Littérature
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« J'aimerais connaître vos motivations pour ce voyage chez nous, M. Yann. Nous serions ravis de vous accueillir, mais nous voudrions accueillir, en même temps que nous vous accueillons, l'ensemble de vos motivations. Car on ne voyage jamais seul, vous le savez bien. On voyage toujours accompagné. On voyage accompagné de ses motivations. Pourquoi voulez-vous aller chez nous, M. Yann ?»
Quand un écrivain français se rend à la délégation de Corée du Nord pour obtenir le précieux document qui lui ouvrira les portes d'un pays bouclé à triple tour, c'est bien plus qu'un simple rendez-vous administratif qui s'engage...
Yann Moix restitue la joute verbale qui l'oppose au très redoutable préposé à la délivrance des visas pour la RPDC - République populaire démocratique de Corée. Méprise, quiproquo, ironie, double langage, terreur douce et mensonge déconcertant : jamais on n'a mobilisé avec autant de talent les ressorts du dialogue pour produire de la force comique. Non pour le seul plaisir de rire, pour tourner en ridicule l'une des dernières bureaucraties communistes de la planète ou pour dénoncer en creux la bonne conscience hypocrite des démocraties occidentales, mais pour tenter de saisir un non-lieu : la rencontre insoluble entre deux mondes, deux métaphysiques qui ne se comprennent pas et ne se comprendront jamais.
Un texte jubilatoire. -
« Il était temps de devenir écrivain. J'arrivai à Paris sans un sou, comme dans les mauvais romans qui avaient précédé ma naissance indigne. »
Yann Moix décrit la Ville lumière comme une féerie impossible, une faune polluée, une montagne impossible à gravir, et retrouve le sens de la caricature déjantée de Podium, son livre le plus drôle. Frédéric Beigbeder, Le Figaro magazine.
Paris s'avère, au-delà de l'humour et de la férocité de l'auteur, le récit d'une échappée belle. Oriane Jeancourt Galignani, Transfuge.
De loin le meilleur tome de la série, car le plus cocasse. Des dialogues dignes de Philip Roth. Louis-Henri de La Rochefoucauld, L'Express. -
Après Orléans, qui racontait l'enfance martyrisée du narrateur, puis Reims, où l'on suivait ses pérégrinations en école de commerce, c'est à Verdun que nous retrouvons cet « immobile enfant » de vingt-cinq ans, cette fois comme aspirant dans l'armée de terre. Une fois appris le métier des armes, le jeune Moix, désormais officier d'artillerie, connaît - parfois pour le meilleur, souvent pour le pire - l'épreuve des responsabilités, de la promiscuité et du commandement. Nous le suivons ici avec sa section, en campagne ou en caserne, de jour comme de nuit. Avec humanité, humour, humilité et la tendresse habituelle que nous lui connaissons pour les déclassés, Yann Moix, plus dur avec lui-même qu'avec quiconque, nous émeut et nous fait rire. C'est sa griffe, que nous retrouvons ici intacte.
Un roman physique, avec des phrases hantées, étouffées, dévorantes. Une prose unique parce que de la boue jaillit une lumière, malgré tout. Mohammed Aissaoui, Le Figaro littéraire.
Méchamment talentueux. Anna Cabana, Le Journal du dimanche. -
Le narrateur s'est enfin échappé du cauchemar familial d'Orléans. Il rêve de « monter à Paris », mais ses résultats insuffisants aux examens le font atterrir à l'École supérieure de commerce de Reims, ce qu'il vit comme une relégation en troisième division. Là tout n'est qu'ennui, impuissance, obsession sexuelle jamais assouvie, dérive alcoolisée avec une petite bande de paumés qui tournent le dos à la compétition pour mieux affirmer leur différence. Dans cette course à la vanité paradoxale de l'échec, avec les mots brandis contre les chiffres, la révolte contre le conformisme, il va s'agir de se distinguer par l'ignominie. Reims, ou la prolongation de la haine de soi quand la haine des vôtres vous a définitivement incarcéré au « pays de l'enfance immobile ».
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Ce premier volume d'un journal-fleuve couvre une seule année de la vie de l'auteur, de juin 2016 à juin 2017, durant laquelle il fut notamment chroniqueur dans l'émission On n'est pas couché , année fertile en rencontres, observations et expériences.
