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jean rolin
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Or le lien que cette séquence faisait apparaître entre le bagne, soit la quintessence de la violence et du «vice», pour parler un langage d'époque, et la chasse aux papillons, que le public se représente plutôt comme un loisir d'enfants sages ou de vieux cinglés, ce lien ainsi révélé excita ma curiosité au point de m'inspirer un désir irrépressible d'y aller voir.
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«Pour y pénétrer, il faut s'acquitter d'une petite somme auprès d'une gardienne qui, ce jour-là, était plongée dans la lecture d'un livre très épais, en format de poche, dont je crus que c'était Guerre et paix avant de constater, avec regret, qu'il s'agissait d'un roman de Joël Dicker. En même temps que nous achetions nos billets, et que Celui-des-ours s'enquérait de la localisation de la tombe de Clément, le chien de Houellebecq, je remarquai un gros rat, quant à lui bien vivant, qui se tenait juste en dessous du guichet, sans se gêner, un peu comme s'il avait été préposé au contrôle des tickets.»Sur les berges de la Seine, les déambulations de l'écrivain prennent des allures de petite odyssée au coeur de friches ou de banlieues bousculées, mais aussi d'une nature sauvage dont jaillit un émerveillement inattendu.
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Au printemps 2015, un ornithologue amateur observe au sommet du puy de Dôme un petit oiseau, le traquet kurde, jamais vu en France auparavant, et dont nul ne sait comment il est arrivé jusque-là. Sur la piste de l'oiseau, des vertes prairies du Hertfordshire aux montagnes du nord de l'Irak, le narrateur, quant à lui, croisera les ombres de T. E.
Lawrence, St. John Philby (le père du célèbre espion), Wilfred Thesiger, celle aussi d'un invraisemblable escroc, mystificateur et mythomane, le colonel Meinertzhagen, et beaucoup d'autres grandes figures de l'histoire impériale britannique. Ce nouveau livre de Jean Rolin, autour des tribulations hasardeuses d'un écrivain et du petit oiseau qu'il poursuit de sa curiosité, est un festival d'érudition et d'humour, un itinéraire poétique à travers l'ornithologie et les géographies physique et politique, l'histoire, la littérature.
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Unissant le golfe Persique à la mer d'Arabie, le détroit d'Ormuz voit transiter une part importante du pétrole et du gaz irrigant l'économie mondiale. De temps à autre, l'Iran menace de le bloquer, cependant que les États-Unis y font défiler leurs navires de guerre. En gros, c'est ce que l'on désigne comme une zone de tensions, et comme un enjeu stratégique. Or Wax, un personnage aux contours indécis, a formé malgré tout le projet de le traverser à la nage.
Y parviendra-t-il, avec l'aide du narrateur et en dépit de difficultés innombrables, ou bien va-t-il plutôt se noyer dans le détroit, pour finir?
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Jean Rolin part sur ses traces de Lawrence d'Arabie aujourd'hui, au Moyen Orient. En 1909, l'année de son 21e anniversaire, Thomas Edward Lawrence (1888-1935), qui n'est pas encore "d'Arabie", entreprend en plein été une marche de près de 1800 kilomètres, au Moyen-Orient, afin de visiter quelque 35 châteaux-forts datant de l'époque des Croisades. Lors des trois étés précédents, il a parcouru la France à bicyclette, visitant presque tout ce que ce pays compte de châteaux-forts afin d'étayer sa thèse de fin d'études à Oxford, consacrée à "L'influence des Croisades sur l'architecture militaire en Europe".
Crac est le récit d'un voyage effectué en 2017-2018 au Moyen-Orient. Guidé par les lettres de Lawrence, Jean Rolin est parti à la découverte de châteaux tels Beaufort dans le sud du Liban, en Syrie le Crac des chevaliers (ou Krak), le château de Saône/Saladin, ou encore la forteresse de Kerak en Jordanie, auxquels des conflits récents ont conféré un regain d'actualité. Mais Jean Rolin fait bien plus que mettre ses pas dans ceux de Lawrence d'Arabie, il nous confronte subtilement aux errements de notre histoire et à ses propres mésaventures.
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«Le jour même de mon retour à Savannah, dans les heures qui suivirent je revis le petit homme au parapluie roulé : il était en train de fumer, assis sur un muret faisant face à la grille cadenassée du motel en friche, et dans une position telle qu'il se serait trouvé dans le champ des images faites par Kate le soir de notre installation dans ce motel.»
