort d'un voyageur ; une contre-enquête
Didier Fassin
- Seuil
- La Couleur Des Idees
- 12 Mars 2020
- 9782021450774
C'est une histoire simple. Un homme de trente-sept ans appartenant à la communauté du voyage est abattu dans la ferme familiale par des gendarmes du GIGN alors qu'il n'a pas réintégré la prison après une permission de sortir. Deux versions des faits s'affrontent : celle des militaires, qui invoquent la légitime défense, et celle des parents présents sur les lieux, qui la contestent. Une information judiciaire est ouverte, qui se conclut par un non-lieu, confirmé en appel. La famille et ses soutiens continuent pourtant de se battre, réclamant justice et vérité. Réexaminant les pièces du dossier et interrogeant les protagonistes du drame, Didier Fassin présente ici une contre-enquête qui accorde le même crédit à tous les récits.
Pour en rendre compte, Mort d'un voyageur propose une forme expérimentale de narration qui s'attache d'abord à restituer scrupuleusement par une écriture subjective la manière dont chacun affirme avoir vécu les événements, puis à croiser les témoignages et les expertises en intégrant l'ensemble des éléments disponibles pour aboutir à une autre lecture des faits. Réflexion critique sur les conditions de possibilité de telles tragédies, cette recherche contribue à rendre aux voyageurs un peu de ce dont la société les prive : la respectabilité.
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Des attentats aux catastrophes naturelles, des accidents d'avion aux prises d'otages, des massacres de populations aux suicides d'adolescents dans des établissements scolaires, chaque événement violent appelle la présence de psychiatres et de psychologues. Mais la notion de traumatisme a longtemps servi à disqualifier soldats et ouvriers psychologiquement blessés. Après un siècle de suspicion, elle offre désormais aux victimes les moyens de leur reconnaissance sociale.
C'est cette improbable transformation de la valeur morale attachée au traumatisme, le passage d'une aire du soupçon à celle de la reconnaissance, avec ses bénéficiaires et ses oubliés, ses élus et ses exclus, que ce livre raconte. Les auteurs ont enquêté pendant plus de cinq ans sur trois scènes emblématiques où ont été mises en oeuvre trois formes de politique du traumatisme : la victimologie psychiatrique (ou « politique de la réparation ») à la suite de l'explosion de l'usine AZF à Toulouse ; la psychiatrie humanitaire (ou « politique du témoignage ») dans les territoires palestiniens durant la seconde Intifada ; enfin, la psycho-traumatologie de l'exil (ou « politique de la preuve ») au sein des associations travaillant pour les demandeurs d'asile.
Ils démontrent que la notion de traumatisme est finalement moins une donnée psychologique qu'une ressource sociale ambiguë.
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« Comment traite-t-on les vies ? Que fait-on des morts ? Ou plutôt, que dit d'une société la manière dont elle considère certaines vies, vies de travailleurs, vies d'exilés, vies de prisonniers, vies rendues vulnérables, inégales ? Et que révèlent de ses valeurs la façon dont meurent certains de ces travailleurs, certains de ces exilés ou certains de ces prisonniers, la façon dont on les laisse mourir ou dont on les expose à la mort, la façon dont on détourne les yeux de leur condition ou dont on se mobilise pour les protéger ? Au fond, comment se définissent les économies morales de la vie et de la mort dans le monde contemporain ? Telles sont les questions posées dans ce livre à propos de trois objets au regard desquels elles s'avèrent particulièrement pertinentes : le travail, l'exil et la prison. Ce choix n'est pas neutre. Il vise à éclairer des lieux où, souvent, la précarité des vies est rendue invisible et la douleur des morts indicible. »
Issu du colloque qui s'est tenu au Collège de France en juin 2021, ce volume réunit des anthropologues, des historiens et des sociologues dont le travail tant empirique que théorique interroge avec force et clarté les problématiques fondamentales de notre société. -
La vie ; mode d'emploi critique
Didier Fassin
- Seuil
- La Couleur Des Idees
- 11 Janvier 2018
- 9782021374711
Comment concevoir la vie dans sa double dimension du vivant et du vécu, de la matière et de l'expérience ? À cette question, la philosophie et, plus récemment, les sciences sociales, ont apporté toutes sortes de réponses, privilégiant souvent l'une ou l'autre de ces dimensions - le biologique ou le biographique. Est-il toutefois possible de les penser ensemble et de réconcilier ainsi les approches naturaliste et humaniste ? S'appuyant sur une série de recherches conduites sur trois continents, Didier Fassin s'y emploie en mobilisant trois concepts : les formes de vie, les éthiques de la vie et les politiques de la vie.
