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«Se dépenser dans des conversations autant qu'un épileptique dans ses crises.»«Peut-on parler honnêtement d'autre chose que de Dieu ou de soi ?»«L'être idéal ? Un ange dévasté par l'humour.»Les questions fondamentales qui inquiètent, l'humour dévastateur qui rassure, les réponses impavides sont le ferment de ces entretiens accordés par Cioran durant les vingt-cinq dernières années à des journalistes, à des amis des quatre coins du monde.Un témoignage virulent, à bout portant de ses obsessions, de ses passions, de ses incertitudes.
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Exercices négatifs : En marge du «Précis de décomposition»
Cioran
- GALLIMARD
- 27 Octobre 2005
- 9782070775392
Dans l'oeuvre de Cioran, les Exercices négatifs marquent une différence tout en assurant une continuité, jetant même un pont entre deux époques d'une vie et d'une écriture. Ils se tiennent à la marge du Précis de décomposition, ils en sont le prélude et le soubassement, la caisse de résonance et l'atelier. Ils incarnent ce moment du passage au français désormais irrémédiablement préféré au roumain. En ce sens, ils attestent une rupture et une crise. Tout autant, les Exercices négatifs donnent à lire la pensée de Cioran dans la fraîcheur de son apparition, dans la jubilation de sa trouvaille, s'éloignant de tout style corseté. Cioran se fait face en toute liberté, il se découvre dans le quotidien merveilleux de son esprit, il circule dans ses idées sans souci de les figer. Il est encore proche du lyrisme de son époque roumaine. Cependant c'est en français qu'il s'avance, qu'il livre ses tâtonnements et ses reprises, ses anticipations et ses visions. Les Exercices négatifs, comme les textes de transition avec Les Syllogismes de l'amertume, offrent au lecteur un Cioran sans fard qui s'attache à l'aveu immédiat, non sans éclat de langue déjà. Un Cioran essentiel.
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L'homme, en se lançant dans l'aventure de la conscience, est parvenu à l'antipode de son innocence originelle. La forme de savoir pour laquelle il a opté l'empêche de s'assimiler au monde. En proie à la manie du dépassement, il confond devenir et progrès. Tout change, il est vrai, mais rarement, sinon jamais, pour le mieux, car le «progrès» n'est que la version profane de la chute.Tomber de l'éternité dans le temps, ce fut jusqu'à présent la règle ; mais on peut tomber plus bas encore : déchoir du temps même. Cette expérience, cette crise plutôt, il n'est pas exclu que, d'individuelle, elle devienne un jour le fait de tous. Arrivé à cette extrémité, l'homme n'aurait plus qu'une issue : procéder à la conquête d'une seconde innocence et, en recommençant la connaissance, édifier une autre histoire, dégrevée de l'ancienne malédiction.
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Anthologie du portrait de Saint Simon à Tocqueville
Cioran
- Gallimard
- Arcades
- 13 Février 1996
- 9782070743919
La raison de cette anthologie, Cioran la donne lui-même dans un court avant-propos:c'est son enthousiasme pour Saint-Simon, «auteur vertigineux» qui l'a fasciné depuis toujours. Ce choix de portraits des XVIII? et XIX? siècles, galerie de personnages aussi disparates que Talleyrand, «parasite de son époque dont il incarnait les vices», Mme Roland, l'héroïque incorruptible, Mme du Deffand, Jean-Jacques Rousseau, Napoléon, sert à dévoiler «les mystères attachants ou ténébreux» de l'être humain. Très personnel, il reflète autant les hantises et les options de ces deux siècles que les préférences et les obsessions de Cioran lui-même. En connaisseur exceptionnel des Mémoires et correspondances du temps, de Saint-Simon à Tocqueville, Cioran commence avec une de ses «idoles» pour finir avec une autre.La préface est un chef-d'oeuvre d'exploration, d'«éclairage» psychologique et historique. Elle est un premier jet, plus long, plus complexe, de l'essai intitulé «L'amateur de mémoires» publié en 1979 dans Écartèlement. Les variations stylistiques feront un sujet d'étude pour les linguistes et les délices des lecteurs passionnés. Un texte exaltant et d'un grand intérêt à cause de ces «suppléments», de ces «noyaux» des essais et aphorismes ultérieurs.