Personnalité controversée, Yann Moix est avant tout un des meilleurs écrivains d'aujourd'hui, salué comme tel par l'ensemble de la critique au-delà des polémiques qu'il peut susciter. C'est la raison de son entrée dans La collection Bouquins et de la publication de cette oeuvre inédite qui traverse tout son univers à la fois intime et public.
On y découvrira le grand lecteur qu'il est, l'homme fou de musique, de littérature et de philosophie. L'amoureux dans ses relations avec les femmes de sa vie. L'observateur implacable de la comédie sociale, littéraire et médiatique à travers les multiples portraits qu'il brosse de ses confrères écrivains, des personnalités politiques et médiatiques qui ont eu la chance ou la malchance de croiser sa route. Un régal de tendresse pour ceux qu'il apprécie et de férocité pour ceux qu'il démasque sans merci. Au nom d'un souci contestant et absolu de sincérité brute, comme il l'explique dans ces extraits :
Dimanche 10 juillet 2016 : Écrire un journal exige non pas exactement de la paresse, mais un certain laisser-aller qui, finalement, oscille entre l'inconscience, le suicide et le courage. Se faire un destin, pourtant, est impossible si l'on n'est pas d'abord - pour un temps du moins - détesté, honni, proscrit, voué aux gémonies, marginalisé, grillé . Tous ceux qui ne passent pas par cette sale période ne font, au mieux, qu'une carrière . Plutôt crever que de faire carrière. Faire carrière : réussir dans la vie ; il s'agit de réussir sa vie. Traduction concrète : la soumettre à tous les dangers (intellectuels, physiques).
Lundi 11 juillet 2016 : Tout journal intime est une burlesque lutte contre cet invisible titan qui nous pousse vers cet abyme : l'âge. L'âge est un cosmos que gouverne le ridicule. Il s'agira donc de s'y amuser ; j'ai bien fait de pleurer d'abord. Viennent les jours, doucement, où je n'aurai d'autre choix que de m'abandonner sans vergogne à ce que je crois que je suis - jusqu'à le devenir.
Jeudi 11 août 2016 : Dans ce journal, je tiens à constater, quand je le relirai - si je le relis jamais ? les contradictions qu'il contient, et qui me disent mieux que ne le sont mes cohérences. Un être n'est jamais que le perpétuel contraire de ses décisions, la démission de ses certitudes, l'inverse de ses pensées, la dénégation de ses actes, le contre-exemple de sa morale. Je ne suis que le brouillon de ce que je crois que je suis. Je suis vivant, c'est-à-dire que je n'ai pas la personnalité que je m'assigne, encore celle qu'on m'accole. Je m'échappe sans arrêt de ce que je décide, je m'évade de ce que je prévois, je rature ce que j'échafaude, je m'enfuis de moi-même sans m'en rendre compte, et lorsque j'en suis conscient, au lieu que d'en avoir mauvaise conscience, il s'agirait plutôt que j'en jouisse. Échapper à soi : voilà le motif de l'existence. Je ne supporte pas celui qui est fidèle à ses principes, parce qu'une vie de fidélité n'est pas une vie, et qu'une vie de principes tutoie la mort. Fidélité aux êtres, oui. Aux choses ? Plutôt mourir.
Mercredi 24 août 2016 : La profondeur de la vie fait craindre à chaque paragraphe d'un journal intime l'imminence de la mort.
Lundi 5 septembre 2016 : Ce journal intime est un journal de guerre.
