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Romain Graziani
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Les Lois et les Nombres : Essai sur les ressorts de la culture politique chinoise
Romain Graziani
- Gallimard
- 27 Mars 2025
- 9782073015365
Longtemps associée à l'idéologie confucéenne prônant l'exemple personnel et le gouvernement par la vertu, la culture politique chinoise fut en réalité pionnière dans la mise au point de méthodes impersonnelles et automatiques pour établir l'ordre dans le cosmos, l'empire et la vie quotidienne. Ce fait, très largement occulté jusqu'ici, et pourtant sans cesse confirmé par les récentes découvertes archéologiques, invite à esquisser une nouvelle histoire générale de l'État chinois. Encore faut-il comprendre que ce que nous entendons dans les sociétés européennes par «lois» et «nombres» ne correspond que partiellement aux instruments développés en Chine, puisque les nombres ne s'y réduisent pas à des quantités, et que les lois sont décorrélées de toute idée de droit. En mobilisant des sources traditionnelles et inédites, touchant aux mathématiques, à la divination, aux exercices spirituels, aux codes pénaux, aux fictions poétiques du taoïsme ou aux arts de la guerre, Romain Graziani expose ici les formes théoriques et les évolutions concrètes de ce logos chinois. Il retrace, en repartant de l'«expérience légiste», le processus de dépersonnalisation de l'autorité qui mène à l'expérience de l'État total, et montre comment ce paradigme fondé sur les lois et les données chiffrées a refaçonné durablement dans la société chinoise l'expérience du temps, la mobilité dans l'espace, la vision de l'autorité souveraine ; comment il a contribué à redéfinir la notion de travail, le rapport de l'individu à lui-même ; enfin, comment il a permis de formuler très tôt un projet de société structurée par les techniques d'information, de surveillance et de sécurité. À l'extrême pointe de cette trajectoire reliant l'âge du bronze à l'ère digitale, l'entreprise plurimillénaire de «mise en nombre» du monde culmine désormais dans la restauration du culte antique de l'Un.
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L'usage du vide ; essai sur l'intelligence de l'action, de l'Europe à la Chine
Romain Graziani
- Gallimard
- Bibliothèque Des Idées
- 19 Septembre 2019
- 9782072855146
Il semble que les états les plus désirables, à l'image du sommeil, ne puissent survenir qu'à condition de n'être pas recherchés, le simple fait de les convoiter pouvant suffire à les mettre en déroute. Or ce paradoxe de l'action volontaire, mal élucidé et jamais résolu dans la philosophie occidentale, est au centre de la pensée taoïste. L'auteur explore dans cette double lumière, à partir de diverses sphères d'expérience, de la pratique d'un sport à la création artistique, de la recherche du sommeil à la remémoration d'un nom oublié, ou encore de la séduction amoureuse à l'invention mathématique, les mécanismes de ces états qui se dérobent à toute tentative de les faire advenir de façon délibérée. Une telle approche, qui requiert une observation patiente des dynamiques du corps et des différents registres de conscience, permet de comprendre pour quelles raisons, et au terme de quelles expériences, les penseurs taoïstes de l'antiquité chinoise ont formulé les concepts si déroutants de non-agir ou de vide. Elle permet par la même occasion de démonter les erreurs et les leurres sur le pouvoir et la volonté qui sont à la base des représentations occidentales de l'action efficace. Mobilisant, sans les opposer, les ressources de la pensée chinoise et de la pensée européenne, l'ouvrage apporte ainsi une contribution originale à l'intelligence de l'action.
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Un cerf sauvage se pliera à ce qu'on lui a inculqué pourvu qu'on l'ait capturé et pris en main encore jeune. Mais qu'on lui passe la bride une fois adulte, et il se débattra comme un dément pour faire voler ses liens, quitte à ruer dans les flammes ou l'eau bouillante. Et vous aurez beau le parer d'un harnais en or ou lui présenter les nourritures les plus exquises, rien n'y fera, il ne cessera de languir de sa forêt natale, tendu de tout son coeur vers ses riches herbages.
Tsi K'ang (223-262), poète, musicien et penseur chinois de l'époque des Trois Royaumes, s'était déjà de son vivant imposé comme l'un des personnages les plus marquants de son siècle. Il continue aujourd'hui de fasciner le public chinois, dans un mélange incertain d'admiration ardente et de franche réprobation. Ce bref essai s'est construit en gravitant autour de sa «Lettre de rupture» qui, rédigée peu de temps avant que Tsi K'ang finisse décapité, constitue un moment remarquable dans l'histoire de la genèse et du développement de l'individu en Chine ancienne. Il faut y voir la tentative confirmée d'un lettré qui s'affirme comme l'unique auteur de sa vie.
Mais cette «proclamation d'indépendance» recèle d'autres motivations plus complexes qui exigent de son lecteur ou de son interprète de la considérer comme une fugue à sujets multiples.
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Le corps dans le taoïsme ancien
Romain Graziani
- Les Belles Lettres
- Realia
- 14 Septembre 2011
- 9782251338361
Les textes du taoïsme ancien ne dissertent pas dans l'abstrait du corps humain.