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«Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace - ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant. Mieux encore que dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la naissance. Nos pensées se reportent alors vers ce monde où rien ne daignait s'actualiser, affecter une forme, choir dans un nom, et, où, toute détermination abolie, il était aisé d'accéder à une extase anonyme. Nous retrouvons cette expérience extatique lorsque, à la faveur de quelque état extrême, nous liquidons notre identité et brisons nos limites. Du coup, le temps qui nous précède, le temps d'avant le temps, nous appartient en propre, et nous rejoignons, non pas notre figure, qui n'est rien, mais cette virtualité bienheureuse où nous résistions à l'infâme tentation de nous incarner.»
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Il n'est nul moyen de concilier l'idée d'un dieu honorable avec l'évidente omniprésence du mal. Dans les commencements, quelque chose d'innommable a dû se passer, qui a vicié l'existence pour toujours. Nous ne pouvons admettre que le dieu bon, le «Père», ait trempé dans le scandale de la création. La bonté ne crée pas, elle manque d'imagination ; or il en faut pour fabriquer un monde, si bâclé soit-il. La vérité est que nous sommes sortis des mains d'un dieu maudit, auquel nous nous agrippons avec nos misères et nos tares : rien ne nous flatte tant que de pouvoir placer la source de notre indignité dans les agissements d'un créateur pervers. Nous singeons sa déplorable inaptitude à demeurer en soi-même, nous perpétuons son oeuvre, car procréer, c'est se rendre complice d'un forfait originel. Tout engendrement est suspect ; les anges par bonheur y sont impropres, la propagation de la vie étant réservée aux déchus.
Le mauvais démiurge n'est cependant pas un livre essentiellement sombre. Il finit en tout cas sur une note sereine : «Nous sommes au fond d'un enfer dont chaque instant est un miracle.»
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«Toute idée devrait être neutre ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences : le passage de la logique à l'épilepsie est consommée... Ainsi naissent les mythologies, les doctrines, et les farces sanglantes. Point d'intolérance ou de prosélytisme qui ne révèle le fond bestial de l'enthousiasme.
Ce qu'il faut détruire dans l'homme, c'est sa propension à croire, son appétit de puissance, sa faculté monstrueuse d'espérer, sa hantise d'un dieu.» Cioran.
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Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elles sont. Mais une collectivité ne subsiste que dans la mesure ou elle se crée des fictions, les entretient et s'y attache. S'emploie-t-elle ´r cultiver la lucidité et le sarcasme, ´r considérer le vrai sans mélange, le réel ´r l'état pur ? Elle se désagrcge, elle s'effondre. D'ou pour elle ce besoin métaphysique de fraude, cette nécessité de concevoir, d'inventer, ´r l'intérieur du temps, une durée privilégiée, mensonge supreme qui prete un sens ´r l'histoire, laquelle, regardée objectivement, ne semble en comporter aucun. Si l'homme antique, plus proche des origines, situait l'âge d'or dans les commencements, l'homme moderne en revanche allait le projeter dans l'avenir.
Pour dynamique, pour positive qu'elle soit, la hantise de l'âge d'or n'en est pas moins redoutable : elle ne déchaîne les énergies d'une collectivité que pour mieux les enchaîner. Tout essor, tout exccs met la liberté en péril, tout délire neuf s'achcve en servitude.
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«Selon une légende d'inspiration gnostique, une lutte se déroula au ciel entre les anges, dans laquelle les partisans de Michel vainquirent ceux du Dragon. Les anges qui, irrésolus, se contentèrent de regarder furent relégués ici-bas afin d'y opérer le choix auquel ils n'avaient pu se résoudre là-haut, choix d'autant plus malaisé qu'ils n'emportaient aucun souvenir du combat et encore moins de leur attitude équivoque.
Ainsi le démarrage de l'histoire aurait pour cause un flottement, et l'homme résulterait d'une vacillation originelle, de l'incapacité où il était, avant son bannissement, de prendre parti. Jeté sur la terre pour apprendre à opter, il sera condamné à l'acte, à l'aventure, et il n'y sera propre que dans la mesure où il aura étouffé en lui le spectateur. Le ciel seul permettant jusqu'à un certain point la neutralité, l'histoire, tout au rebours, apparaîtra comme la punition de ceux qui, avant de s'incarner, ne trouvaient aucune raison de se rallier à un camp plutôt qu'à un autre. On comprend pourquoi les humains sont si empressés d'épouser une cause, de s'agglutiner, de se rassembler autour d'une vérité. Autour de quelle espèce de vérité ?»