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Faut-il prendre au sérieux les menaces d'enlèvement qu'un groupuscule islamiste fait peser sur Britney Spears ? Les services français (les meilleurs du monde) pensent que oui.
Certes, l'agent qu'ils enverront à Los Angeles pour suivre cette affaire présente quelques handicaps - il ne sait pas conduire, fume dans les lieux publics, ignore presque tout du show-business et manifeste une tendance à la mélancolie -, mais il fera de son mieux pour les surmonter, consultant sans se lasser les sites spécialisés, s'accointant avec des paparazzis, fréquentant les boutiques de Rodeo Drive ou les bars de Sunset Boulevard, jusqu'à devenir à son tour un spécialiste incontesté tant de Britney elle-même que des transports en commun de Los Angeles.
II n'en échouera pas moins dans sa mission, et c'est de son exil au Tadjikistan, près de la frontière chinoise, qu'il nous adresse ce récit désabusé de ses mésaventures en Californie.
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«Dans la soirée, après avoir bu deux ou trois poires en conclusion de mon dîner, dans un état, donc, de légère ébriété, je suis descendu vers la gare Saint-Lazare en ruminant la lancinante question de ce que je pourrais bien faire, en voyage à Paris, qui ne soit pas du journalisme pittoresque ou de la sociologie de comptoir. Heureusement, les poires ne tardèrent pas, si je puis dire, à porter leurs fruits. Ainsi éprouvai-je bientôt le sentiment d'être suivi, dans la rue de Rome autrement déserte, par un type amoché que j'avais remarqué auparavant et qui portait un pansement sur l'oeil droit (...). Au coin de la rue de Rome et du boulevard des Batignolles, j'observai que le Sacré-Coeur, considéré sous cet angle, ne ressemblait aucunement au Sacré-Coeur mais beaucoup à Notre-Dame-de-la-Garde. C'était une impression de voyage. Déjà la nuit remplissait à plein bord la large et profonde tranchée du chemin de fer que longe la rue de Rome dans sa partie supérieure mais, tout au fond, l'acier poli des rails réfléchissait encore la lumière du couchant et traçait dans l'obscurité des lignes roses.»
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La même année que Napoléon Bonaparte naît dans une bourgade de la Sarre un enfant roux dont le père, tonnelier de son état, a servi dans les armées de Frédéric II. À la faveur des guerres de la Révolution et de l'Empire, l'enfant roux est appelé à devenir l'un des plus illustres maréchaux de France, avant de mourir fusillé à l'angle des jardins de l'Observatoire. Entre-temps, il aura été vainqueur à la Moskova, héroïque lors de la retraite de Russie, indécis ou calamiteux dans d'autres circonstances, déloyal à l'empereur, traître à la monarchie restaurée, défait à Waterloo et indéfectiblement fidèle à quelque chose d'éclatant et d'obscur.Aujourd'hui, le boulevard qui lui est dédié relie la porte de Saint-Ouen à la porte d'Aubervilliers à travers des quartiers qui ne comptent pas parmi les plus paisibles ou les plus aérés de la capitale. D'autres destins s'y nouent, d'autres échecs s'y consomment. Celui de Gérard Cerbère, rescapé de nombreuses Berezinas, retranché avec sa caravane à l'intérieur d'un pilier soutenant le périphérique. Celui de Lito, officier des forces armées zaïroises échoué au McDonald's de la porte de Clignancourt. Ou encore celui de Ginka Trifonova, une jeune Bulgare, assassinée une nuit de novembre 1999 sur un talus de la rue de la Clôture.
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« Lorsque Dieu a créé le lapin, s'attendait-il à ce qu'on le retrouve si nombreux, de nos jours, à Aulnay-sous-Bois ? » C'est la première phrase de ce roman d'exploration et d'observation du monde. Il y a donc encore, en périphérie de nos villes, une vie sauvage et champêtre. De Bondoufle, petite commune pavillonnaire de l'Essonne, il sera peu question. Sa traversée aura bien lieu pourtant, à deux reprises, mais parce qu'elle participe au projet original de notre écrivain marcheur : « Du moment où j'ai découvert la campagne à la périphérie d'Aulnay-sous-Bois, même sous l'aspect peu engageant d'un champ de maïs desséché et d'un chemin sans issue, l'idée m'est venue de suivre tout autour de Paris sa limite, ou du moins la ligne incertaine, émiettée, soumise à de continuelles variations, de part et d'autre de laquelle la ville et la campagne, ou les succédanés de l'une et de l'autre, se confrontent. » Se tenir au plus près, partout où c'était possible, de la limite entre ville et campagne. On part ainsi à la découverte d'une zone floue entre urbanisme, cultures agricoles et espaces sauvages ou à l'abandon. C'est une odyssée secrète, celle d'un monde invisible entre les rocades, les chantiers, les zones pavillonnaires et industrielles. Il y a des bois, des chemins creux, des champs, des cours d'eau. Mais tout peut devenir épreuve, comme rejoindre à pied et à travers champs la Patte d'Oie de Gonesse, au sortir de la « zone d'activités » de Paris-Nord 2. L'absurdité de notre univers contemporain prend des allures comiques et désespérées. « Entre un champ de céréales et un quartier pavillonnaire, je remarquai un détail qui m'avait échappé jusque-là, bien qu'il appartînt aussi à cette limite, et qui était, monté sur un poteau, un distributeur de sachets d'hygiène canine. » Jean Rolin est l'observateur implacable de la déréliction de ce monde.