Dans la condition des réfugiés et des demandeurs d'asile, à travers le geste humanitaire et le sacrifice pour une cause, à la lumière des statistiques de mortalité et des modalités de calcul des indemnités de décès, à l'épreuve, enfin, d'une enquête généalogique et ethnographique, l'économie morale de la vie révèle de troublantes tensions dans la manière dont les sociétés contemporaines traitent les êtres humains.
Une fois assemblées, comme dans un puzzle, les pièces de cette composition anthropologique, une image apparaît : celle, troublante, des vies inégales.
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Le Monde à l'épreuve de l'asile : Essai d'anthropologie critique
Didier Fassin
- Societe D'Ethnologie
- 25 Avril 2017
- 9782365190206
Le problème des réfugiés, qui se pose avec acuité depuis un siècle, a connu au cours de la période récente de tragiques développements en raison de l'accroissement de la population fuyant les guerres, les persécutions, les catastrophes et la paupérisation, mais aussi et surtout à cause des réactions d'hostilité et de rejet observées en maints endroits de la planète. Ayant conduit pendant une quinzaine d'années des enquêtes sur l'asile en France et plus récemment en Afrique du Sud, Didier Fassin propose de reconsidérer ce que nous croyons savoir mais ne parvenons plus à penser autour de cette « question réfugiée » à travers une triple approche : généalogique, afin de remonter aux origines de l'asile ; géographique, pour rendre compte de la mondialisation de ses enjeux ; ethnographique, en s'attachant aux pratiques ordinaires d'octroi de la protection. Il révèle ainsi les intermittences de l'hospitalité, l'inégale distribution des réfugiés entre les nations et les profondes mutations de l'économie morale de l'asile. La forme de vie imposée aux nomades forcés devient ainsi une clé de lecture du monde contemporain.
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Quels sont les enjeux politiques d'une crise épidémiologique qui met en cause les discours de la science autant que la gestion du pouvoir ? Un prisme original pour lire l'histoire récente de l'après-apartheid.
Avec six millions de personnes infectées, l'Afrique du Sud est le pays du monde le plus gravement touché par l'épidémie de sida. Elle est aussi le lieu des débats les plus virulents sur les causes et les traitements de la maladie, des mobilisations les plus spectaculaires et des procès les plus retentissants pour l'accès aux médicaments. Que ces faits surviennent dans le contexte de l'après-apartheid, dans une " nouvelle Afrique du Sud " où la reconstruction d'une " nation arc-en-ciel " affranchie des barrières raciales semblait enfin possible, confère à cette situation une tonalité particulièrement dramatique. En ce sens, la chronique sud-africaine du sida, de ses morts annoncées et de ses polémiques incessantes, forme le contrepoint de la Commission vérité et réconciliation, qui s'est efforcée de solder un héritage douloureux. Fruit de cinq années d'enquête dans les townships et les anciens homelands comme dans les milieux savants et politiques sud-africains, ce livre retrace les enjeux politiques d'une crise épidémiologique qui met en cause les discours de la science autant que la gestion du pouvoir : il montre, à partir des biographies de malades et de l'anatomie des controverses, comment l'histoire de la colonisation et de la ségrégation demeure vivante, dans les inégalités et les violences, dans le racisme et les accusations de racisme. Le passé est intensément présent, se dévoilant sans cesse à travers une politique de la souffrance et une économie du ressentiment. Il s'agit donc ici de comprendre, de la manière la plus littérale, comment les corps se souviennent. Au-delà de la singularité historique de l'Afrique du Sud, l'auteur propose ainsi une réflexion sur la mémoire des afflictions collectives dans les sociétés contemporaines et sur l'anesthésie politique que perpétue notre indifférence à l'égard de ces injustices. -