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«Mon idée, quand j'écris un livre, est d'éveiller quelqu'un, de le fustiger. Étant donné que les livres que j'ai écrits ont surgi de mes malaises, pour ne pas dire de mes souffrances, c'est cela même qu'ils doivent transmettre en quelque sorte au lecteur. Un livre doit tout bouleverser, tout remettre en question.» Cioran.
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Ces cahiers, que Cioran a tenus pendant quinze ans, ne constituent pas un journal relatant son existence quotidienne. En marge des livres qu'il a publiés à cette époque ou par la suite, ce sont d'abord des cahiers d'exercices où s'accumulent les notations les plus diverses : souvenirs de lectures, impressions musicales, portraits ou plutôt esquisses d'amis - dont les plus chers, Ionesco, Michaux, Beckett - et d'ennemis (protégés par l'anonymat) ; évocations de balades, fréquentes, dans Paris et à la campagne, d'où ce «philosophe de la rue» rapporte toujours quelque anecdote ou image frappante. Surtout, lui qui se qualifiait «l'homme le plus désoeuvré de Paris» s'abandonne ici librement à ses caprices et à ses obsessions. Écartelé entre la nostalgie et l'effroi, tombant d'une bouffée de violence dans un accès de cafard, Cioran ne se lasse pas de réunir et d'affûter les attendus d'un impossible règlement de comptes avec l'univers tout entier et avec lui-même. Et, comme dans ses essais, ce «fanatique du pire» offre le paradoxe, savoureux pour ses lecteurs, d'un pessimiste radical s'exprimant dans un style vif, allègre et, pour tout dire, requinquant.
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«Aucune volupté ne surpasse celle qu'on éprouve à l'idée qu'on aurait pu se maintenir dans un état de pure possibilité. Liberté, bonheur, espace - ces termes définissent la condition antérieure à la malchance de naître. La mort est un fléau quelconque ; le vrai fléau n'est pas devant nous mais derrière. Nous avons tout perdu en naissant. Mieux encore que dans le malaise et l'accablement, c'est dans des instants d'une insoutenable plénitude que nous comprenons la catastrophe de la naissance. Nos pensées se reportent alors vers ce monde où rien ne daignait s'actualiser, affecter une forme, choir dans un nom, et, où, toute détermination abolie, il était aisé d'accéder à une extase anonyme. Nous retrouvons cette expérience extatique lorsque, à la faveur de quelque état extrême, nous liquidons notre identité et brisons nos limites. Du coup, le temps qui nous précède, le temps d'avant le temps, nous appartient en propre, et nous rejoignons, non pas notre figure, qui n'est rien, mais cette virtualité bienheureuse où nous résistions à l'infâme tentation de nous incarner.»
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Syllogismes de l'amertume se présente sous l'aspect fragmenté d'un recueil de pensées, tour à tour graves ou cocasses. Rien pourtant de moins «dispersé» que ce livre. Du premier au dernier paragraphe, une même obsession s'affirme : celle de conserver au doute le double privilège de l'anxiété et du sourire. Alors que dans son premier essai, Précis de décomposition, Cioran s'attaquait à l'immédiat ou à l'inactuel avec une rage lyrique, dans celui-ci il promène sur notre époque, sur l'histoire et sur l'homme, un regard détaché où la révolte cède le pas à l'humour, à une sorte de sérénité dans l'ahurissement. Ce sont là propos d'un Job assagi à l'école des moralistes.
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Manie épistolaire : Lettres choisies, 1930-1991
Emil Cioran
- GALLIMARD
- Blanche
- 15 Février 2024
- 9782073040206
«La lettre, conversation avec un absent, représente un événement majeur de la solitude. Cherchez la vérité sur un auteur plutôt dans sa correspondance que dans son oeuvre. L'oeuvre est le plus souvent un masque.» Sélectionnées parmi plusieurs milliers dans les archives personnelles de Cioran, les cent soixante lettres ici réunies, la plupart inédites, sont adressées à sa famille et à ses amis, en Roumanie puis en France, à ses pairs et à ses lecteurs. On y croise notamment Aurel, son petit frère séminariste, Mircea Eliade, Carl Schmitt, Jean Paulhan, François Mauriac, Maria Zambrano, Samuel Beckett, Armel Guerne, Roland Jaccard, Clément Rosset, mais aussi la «Tzigane», sa dernière histoire sentimentale. Lucides, ironiques, existentielles, elles composent entre dix-neuf et soixante-dix-neuf ans un autoportrait intime et intellectuel de l'auteur de Précis de décomposition, et révèlent le génie de Cioran pour un art épistolaire qu'il mettait au-dessus de tout.