Mercredi 26 octobre 2016 : Si je ne suis plus d'accord avec ce que j'ai déjà écrit, ne pas raturer, mais continuer, dire que je me suis trompé plus haut, ou me contredire parfaitement. Cela n'a aucune importance. On se contredit sans cesse dans la vie. Je suis capable de me contredire par écrit. C'est le cheminement qui compte, les errances et les erreurs évidemment. Je n'improvise pas ce que je pense, mais ne pense qu'en improvisant. Je ne voudrais pas tricher. Je laisse à ce journal sa fraîcheur spontanée. J'avance au coupe-coupe en même temps que le lecteur ; je veux dire : c'est le lecteur qui avance avec et en même temps que moi. Dans la jungle. -
« Je me promis qu'un jour, quand je saurais écrire la vérité dans sa simplicité nue, je la dirais dans un roman d'humiliation comme il existe des romans d'initiation. »Dans ce texte bouleversant et poétique, l'auteur pose un regard sans concessions sur le cauchemar intime de son enfance à Orléans. En deux grandes parties, « Dedans », la vie entre les murs de la maison familiale, source de son traumatisme, et « Dehors », l'école, les amis et les amours, il raconte le cosmos inhabitable où il a vécu.C'est son dix-septième livre mais c'est surtout le plus beau. Frédéric Beigbeder, Le Figaro magazine.Yann Moix est à son meilleur. Vincent Roy, L'Humanité dimanche.Dans une langue magnifique, l'écrivain raconte le calvaire de son enfance. Éblouissant. Maurice Szafran, Challenges.L'histoire d'une enfance saccagée et d'un sauvetage par la littérature. Violent. Patrick Grainville, Le Figaro littéraire.
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« Être séparés pour toujours reste une manière d'être ensemble à jamais. ».
À la terrasse d'un café, un dialogue imaginaire débute entre Yann Moix et l'un de ses amis qui tente de le consoler à la suite de sa dernière déconvenue amoureuse. Le narrateur confesse qu'il ne peut s'empêcher de mettre un terme très prématuré à chacune de ses aventures, de les « rompre » tant il craint d'aimer et d'être aimé.
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DEHORS est une lettre ouverte au président de la République ; il s'agit d'un appel, d'un SOS : dire à quel point les jeunes exilés, à Calais et ailleurs, font les frais d'une politique absurde. Une politique « migratoire » qui les empêche de sortir de notre territoire, alors que, tous ou presque, veulent rallier l'Angleterre. Ces « migrants » sont des exilés : ils sont partis de chez eux parce qu'ils ne pouvaient y rester. La migration est une procédure, l'exil est une aventure. La migration est un déplacement, l'exil est un bannissement. Cette lettre ouverte veut dire une chose : l'honneur de la France serait d'aider ces enfants courageux, qui n'ont plus rien d'autre à sauver que leur vie. L'histoire nous regarde. Ne lui faisons pas honte.
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« Il est toujours bon d'écrire aux femmes que l'on aime. Ne serait-ce que pour les avertir, une fois la rupture consommée, qu'elles font bien de fuir ceux qui leur ont menti, les ont bernés, les ont parfois trompées pendant si longtemps. Il en va de leur départ comme de la mer, lorsque celle-ci se retire : on s'aperçoit de ce qui se cachait sous les flots. Des bidons d'essence, de vieux pneus, des bestioles décharnées. » Y. M.
En exhumant de ses cartons cette lettre vieille de dix-huit ans, Moix accomplit un geste magnifique et ressuscite un verbe qui n'appartient qu'à lui. Albert Sebag, Le Point.
Ne pas croire l'adjectif « simple » dans le titre. C'est une lettre d'amour fiévreuse, complexe, ambitieuse, sombre, exaltée, caractérielle, très littéraire. Bernard Pivot, Le Journal du dimanche.
C'est cru et cruel, certes, mais aussi inventif et souvent tordant. Louis-Henri de la Rochefoucauld, Technikart.
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Yann Moix Podium Roman burlesque sur les sosies, fable sur les années Cloclo, balade nostalgique au musée Grévin des icônes de la culture populaire, Podium raconte drôlement une histoire désespérée : comment le désir d'être célèbre est devenu la religion des temps modernes.