L'humanité elle-même semble disparaître dans l'incertitude des paysages défaits, entre champs et urbanisation. Le moindre détail incongru, la moindre présence civilisée ou sauvage est un aveu de notre propre abandon. On parcourt des espaces fracassés, des cultures et des bois qui côtoient des friches et des zones industrielles. C'est la traversée du monde d'à côté, celui que nous ne voyons plus depuis des décennies. Campagne indéterminée, mais on y entend le chant des rossignols par-dessus le vacarme de la circulation. On y découvre un lucane cerf-volant « tout à fait mort mais dans un bon état de conservation ». On saisit la présence de chats ensauvagés dans les blés comme on surprend dans un café, au-dessus du comptoir, le portrait d'Abdullah Öcalan, le leader emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan. -
La France est en guerre civile. Le narrateur, pour venir en aide à un ami souffrant, doit quitter Paris pour rejoindre le sud du pays. Sa mission consiste à transporter des médicaments en évitant les barrages et les groupes armés qui ont pris d'assaut certains territoires. Parmi eux, des factions d'extrême-droite et d'extrême-gauche, des milices chrétiennes et musulmanes, tout un éventail reflétant ce qui faisait hier encore la diversité et la fierté françaises. Au milieu de ce chaos, des casques bleus finlandais et ghanéens assistent impuissants à ce douloureux déchirement.
Jean Rolin nous livre un roman d'anticipation redoutable de précision et terrifiant de réalisme.
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«Un soir nous étions installés tous les trois, bien lestés d'alcool et de toxiques divers, devant l'entrée de l'habitat rupestre. Le gueux s'éloigna pour procéder à l'inspection de quelque chose qui clochait avec sa voiture. Sally me fit entrer dans la maison, m'y prodigua des marques d'affection, attira mon attention sur une carabine Winchester posée sur le manteau de la cheminée. Elle m'invita à vérifier qu'elle était en ordre de marche. Incapable, comme on l'a vu, de résister à ses injonctions, et conscient toutefois de ce qu'impliquait presque nécessairement cet enchaînement de gestes, j'actionnai la poignée qui caractérise ce type d'armes et fis monter une balle dans le canon. Jamais Sally ne m'avait couvé d'un regard aussi tendre. Pendant que je m'employais à ces préparatifs, le transistor qui grésillait dans un coin de la pièce annonça la chute de Saigon, et cela me fit autant d'effet que s'il s'était agi du résultat d'un match de football.»
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L'idée, c'était de se procurer à Paris une vieille voiture en état de rouler, et de l'expédier au Congo où elle deviendrait un taxi. Celui-ci assurerait des ressources régulières à la famille du colonel, restée au pays. Tel que le colonel et le narrateur l'avaient conçu, le projet était simple et brillant. Chemin faisant, tant sur mer que par la route, selon un itinéraire qui recoupe parfois ceux de Joseph Conrad, de Patrice Lumumba, de Che Guevara et d'autres fantômes moins illustres, il va se heurter à un grand nombre de difficultés, parmi lesquelles, tout compte fait, il n'est pas avéré que la pire soit l'explosion de la durite...
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«Assis sur ce banc, écoutant glouglouter dans leur fuite des créatures aquatiques (ou amphibies) dérangées par mon arrivée, je pensais au gag - un classique - du type qui s'assoit sur un tronc d'arbre et découvre, trop tard, qu'il s'agit en fait d'un crocodile, et je me disais que ces derniers ayant la réputation de vivre vieux, il s'en trouvait encore probablement, dans la mangrove, qui avaient été témoins de la bataille, et peut-être avaient saisi cette opportunité d'introduire un peu de variété dans leur alimentation. De septembre à novembre 1944, l'île de Peleliu, dans l'archipel des Palaos, a été le théâtre d'une des batailles les plus meurtrières de la guerre du Pacifique.»