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«Toute idée devrait être neutre ; mais l'homme l'anime, y projette ses flammes et ses démences : le passage de la logique à l'épilepsie est consommée... Ainsi naissent les mythologies, les doctrines, et les farces sanglantes. Point d'intolérance ou de prosélytisme qui ne révèle le fond bestial de l'enthousiasme. Ce qu'il faut détruire dans l'homme, c'est sa propension à croire, son appétit de puissance, sa faculté monstrueuse d'espérer, sa hantise d'un dieu.» Cioran.
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Sur les cimes du desespoir
Emile-Michel Cioran
- Le Livre de Poche
- Biblio Essais
- 18 Septembre 1991
- 9782253057819
Une constatation que je peux vérifier, à mon grand regret, à chaque instant : seuls sont heureux ceux qui ne pensent jamais, autrement dit ceux qui ne pensent que le strict minimum nécessaire pour vivre. La vraie pensée ressemble, elle, à un démon qui trouble les sources de la vie, ou bien à une maladie qui en affecte les racines mêmes. Penser à tout moment, se poser des problèmes capitaux à tout bout de champ et éprouver un doute permanent quant à son destin ; être fatigué de vivre, épuisé par ses pensées et par sa propre existence au-delà de toute limite ; laisser derrière soi une traînée de sang et de fumée comme symbole du drame et de la mort de son être - c'est être malheureux au point que le problème de la pensée vous donne envie de vomir et que la réflexion vous apparaît comme une damnation.
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«Ce volume rassemble tous les ouvrages rédigés et publiés par Cioran en langue française. Le fossé qui sépare de ce corpus essentiel les oeuvres roumaines antérieures n'est pas seulement linguistique, spatial ni temporel:à la métamorphose complexe de la pensée en exil s'ajoutent, dès Précis de décomposition (1949), un nouvel art d'écrire, de nouvelles exigences stylistiques et un nouvel horizon éditorial, dont Cioran ne se départira pas. On n'entend évidemment pas nier l'existence ni l'importance de l'oeuvre roumaine. Il s'agit bien plutôt de respecter l'unité naturelle et puissante du corpus français, qui avait déjà rendu Cioran lui-même très réticent devant l'idée que l'on traduisît dans sa langue d'adoption ses textes roumains. Le lecteur trouvera ici les dix oeuvres par lesquelles Emil Cioran, devenu E.M. Cioran, écrivain français, s'imposa comme Cioran, l'un des plus brillants stylistes du XX? siècle. Il n'eut jamais aucun plan d'oeuvre général; il avança de texte en texte au gré de ses chaotiques nécessités intérieures, prenant seulement le soin, en des temps de plus en plus espacés au fil des années, de réunir ses écrits isolés dans des volumes cohérents. Syllogismes ou pensées, arrêts ou confessions, examens thématiques ou divagations désinvoltes - que disent ces textes de leur auteur? ne faudrait-il pas qu'il soit philosophe, lui qui n'évolue que dans le présent des sentences? mais ne se contredit-il pas trop, pour un raisonneur, ne serait-il pas plutôt l'écrivain rassemblant des points de vue, sinon des personnages multiples et différents? il ne parle pourtant que de lui-même, tout le temps, quand bien même il commenterait la misère de l'homme, les avantages du squelette ou la pierre de Caillois:n'est-ce pas là le fait d'un poète? et pourtant, ce serait un poète oeuvrant contre son propre lyrisme, pour le renoncement au moi, une manière de moine rongé par son égotisme verbeux:est-ce encore envisageable?... On perdrait ainsi beaucoup de temps à tâcher de dissoudre Cioran dans une solution générique ad hoc. N'étant ni ceci ni cela, et tout à la fois, il présente jusque dans cette complexité de nature une attitude récalcitrante et originale, libre comme l'est toute solitude. Les poches soigneusement délestées de toute illusion de pouvoir, de mérite ou de valeur, Cioran réfléchit à sa vie comme à l'existence dans sa totalité, car l'inconvénient d'être né n'est qu'un succédané d'un désagrément plus vaste encore - qu'il y ait quelque chose plutôt que rien.» Nicolas Cavaillès.