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La naissance ne saurait être biologique : on choisit toujours ses parents. Naître, c'est semer ses géniteurs. Non pas tuer le père, mais tuer en nous le fils. Laisser son sang derrière, s'affranchir de ses gènes. Chercher, trouver d'autres parents : spirituels. Naître biologiquement, c'est à la portée du premier chiot venu, des grenouilles, des huîtres. Naître spirituellement, naître à soi-même, c'est à la portée de ceux-là seuls qui préfèrent les orphelins aux fils de famille, les adoptés aux programmés, les déviances aux descendances. Toute naissance est devant soi.Cet accouchement n'est pas seulement le plus long de l'histoire littéraire, il est aussi le plus drôle, le plus déjanté. Joseph Macé-Scaron, Le Magazine littéraire.Il transforme la boue de ses tourments en oeuvre d'art jubilatoire. Naissance est un monument. Hervé Bertho, Ouest France.PRIX RENAUDOT 2013
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Jubilations vers le ciel
Yann Moix
- Le Livre De Poche
- Le Livre De Poche
- 21 Janvier 1998
- 9782253143741
A douze ans, Nestor a connu Hélène, et il a aussitôt décidé qu'elle serait « son amoureuse ».Pendant quarante ans, il essaiera de la séduire. Voilà pour le thème. Reste l'essentiel, à savoir l'éblouissante cavalcade à laquelle se livre ici un écrivain de vingt-sept ans qui sait jouer de tous les registres, faire vibrer toutes les cordes de l'amour, du lyrique au sensuel,du drôle au tragique, de l'étourdissement de la vie à l'horreur du vieillissement... Un coup de maître, salué à la fois par le Prix Concourt du premier romanet le Prix François Mauriac de l'Académie française.Un auteur de vingt-sept ans qui comptera sûrement dans la littérature de notre fin de siècle, s'il continue à écrire de cette encre-là.Geneviève Dormann, Le Figaro.
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Ce livre dangereux, je l'ai écrit comme une aubade et j'ai reçu en retour ce que je méritais : une bonne raclée. Depuis le temps que j'en rêvais ! Lettres d'insultes, critiques violentes, haines extraordinaires ont accueilli ce joli roman d'amour qui parle de Dieu, du 11 Septembre, de François Mitterrand, de Wagner et de Charles Péguy. Bref, je l'ai écrit comme doivent s'écrire tous les livres dangereux et haïs : dans le plaisir et l'insouciance, dans le bonheur et la vitesse. Et avec enfance. Bref, tout ce que l'adulte ne peut pas supporter.
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Ce livre raconte l'histoire d'une femme (1891-1942) qu'on a tour à tour nommée Edith dans sa famille, Fräulein Edith Stein au lycée, Doktor Edith Stein à l'université, soeur Thérèse au Carmel, matricule 44 074 à Auschwitz, et sainte Thérèse Bénédicte de la Croix au ciel.
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Les cimetières sont des champs de fleurs
Yann Moix
- Le Livre De Poche
- Litterature
- 27 Janvier 1999
- 9782253145752
Deux enfants ont trouvé la mort dans un accident d'automobile. Leur mère, Elise, qui conduisait, survit. Fou de douleur, son mari, Gilbert, va entreprendre de lui faire payer ce qu'il juge être son crime. Dès lors, l'existence d'Elise n'est plus que souffrance, culpabilité, humiliation. Gilbert, lui, ne découvrira que trop tard ce que peut l'amour, au-delà du deuil et de la destruction.
Après Jubilations vers le ciel, couronné en 1996 par la Bourse Goncourt du premier roman, Yann Moix confirme ici sa personnalité : celle d'un romancier de l'excès, de la fureur, de la passion sous ses formes les plus extrêmes. Et de la plus forte d'entre elles : l'amour fou.
Un roman sur la folie écrit avec folie.
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Panthéon est un roman sur l'enfance. L'enfance est souvent une horreur - mais quand on finit par la rejoindre, tard dans la vie, elle est peut-être enfin cela, qu'on appelle le paradis.
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Tu vois Maria, je l'ai terminé, mon livre. C'est un peu grâce à toi. Les nuits que j'ai passées à écrire Anissa Corto sont des nuits où je n'ai pensé qu'à ton regard par-dessus mon épaule. J'ai tenté, à chaque phrase, de deviner tes exclamations, ton étonnement, tes doutes. Il m'est arrivé de te retrouver à São Paulo, pour écrire auprès de toi. Auprès de toi, je n'écrivais pas beaucoup.
J'ai très peur de ta réaction à présent. Ce que je pensais être immense, parcouru par tes yeux, va s'excuser d'avoir été écrit. C'est trop tard. Mon style va se retrouver en slip au milieu de la cour. Tout est là, en place, imprimé, figé, définitif, tout est là qui t'attend et te craint.
J'essaie de gagner du temps, mais tu es peut-être déjà en train de regarder la couverture, d'ouvrir le livre, d'isoler quelques bribes au passage, prélevant, à la manière des chimistes, les échantillons qui te suffiront pour juger l'ensemble. Je ne peux plus reculer ; il ne me reste qu'à te faire face. Ou à fuir.