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« Avant le bal masqué, devant tous les passagers ras- semblés dans le grand salon de l'Idoménée [...], le magicien avait présenté toute une suite de tours qui, conformément aux règles de son art, s'enchaînaient de manière a susciter parmi les spectateurs un sentiment croissant d'anxiété, à la mesure des épreuves de plus en plus terribles que Cathy devait affronter, telles que d'être enfermée dans une boîte et coupée en plusieurs morceaux, ou bien soulevée du sol et portée jusqu'à la hauteur des cintres à la seule force du magnétisme de son compagnon, et dont toujours elle ressortait indemne, resplendissante, pour exécuter sur la scène une série de bonds d'une grâce et d'une force inhu- maines, jusqu'à ce qu'au final elle fût ravie pour de bon, effacée soudainement au milieu d'un dernier en- trechat comme si son corps lumineux ne possédait en effet qu'une réalité transitoire, entièrement tributaire de la fantaisie du magicien qui, bientôt, tandis que l'or- chestre du bord attaquait une marche d'autant plus triomphale qu'il s'était tu à l'instant de la disparition, la faisait réapparaître au fond de la salle dans le dos des spectateurs, nimbée d'une gloire de lumière pâle, nocturne, diaprée, et comme empruntée à ces aurores boréales dont malheureusement ce n'étais pas la sai- son. Après un moment de stupeur, ponctué d'exclama- tions et de cris étouffés, l'enthousiasme des passagers, retournés pour contempler le prodige, se déchaînait avec la même ferveur que si de cette résurrection eut dépendu non seulement leur propre survie, mais celle de l'humanité tout entière. »
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Journal de Gand aux Aléoutiennes
Jean Rolin
- Table Ronde
- La Petite Vermillon
- 4 Janvier 2018
- 9782710385882
S'inspirant d'une traversée réellement effectuée en 1980, Jean Rolin raconte, dans Journal de Gand aux Aléoutiennes, un «vrai-faux» voyage en cargo via la Norvège, l'Afrique et le Brésil à destination d'un chapelet d'îles désertes entre Alaska et Kamtchatka.
À bord du Meistersinger, le commandant opiomane boude parce qu'on lui a volé la poire de son goûter ; on se jette du ciment frais à la figure pour se distraire ; un étrange animal, le pil-pil, tout élastique, permet d'anticiper les coups de roulis. Le narrateur ira pourtant au bout de son extravagante aventure : on le débarquera au pied du volcan Shishaldin, surnommé Sisquk par les Aléoutiens, autrement dit «la montagne qui me montre le chemin quand je suis perdu»...
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«Soudainement, alors que nous remontions la rue Paul-VI, une plaque de tôle ondulée s'abattit à nos pieds dans un bruit de tonnerre et le jésuite l'enjamba distraitement, sans dévier de sa route, sans un mot de commentaire pour un incident si notable. Quant à moi, les mains dans les poches, tandis qu'il tenait toujours ses deux sacs à bout de bras, je me sentais de plus en plus insignifiant, de plus en plus déplacé, à ses côtés aussi bien qu'à Bethléem, voire dans ce pays tout entier, où nul ne m'avait demandé de venir m'enquérir du sort des chrétiens, seul, sans mandat, empiétant ainsi sur les prérogatives de l'Église ou des sacro-saintes ONG.» Chrétiens est le récit, juste et précis, d'un séjour à Bethléem et dans d'autres localités de Palestine, pendant les mois de décembre 2002 et janvier 2003.
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Unique bâtiment de ce type, l'Albatros est un ancien chalutier congélateur, le Névé. Acheté par la Marine nationale en 1983, il est dédié à l'exercice de l' « Action de l'Etat en mer ». En 2008, il est détaché quelques semaines auprès de la mission Atalante, qui déploie plusieurs navires de guerre dans la lutte contre la piraterie somalienne.
« La vie d'un équipage militaire, pour une très grande part, se passe en entraînements à des situations dramatiques qui vraisemblablement ne surviendront jamais. Telles, par ordre croissant d'improbabilité, l'homme à la mer, le feu à bord - parmi toutes ces situations, c'est celle qui fait l'objet des entraînements les plus systématiques -, la voie d'eau et la guerre. (.) Compte tenu de la modestie de son armement, et de la nature des missions qui lui sont dévolues, l'entraînement guerrier de l'Albatros se limite en général au «poste de combat manoeuvrant sous menace asymétrique» : en clair, il s'agit de contrer une attaque telle que peuvent en lancer les pirates somaliens ou d'autres emmerdeurs «asymétriques» à bord de petites embarcations.»