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Découvrez Economies morales contemporaines, le livre de Didier Fassin. Les questions morales pénètrent nos représentations, nos pratiques, nos politiques. Qu'il s'agisse, dans le monde privé, d'interpréter les conduites des autres et de discipliner les siennes propres, ou bien, dans l'espace public, de sanctionner des déviances et de réguler des populations, nos sociétés mobilisent des normes, des valeurs et des affects, qu'illustrent notamment les tensions entre la raison humanitaire et l'ordre sécuritaire. Redonnant toute sa force critique au concept d'économies morales, les auteurs réunis ici par Didier Fassin et Jean-Sébastien Eideliman en explorent les multiples facettes à travers une série d'enquêtes conduites sur quatre continents. Des lieux d'enfermement des étrangers en France aux prisons de haute sécurité aux Etats-Unis, de la stigmatisation des familles roms en Italie à la marginalisation des enfants de migrants en Chine, de la condamnation du tourisme sexuel en Thaïlande à l'évaluation des transactions amoureuses au Mali, des pratiques de charité en Inde aux politiques contre la pauvreté au Chili, les auteurs s'attachent à comprendre comment on gouverne et on juge, comment on assiste et on exclut. Mais ils montrent aussi que les professionnels et leurs publics n'adoptent pas de manière passive et uniforme ces modèles moraux : ils déploient des subjectivités éthiques pour résister ou " faire avec ", autour du handicap et de la toxicomanie, de l'asile et de la naturalisation, de la violence et de la finance. Cet ouvrage nous propose ainsi de penser la vie sociale et politique de la morale.
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Au cours de la période récente, la santé publique a connu un certain renouvellement de ses objets et de ses pratiques à travers son inscription territoriale dans la ville. Dispositifs visant à favoriser l'accès aux soins aux populations paupérisées, politiques de réduction des risques pour les toxicomanes, programmes de santé dite communautaire dans des quartiers en déshérence, autant de manifestations de ces transformations par lesquelles l'action publique locale semble se déployer sur le terrain sanitaire pour y affronter des problèmes de société. Ce faisant, la santé publique locale s'est en bonne part affranchie des limites traditionnelles de la médecine et parfois même de la tutelle des médecins. Ingénieurs sanitaires, assistantes sociales, éducateurs de rue, animateurs de quartier, urbanistes, enseignants, policiers, juges, administratifs, élus et, bien sûr, habitants des villes en sont les acteurs, à côté des spécialistes de la santé. De nouveaux agencements de compétences et de pouvoirs, de pratiques et de savoirs, de valeurs et de normes se dessinent ainsi. Ces reconfigurations de l'espace local de la santé publique, les auteurs de ce livre les ont étudiées à travers une recherche menée dans huit villes de France (Béziers, Brest, Marseille, Metz, Nancy, Rennes, Toulouse, Tours) où des expériences multiples ont été recueillies et analysées. L'approche, pluridisciplinaire, réunit politologues, sociologues, anthropologues et géographes qui en proposent une lecture ouverte. Comment peut-on comprendre cette effervescence ? La " nouvelle santé publique ", proclamée ici et là est-elle une réponse, dans l'espace local, à ce que l'on désigne parfois comme la " nouvelle question sociale "? L'examen attentif des situations observées invite ici à une certaine prudence dans l'interprétation. Plutôt que l'accomplissement ultime d'un " bio-pouvoir " que la modestie de ses moyens et de ses réalisations rend improbable, cette politique des corps, qui se met en place dans les villes contemporaines, n'est peut-être au fond que le dernier langage du social.