Je n'ai pas essayé de faire le malin. Tu n'aurais pas été dupe ; j'ai voulu suivre ma pente naturelle, sans jamais forcer les mots, sans jamais chercher à impressionner quiconque, et surtout pas toi. Tu verras, je serai tour à tour pathétique et excessif, lyrique et névrosé. Comme dans la vie. Je serai tour à tour moi-même. Anissa Corto, ce n'est pas Madame Bovary, d'accord, mais c'est moi.
Voilà, je me tais. Je te laisse. Comme chaque fois que je sors un livre, je me sens minuscule ; surtout à côté de mes maîtres, les grands, les morts, que je salue debout sur mon escabeau.
Je t'aime.
Yann -
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Cinquante ans dans la peau de Michael Jackson
Yann Moix
- Le Livre De Poche
- Ldp Litterature & Documents
- 6 Juin 2012
- 9782253162711
Zébré, digressant, ingénieux, pulsatile. En 170 pages électriques, l?auteur de Transfusion prouve qu?un petit volume littéraire peut cracher des décibels. Marc Lambron, Le Point.Le propre de la dualité étant de cerner le mystère où se cache, se contracte et surgit la vérité d?une vie, c?est dans les contradictions du chanteur que Yann Moix éclaire son destin.
Quand chacun s?intéresse au corps de Michael Jackson, aux outrages qu?il a reçus et à ceux qu?ils auraient prodigués, l?écrivain ne veut connaître que l?âme de son héros. Sébastien Lapaque, Le Figaro littéraire.
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Les lecteurs de Yann Moix connaissent, depuis Jubilations vers le ciel, le goût de cet écrivain pour le lyrisme le plus élégiaque, le plus « romantique »... Et c'est ce qu'il prouve, avec ce recueil de poèmes rimés ou en vers libres : Yann Moix croit que le poème est encore un genre moderne et légitime. Que la chanson ne l'a pas encore définitivement remplacé. Et il le prouve avec cette « transfusion » composée de poèmes forts, violents, tendres, souvent improbables. L'inspiration poétique de Yann Moix a, à l'évidence, deux sources : Appollinaire (c'est-à-dire la tradition qui va de Musset à Aragon) et Houellebecq - donc la « beat generation » etc... Ce mélange inattendu correspond au romantisme noir de l'auteur. Il en est, en quelque sorte, la vraie signature.
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Y aurait-il donc une « Affaire Polanski » comme il y eut une « Affaire Dreyfus »? Beaucoup dont Yann Moix, le croient. Tandis que d'autres, plus nombreux, semble-t-il, s'indignent d'une telle comparaison... D'où ce livre qui, a n'en pas douter, fera débat. La thèse ? D'un côté, on le sait, ceux qui disent à juste titre que tout crime ou délit mérite son jugement et sa sanction. Qu'il n'y a pas une loi pour les « élites » et une loi pour les « obscurs ». Dont acte- puisque telle est la règle démocratique. Face à ceux-là, Moix fait simplement observer que « l'Affaire Polanski » serait enterrée depuis longtemps si Polanski avait été un « Monsieur tout- le- monde ». Au nom de la règle démocratique, on en arriverait donc à trouver naturel qu'il y ait des lois (d'exception) pour un homme célèbre, et un droit à l'oubli pour les autres... C'est contre ce fait que Moix s'emporte et s'indigne. Au passage, bien sûr, il entre dans les détails de « l'Affaire » : le retrait de plainte de la victime ; l'arrangement financier ; le rôle de la mère de la victime ; l'attitude pour le moins étrange du gouvernement suisse ; le fait que Polanski, en trente ans, n'ait jamais « récidivé » ; le rôle des juges (élus) aux Etats-Unis. Du coup, il en vient à décrire notre époque, où l'idéologie égalitariste instille une haine particulière du talent, de la singularité. Selon Moix, « la meute » veut immoler (tout en les adorant) ses idoles. Il faut qu'elles soient punies. Freud n'avait pas démontré autre chose dans Totem et Tabou.