Sous la forme de fictions et de fables, ils mettent en scène ses usages possibles, ses ressorts et ses ressources : un ancien condamné, amputé d'un pied pour ses crimes, rudoie le Premier ministre au sortir de leur cours de méditation, et lui en remontre sur la notion de vertu. Un ermite malicieux rembarre un aspirant à la sagesse, en se piquant de refuser les "gueules cassées" produites en série par l'éducation confucéenne.
Le maussade et concupiscent seigneur de Wei retrouve soudain le sourire à l'écoute des propos d'un reclus des montagnes, venu l'entretenir de chiens et de chevaux galopant librement "dans les steppes du non-être". Les prouesses de l'archer Liè-tseu sont réduites à rien par Comte Obscur, qui lui enseigne "le tir du non-archer". On voit défiler dans les premiers écrits taoïstes, le Tchouang-tseu et le Liè-tseu, les figures les plus admirées et les plus détestées de la société chinoise, du gentleman plein de prestance, rompu aux civilités d'apparat, jusqu'au paria hideux et querelleur.
Comment l'éthos taoïste parvient-il à discourir du sage en se dispensant de notions morales, en pensant la sagesse comme un régime de puissance, en l'associant à l'ampleur de l'espace, au travail de l'imagination, à l'oeuvre du Ciel ? Par une apparence de paradoxe, ce sont les corps infirmes, les créatures informes, les êtres les plus infâmes qui jouissent d'une affinité de fond avec le Tao, le Principe qui régit le cours des êtres et des choses.
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Légende d'Ôé est le journal fictif, tenu par le non moins imaginaire skieur japonais Tensui Ôé devenu borgne après un accident. Une nouvelle perception du monde s'ouvre alors à lui. Entre ironie douce et féroce volupté, ce livre de Romain Graziani confirme une voix qui pour embrasser le monde requiert les sujets les plus inattendus ; l'absurde ouvre la poésie à d'autres figures. Spécialiste des formes de la pensée en Chine ancienne, professeur de langue et littérature chinoises à l'École Normale Supérieure, il y a chez cet auteur une érudition qui en fait l'héritier des Segalen et Saint-John Perse par un côté, de Michaux par l'autre.
La curiosité, poussée à l'obsession par un humour convenablement farté, offre au vieux skieur débarassé de ses skis, une perspective sur un monde vierge doublé d'un petit vertige existentiel. -
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Mues indigènes est le second recueil de Romain Graziani. Dans cette suite de poèmes en prose et en vers, l'auteur explore l'ensemble des liens qui tissent un rapport singulier avec le monde, de l'élan du désir plénier jusqu'aux processus de mort cellulaire chez l'homme et l'animal. La polyphonie des voix qui s'y expriment - confession d'un mourant, conférence d'un microbe ou errance amoureuse d'un dauphin - atteste des forces vitales qui entrent dans le jeu des mutations par lequel un être surgit et fait retour au vide.
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L'homme qui voulait naître moi
Romain Graziani, Maziar Zendehroudi
- Fata Morgana
- 2 Mai 2005
- 9782851946409
Ce deuxième volume publié à nos éditions confirme l'essentiel des quêtes de Romain Graziani. Il confirme aussi la richesse et la pluralité des voix qu'il sait emprunter à différents âges de l'homme, différentes cultures, «pillotant» comme l'abeille de Montaigne (présent dans ces pages), faisant son miel verbal de la mémoire et de ses manques.
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Ce livre est un essai général sur un auteur tenu par la plupart pour le plus grand philosophe et prosateur chinois, Tchouang-tseu (356-286 avant notre ère), dont l'oeuvre homonyme, le Tchouang-tseu, se situe à l'origine du taoïsme philosophique et religieux. Les thèses audacieuses de Tchouang-tseu, ses vertigineuses leçons métaphysiques, son ironie noire contre toute forme d'autorité s'épanouissent sous la forme de dialogues, fables et historiettes souvent déroutantes, que Romain Graziani traduit, commente et interprète en en dégageant les enjeux, avec le souci constant de tirer, sinon des leçons, du moins un éclairage transversal sur notre condition actuelle. Le lecteur y trouvera une introduction à l'une des formes de pensée les plus radicales qu'ait produites la Chine, aux antipodes de l'humanisme confucéen, de sa sagesse grise et de sa religion hypocrite de la bonté.
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Extrême Orient extrême Occident n.38 : guerre en perspective
Albert Galvany, Romain Graziani
- Pu De Vincennes
- Extreme Orient Extreme Occident
- 15 Janvier 2015
- 9782842924140
Les armées de l'empire chinois se sont illustrées par leur inefficacité, leurs effectifs pléthoriques et leur défaite quasi-constante face aux offensives de l'étranger.
Les publications sur la culture militaire en Chine se concentrent le plus souvent, pour des raisons commerciales, sur l'Art de la guerre, dont on vante les applications possibles au monde des affaires, les Chinois ayant supposément développé une conception redoutable de l'efficacité.
En réalité, l'histoire militaire chinoise démontre tout le contraire de ces brillants discours sur l'efficacité et l'économie de moyens.