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Afflictions - l'afrique du sud, de l'apartheid au sida
Didier Fassin
- Karthala
- 1 Décembre 2004
- 9782845865693
D'une affliction l'autre. Les années 1990 ont été, en Afrique du Sud, celles de la sortie de l'apartheid : transition pacifique, premières élections libres, processus de réconciliation nationale se sont succédé à un rythme rapide. Elles ont été, également, celles de l'expansion du sida : de moins de I % au début de la décennie, les taux de séroprévalence sont passés a plus de 20 % à la fin de celle-ci, faisant de ce pays le plus gravement affecté dans le monde avec cinq millions de séropositifs ; cette situation sans précédent a fait l'objet d'une controverse inédite, sur les causes de l'épidémie et sur les effets des médicaments, qui a profondément divisé la société sud-africaine et ébranlé ses jeunes structures politiques. Comprendre la crise épidémiologique que connaît aujourd'hui l'Afrique du Sud et le drame social auquel elle donne lieu suppose de penser les événements à la lumière d'une histoire qui fournit à la fois les conditions objectives de la progression de l'infection et la trame narrative à partir de laquelle les acteurs l'interprètent. Contre les lectures oublieuses de l'héritage de la domination coloniale puis de l'apartheid, il s'agit donc de rappeler cette présence du passé dans les inégalités de distribution de la maladie et dans les arguments échangés au cours de la polémique, dans l'expérience quotidienne des habitants des townships comme dans la mémoire affleurant sans cesse dans l'espace public. Ce livre aborde cette histoire douloureuse et son inscription dans la société sud-africaine. 1l en explore les ramifications complexes au coeur des politiques de santé et des débats de société, dans la vie d'un hôpital et le discours des travailleurs des mines, à travers la biographie d'une jeune malade et les peintures d'artistes engagés. Ce détour par le passé est assurément nécessaire pour celles et ceux qui veulent penser. au-delà des épreuves du présent, l'avenir de l'Afrique du Sud démocratique. Cet ouvrage est le fruit d'une coopération scientifique entre la France et l'Afrique du Sud, dans le cadre d'un programme de l'Agence nationale de recherche sur le sida.
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Raison humanitaire ; une histoire morale du temps présent
Didier Fassin
- Seuil
- Hautes Etudes
- 7 Octobre 2010
- 9782021020601
- Le déploiement des sentiments moraux (empathie, compassion, ...) dans l'espace public compose une nouvelle économie morale : la " raison humanitaire ". Didier Fassin s'attache ici à montrer comment les politiques de la compassion se sont imposées comme une évidence morale face aux violences, aux catastrophes, aux épidémies, à la pauvreté, à la précarité et au malheur. Fort d'une riche expérience de terrain, il s'appuie sur plus de dix ans d'enquête à travers le monde pour nourrir l'analyse d'une multitude d'exemples empruntés à notre histoire récente, selon deux axes principaux : la mise en oeuvre de la raison humanitaire dans les politiques des vies précaires en France et la dissémination du gouvernement humanitaire sur les scènes tragiques du monde.
- Anthropologue et médecin, Didier Fassin est professeur à l'université Paris-13 et à l'université de Princeton et directeur d'études à l'EHESS. Il est notamment l'auteur de L'Empire du traumatisme. Enquête sur la condition de victime (avec R. Rechtman), Flammarion, 2007.
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Face à un monde où les crises se multiplient, un ouvrage collectif de référence pour déchiffrer les contours de la « société qui vient ».
La crise deviendrait-elle la nouvelle normalité du monde contemporain, au risque de ne susciter de réponses que dans l'urgence ? Le choix fait dans ce livre est de parler plutôt de moment critique appelant une réflexion collective attentive aux grandes questions du temps présent comme prélude à d'autres formes de vie.
Chaque section ouvre des perspectives sur les principaux enjeux auxquels la société française doit faire face, les lignes politiques qui la traversent, les mondes sociaux qui s'y côtoient, les inégalités qui la divisent, les reconnaissances qui en enrichissent la compréhension et les explorations en quête d'alternatives. De la mondialisation au populisme, des migrations aux pandémies, des discriminations aux communs, de la laïcité à la désobéissance, des plateformes numériques à l'économie solidaire, c'est un regard lucide qui est porté sur les transformations définissant notre monde.
Ni état des lieux ni exercice de futurologie, ce livre est une interrogation critique sur notre temps pour anticiper la société qui vient.
Didier Fassin (dir.). -
L'exil, toujours recommencé : Chronique de la frontière
Anne-claire Defossez, Didier Fassin
- Seuil
- La Couleur Des Idees
- 5 Janvier 2024
- 9782021549690
Anthropologue et médecin, Didier Fassin est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire Questions morales et enjeux politiques dans les sociétés contemporaines, et directeur d'études à l'EHESS. Anne-Claire Defossez est sociologue, chercheure à l'Institute for Advanced Study de Princeton.