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« Ubu roi se déroulait ''en Pologne, c'est-à-dire nulle part''. Ce livre se déroule ailleurs, c'est-à-dire en Corée du Nord. Dans un monde qui se ressemble partout, c'est le seul ailleurs qui nous reste. Un ailleurs, c'est un lieu qu'on ne visite pas, mais qui nous visite. Ce n'est pas un pays qui ne nous traversons, mais qui nous traverse. A Pyongyang, c'est d'abord avec soi-même qu'on a rendez-vous. Pourquoi aller là-bas, si ce n'est pour se rencontrer soi ? La Corée du Nord ne se « raconte » pas ; et pourtant elle parle, à travers ses guides. Ce livre est constitué de dialogues, parfois exacts et toujours vrais, que j'ai eus avec eux durant mes séjours au royaume de Choson. Où l'on verra que non seulement tout est différent, mais que rien n'est ressemblant. Que rien n'est anormal, mais d'une normalité toute autre. Il y a, là-bas, quelque chose de ''chimiquement pur''. Est-ce la race, qui ne se mélange pas ? Est-ce la nuit étoilée, jamais polluée ? Est-ce la dictature ? Non, c'est l'ailleurs. C'est l'ailleurs qui est chimiquement pur. Et c'est l'aventure. Alea jacta est. » Y.M.
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Année Zéro n.3 : Sacha Guitry (1885-1957)
Yann Moix, Collectif
- Bouquins
- Annee Zero
- 26 Octobre 2023
- 9782382924419
La revue Année Zéro dirigée par Yann Moix entend réhabiliter ou revisiter des auteurs du patrimoine littéraire et porter sur leur oeuvre un regard vierge de tout a priori - comme si elle venait de paraître. Ce troisième numéro, riche d'inédits et de révélations, est consacré à Sacha Guitry.
La postérité de Sacha Guitry est contradictoire. Alors que son théâtre continue de se jouer, alors que ses films continuent d'être diffusés et ses textes d'être lus, son nom, lui, suscite indifférence ou répulsion. Les plus snobs le réduisent à un humour de comique croupier, en oubliant que son cinéma totalement novateur aura servi de modèle à la Nouvelle Vague. Les mieux pensants lui taillent une réputation de misogyne, en lui prêtant des aphorismes douteux, souvent apocryphes, et en écartant tous les grands rôles féminins que son théâtre aura offerts. D'autres, encore, le jugent trop peu profond, exagérément bavard, d'une superficialité telle qu'elle le condamnerait à rester en marge de la littérature. Certains, enfin, agitent le spectre de la collaboration, sans tenir compte de l'Histoire et de sa vérité. Au fond, la postérité de Sacha Guitry se résume à un grand malentendu et, surtout, à de fausses, à d'insincères relectures.
Année Zéro s'épargnera l'inventaire de tous les griefs qui ont défait la légende de ce Molière du XXe siècle, pour ne s'intéresser qu'à l'essentiel : son oeuvre. Guitry, lu et vu comme s'il venait de composer ses pièces ou de tourner ses films. Guitry, lu et discuté par ceux qui continuent de le jouer au théâtre, ce lieu qu'il considérait comme celui de la vie véritable. Guitry lu et vu intégralement, sans prisme ni coloration particulière. Guitry lu et vu tel qu'il était : un homme libre, hors de son temps, tout à la fois dessinateur, philosophe, moraliste, amuseur et mélancolique, vivant d'art - ne vivant que pour cela -, et dont la superbe somme qu'il nous laisse ne plie à aucune catégorie, sinon à celle du génie. -
Il n'y a jamais d'urgence ni de bon moment pour créer une revue. C'est la raison pour laquelle nous le faisons. Nous commençons avec Gide, qui s'évanouit doucement, sûrement, mais que nous voudrions réveiller. Notre ambition est bien celle-là : ressusciter les morts ; les frotter à l'époque, quitte à ce que l'époque les conspue comme elle pense qu'ils le méritent.
Oui, commençons par Gide, testons son soufre. Que reste-t-il de sa capacité d'étonner ? Scandalise-t-il maintenant ? Quels sont les miasmes gidiens qui se promènent encore dans l'atmosphère ? Nous poserons les questions désagréables ; nous sauverons sans complexe ce qui doit être sauvé : la liberté de l'oeuvre et le courage de l'homme, la liberté de l'homme et le courage de l'oeuvre.