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Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elles sont. Mais une collectivité ne subsiste que dans la mesure où elle se crée des fictions, les entretient et s'y attache. S'emploie-t-elle à cultiver la lucidité et le sarcasme, à considérer le vrai sans mélange, le réel à l'état pur ? Elle se désagrège, elle s'effondre. D'où pour elle ce besoin métaphysique de fraude, cette nécessité de concevoir, d'inventer, à l'intérieur du temps, une durée privilégiée, mensonge suprême qui prête un sens à l'histoire, laquelle, regardée objectivement, ne semble en comporter aucun. Si l'homme antique, plus proche des origines, situait l'âge d'or dans les commencements, l'homme moderne en revanche allait le projeter dans l'avenir.Pour dynamique, pour positive qu'elle soit, la hantise de l'âge d'or n'en est pas moins redoutable : elle ne déchaîne les énergies d'une collectivité que pour mieux les enchaîner. Tout essor, tout excès met la liberté en péril, tout délire neuf s'achève en servitude.
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Il n'est pas aisé de tourner le dos aux évidences de la négation. L'auteur s'y est astreint, sans y parvenir toujours. « Le non m'excède » (leitmotiv du dernier chapitre) est comme la clef d'un livre où le oui surgit plutôt d'une nostalgie que d'un raisonnement. Ceux qui, éprouvant le vide comme une certitude affective, l'assimilent à une donnée primordiale de la conscience, comment se hausseraient-ils à l'affirmation ? Rien de plus difficile pour eux que de concevoir l'être; inaptes à le saisir par l'esprit, ils s'évertuent à le conquérir par la volonté, en même temps qu'ils poussent la négation jusqu'au point où elle s'annule elle-même. Il existe un savoir mortel à la vie, destructeur par essence, dont ces essais se réclament et se détournent tout ensemble. Autant dire qu'ils se présentent comme une série de perplexités, comme l'illustration d'un tiraillement. Si, entre l'être et le connaître, l'auteur opte en fin de compte pour le premier, c'est qu'il s'est exercé à penser contre soi, contre ses certitudes : tiraillement encore, qu'il a instauré cette fois au plus intime de lui-même. Dans ses conclusions, La tentation d'exister n'est qu'une protestation contre la lucidité, une apologie pathétique du mensonge, un retour à quelques fictions salutaires.
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On ne peut vivre qu'à Paris
Emil Cioran, Patrice Reytier
- RIVAGES
- Bibliotheque Rivages
- 10 Mars 2021
- 9782743652326
Un livre illustré à partir des aphorismes de Cioran : il distille ses maximes en se promenant à Paris, l'unique ville où on peut vivre - « c'est la ville idéale pour rater sa vie ». Un aphorisme doit cingler comme une gifle, il faut qu'il soit écrit sous le coup de la fièvre pour devenir un moyen thérapeutique pour se soulager du poids du monde. Surnommé le Diogène du xxe siècle, tant par ses propos qui relèvent des cyniques que pour ses refus des honneurs, Cioran devient ici un personnage de bande dessinée, le Tintin de la philosophie.
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Homme en colère, moraliste à l'esprit corrosif, Cioran place le désespoir au coeur de sa pensée. Dans un style incisif et décapant, il livre ses aphorismes et réflexions sur le temps, la mort, la religion et la condition humaine : «Le plus grand exploit de ma vie est d'être encore en vie».
Une vision désabusée des hommes et du monde, une lucidité extrême.
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Dans cette langue qui a fait de lui ce qu'il est, par l'effet de freinage et de contrôle imposé à ses excès, à ses violences et à ses éclats, Cioran prévoit le jour où il regrettera, où il aura honte, d'avoir tant aimé les saintes et « la mystique, cette sensualité transcendante ».
Cet ouvrage, écrit à 25 ans en Roumanie, a été entièrement remanié par Cioran lui-même en 1987, pour la traduction de Stolojan.
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Ce portrait inédit de la France fut écrit en 1941 au coeur des années sombres par Emil Cioran, philosophe roumain qui adopta la langue française dans ses écrits. Cet amoureux de la France dissèque à sa façon les grandeurs et petitesses d'une nation qui le fascine. Description à la fois féroce, lucide et admirative.