Fuyant les violences politiques, les persécutions religieuses ou la pauvreté, des hommes, des femmes, des enfants d'Afghanistan, d'Iran, du Maghreb et d'Afrique subsaharienne, se mettent en route pour des voyages de plusieurs années au cours desquels ils affrontent les rackets des bandes armées, les brutalités des polices, les camps d'enfermement, les murs de barbelés, les rigueurs du désert, les périls de la mer. Beaucoup y perdent la vie.
Cinq années durant, été comme hiver, Didier Fassin et Anne-Claire Defossez ont mené une recherche à la frontière entre l'Italie et la France, dans les Alpes, auprès de nombre de ces exilés, pour reconstituer leur périple en l'inscrivant dans le contexte géopolitique des bouleversements du monde. Ils ont pris part aux activités menées pour leur porter assistance. Ils ont rencontré les multiples acteurs de ce territoire de migrations millénaires.
Leur enquête donne ainsi à comprendre l'expérience des exilés, l'engagement des volontaires et même le désarroi des forces de l'ordre, conscientes de la vanité de leur mission. Elle dévoile l'inefficacité d'une militarisation de la frontière qui rend plus dangereuse la traversée de la montagne et d'une politique qui nie les droits de personnes en quête de protection. -
L'Empire du traumatisme : Enquête sur la condition de victime
Richard Rechtman, Didier Fassin
- Flammarion
- Champs Essais
- 23 Octobre 2024
- 9782080462343
Depuis la fin du XX? siècle, le traumatisme s'est imposé comme un mode dominant d'interprétation du malheur et de reconnaissance des victimes, qu'il s'agisse d'attentats ou d'accidents, de violences physiques ou d'abus sexuels, de massacres de populations ou de catastrophes environnementales. Pourtant, il avait longtemps servi à disqualifier les soldats commotionnés et les ouvriers blessés dont l'authenticité de la souffrance était mise en doute. Si la psychiatrie contemporaine, appuyée par des mobilisations sociales, a mis un terme à cette suspicion en établissant une catégorie clinique légitime, la notion de traumatisme s'est déployée dans l'ensemble du monde social, s'inscrivant dans des rapports de pouvoir et des enjeux de justice qui peuvent occulter des inégalités et produire des hiérarchies d'humanité. De la victimologie psychiatrique après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse à la psychiatrie humanitaire en Palestine durant la seconde Intifada, en passant par la psycho-traumatologie de l'exil auprès des demandeurs d'asile, cet essai explore trois lieux, trois formes d'intervention pour mettre au jour l'économie morale et les usages politiques du traumatisme. Ce faisant, il met en lumière la manière dont nos sociétés pensent leur responsabilité à l'égard des désordres du monde et les dispositifs imaginés pour y faire face.
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De la question sociale à la question raciale ? représenter la société française
Didier Fassin, Eric Fassin
- La Decouverte
- Poche Sciences Humaines
- 24 Septembre 2009
- 9782707158512
Aujourd'hui, la question raciale vient apporter un démenti aux discours qui se réclament de l'universalisme républicain ; mais elle ne permet pas davantage de représenter la société exclusivement en termes de classes. À l'ombre des émeutes urbaines de l'automne 2005, c'est la représentation d'une France racialisée qui depuis s'est imposée dans le débat public. On n'ignorait pas le racisme ; on découvre combien les discriminations raciales, dans l'emploi, le logement et à l'école, face à la police et à la justice, structurent des inégalités sociales. En retour, se font jour des identifications ainsi que des tensions dans le langage politique de la race, naguère encore interdit de cité. Faut-il donc parler de races, ou pas ? Comment nommer ces réalités sans stigmatiser les groupes qu'elles désignent ? Doit-on se réjouir que les discriminations raciales soient enfin révélées, ou bien se méfier d'un consensus trompeur qui occulterait des inégalités économiques ? D'ailleurs, en a-t-on vraiment fini avec le déni du racisme ?
Les études réunies dans ce livre composent un éloge de la complexité, autour d'un engagement problématisé : comment articuler, plutôt que d'opposer, question sociale et question raciale ? Une nouvelle préface vient confirmer les déplacements repérés trois ans plus tôt : l'émergence d'une « question raciale » - et plus seulement « raciste » - ou « immigrée », qui croise la « question sociale » sans s'y réduire, interroge désormais l'ensemble des paradigmes qui sous-tendent les représentations de la société française.