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De l'Ille-et-Vilaine à la Bourgogne en passant par le Midi, Jean Rolin a arpenté la France des canaux. Au fil des chemins de halage, il prend le temps d'écouter un Pakistanais pris de boisson qu'il croise dans une écluse, ou s'interroge sur l'exubérante sexualité des canards. Il donne à voir les lentisques tapissant les eaux stagnantes, les cadavres de chats flottant sur les bras morts, l'étang de Thau brutalement secoué par une tempête. Il bataille contre la pluie, la boue, l'imprécision des cartes, s'émerveille des constructions 'hétéroclites et aléatoires' qui font le charme de Nevers, et s'adonne, chemin faisant, à une lecture singulière et poétique des lignes du paysage.
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- Les pérégrinations de Jean Rolin, écrivain-voyageur, n'ont rien de commun avec les voyages de tout un chacun. Sans but précis, sans direction, il marche au hasard et prend des trains qui l'emmènent dans des directions inconnues. De la vallée de la Fensch avec ses usines et ses voies ferrées à la Grand-place avec ses devantures brisées, il pose sur les lieux atypiques qu'il traverse un regard peu convenu.
- Né en 1949, Jean Rolin est écrivain et journaliste. Il a effectué de nombreux reportages pour Le Figaro, Libération, L'Événement du jeudi et Géo. Il a reçu le prix Médicis pour L'Organisation.
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« V enant de Slavonie, ayant franchi la Save à hauteur de Bosanski Samac, la première difficulté que nous ayons rencontrée, ce fut à la sortie de Kakanj, au pied de la centrale thermique qui se dresse sur le côté gauche de la route, un barrage de miliciens dont il n'était pas facile de déterminer l'obédience. Après avoir fouillé la voiture, ils nous taxèrent d'un peu d'argent et de quelques paquets de cigarettes. Ils avaient l'air heureux, sinon vraiment de bonne humeur : c'était le début de la guerre, il faisait beau, les pertes étaient encore limitées de part et d'autre, et tout neuf le plaisir de porter les armes et de s'en servir pour imposer sa loi, terroriser les civils, abuser des filles, enfin jouir gratuitement de toutes ces choses si longues et si coûteuses à se procurer en temps de paix, quand il faut travailler, et encore, pour les obtenir. »
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Vu sur la mer ; petites chroniques maritimes et fluviales
Jean Rolin
- Table Ronde
- La Petite Vermillon
- 5 Avril 2012
- 9782710369455
« Une semaine que l'on navigue et tout le monde en a par-dessus la tête. À l'arrière du bateau, des passagers font rôtir des singes morts, mais frais, non boucanés, avec leurs poils, sur quelques planches brûlant en plein air, après les avoir rompus et attendris à coups de marteau. Très curieux de voir le singe passer par les différents stades de la crémation : le poil grésille, le singe est lisse, il enfle, la peau éclate, le visage prend une expression de plus en plus agonique, les mâchoires ressortent avec leurs énormes canines, les yeux fondent... »
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* Sur un petit carnet à la couverture bleue, Joséphine a écrit : « l'amour, c'est la possibilité de se dissimuler dans un être, d'oublier qu'on existe. » Joséphine, l'amante qu'a perdue le narrateur un an auparavant, et dont la perte irrémédiable le déchire au point qu'il lui faille noter, un par un, tous les petits détails dont est tissé leur amour.
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La ligne de front ; un voyage en Afrique australe
Jean Rolin
- Table Ronde
- 16 Avril 2010
- 9782710331520
En 1987, Jean Rolin parcourt l'Afrique australe de Dar-es-Salam à Capetown, à travers les pays que réunit, du moins en théorie, une opposition au régime d'apartheid. Au fil de ses tribulations, certaines rencontres l'enrichissent : Robert, un révolutionnaire au bout du rouleau, expatrié à Zanzibar ; Ned et Joan, fermiers cloîtrés au Zimbabwe derrière leur enceinte grillagée, ou encore cette prostituée indienne « semi-divine » de Durban, qu'il rêve d'arracher à son sort. D'autres le mettent en rage, comme cette « Carabosse envuitonnée » qui lui gâche le panorama des chutes Victoria. Et puis il y a les décors, qui le transportent : le vert affolant d'une plantation de thé, le chaos urbain, le chant des oiseaux dans la nuit africaine...