C'est à six ans que Fernando Pessoa inventa le chevalier de Pas, son premier hétéronyme. Par ce geste fondateur en tant qu'artiste littéraire, il avait exprimé une grande partie de son destin qu'Eugène Green nous donne à (re)découvrir : « C'est un regard personnel, émerveillé, fraternel, sur la vie d'un homme qui a laissé au monde l'un des oeuvres les plus étranges et les plus riches de toute l'histoire de la littérature européenne. On peut donc envisager ce texte comme une interrogation sur la poésie. Toutefois, je ne prétends rien éclaircir, car jeter sur la vie d'un autre un regard poétique, c'est contempler un mystère. » L'ouvrage est suivi de la traduction par Eugène Green de quelques poèmes de Fernando Pessoa et de sa pièce . En hommage supplémentaire, le scénario d'« Une petite pessoade cinématographique » nous rappelle que Eugène Green est aussi un cinéaste à l'ironie décapante.
L'homme est parti et la femme, seule avec ses deux garçons, perd pied. C'est elle qui raconte, héroïne borderline et narratrice jamais nommée avançant entre angoisse et rage.
Quel est cet absent qui occupe plus de place que les présents ? Comment contenir cette violence qui déborde ?
« Tout va si vite. Le pas est si ténu. ».
« Il est trop tard pour tout, même pour mourir. ».
Elle va lâcher, tenir, détruire, s'accrocher, se mettre en vrac, devenir insaisissable, passer les saisons et les épreuves du quotidien, se construire, comprendre...
Liza Kerivel, par une écriture tendue et nerveuse, nous entraîne dans le récit d'un vertige qui se transforme en chemin de reconquête du vide, comme une lente remontée du courant de la vie.
Un texte intime, écrit au féminin, qui entraîne le lecteur dans les turbulences de la tension passionnelle entre un homme et une femme. Une histoire d'amour d'aujourd'hui dans laquelle la fusion des corps se mesure aux balancements du coeur. Qu'est ce qu'aimer ? Avancer ou fuir ?
Un homme en exil, au nom étrange, Armony K. Lupo, accompagné de sa chienne Cléo, reprend à pied, par la montagne, le chemin qui le ramène vers Mansuétude, la ville dont il fut dans un autre temps le célèbre et très prisé architecte.
Employé comme jardinier à la Villa Magloire, maison d'hôtes dirigée avec autorité par Estelle, sa présence ouvre les mémoires et interroge le présent paisible de la ville et de ses habitants.
Qui est vraiment cet homme ? Pourquoi est-il revenu ? Que cherche-t-il ? Sa vie et l'histoire de Mansuétude s'entrelacent mystérieusement et dévoilent des secrets de violence, d'interdit et d'amours, au rythme de la marelle en forme de colimaçon de la petite Lily, la fille d'Estelle. Sur cette marelle du temps s'inscrit leur métamorphose jamais achevée que Françoise Moreau nous confie comme une ligne ouverte des destins.
" Elle avait gardé sa main, avait tenté de glisser la sienne au creux.
N'avait pas pu. L'autre se refermait et elle s'étonnait de la trouver dure et tellement petite. Il avait dénoué ses cheveux. Il avait enfoui son visage pour y respirer d'une autre façon. A ce moment-là elle avait cru qu'il essayait de se nourrir d'elle comme si d'elle seule venaient l'air et la vie. Elle avait perçu alors et sans doute jamais aussi puissamment l'existence de ce qui l'avait amenée au point extrême.
Elle ne pourrait aller plus loin. Ella avait frissonné longuement. Comme si jamais cela ne devait s'arrêter. " Quelque chose se trame. Une femme, un homme, une maison, une ville, un piano. De longues promenades, une complainte, des interrogations, une valise. Ce qui n'est pas dit se tisse dans les mouvements, les gestes, les étreintes. Comment dénouer les fils serrés et oppressants d'un huis clos intime ? Un roman incisif sur les tumultes et le silence de la passion.
Une jeune femme raconte : son enfance confiée à une tantine, les aléas de son adolescence, la présence épisodique d'une mère aux amours chaotiques, tour à tour enjouée ou cruelle. Une mère différente dont elle s'obstine, jusqu'à l'âge adulte, à percer le mystère. Chaque situation de ce roman tisse la trame de deux vies qui tentent de se construire entre tendresse et violence, absence et attente, comme deux parallèles qui n'en finiraient pas de se regarder sans pouvoir se rencontrer. Deux bouleversants portraits de femmes.
Un roman tendu, vif comme le feu de son histoire.
Ces entretiens permettent de saisir le caractère d'un homme au-delà des mots. Ray surgit d'une chambre d'hôtel, timide et maladroit, s'écroule dans son canapé après cinq heures de travail ou cite Nietzsche en regardant les eaux bleues du détroit de Juan de Fuca. Il fume, il mange, il se penche vers son interlocuteur pour lui parler à voix basse, s'assurant d'avoir bien saisi chaque question. Humble et bienveillant, il fait souvent preuve d'humour et ne manque pas une occasion de rendre hommage à ceux qui l'ont influencé. Reconnaissant envers la vie de lui avoir accordé une « seconde chance », il ne cesse de travailler et témoigne de sa « foi envers les choses de ce monde ».
Devenu Carver, Ray affirmait que tout restait à faire. Il aimait comparer sa vie à un champ à labourer qu'il contemplait avant de mourir en déclarant : « Je crois aux miracles et à la renaissance. » Fanny Wallendorf
Nous sommes en 1840. François, un jeune Français fait le voyage de Nantes à Séville, à la recherche de ses origines. Au fil de rencontres fécondes et aventureuses, de rebondissements surprenants, il va découvrir une société espagnole partagée et soumise aux tensions de la grande Histoire. Sa quête initiatique est racontée par Françoise Moreau avec la même passion et le même souffle d'écriture que celle de son précédent roman Eau-Forte auquel elle donne ainsi une suite très attendue.
" L'air qu'il respire lui apporte un peu du corps de sa mère.
Ses poumons se nourrissent des particules qui émanent d'elle. Et si en ces moments chaque jour renouvelés il se sent si proche, si intimement lié à elle, c'est à cause de cela. Il ne le sait pas. Il n'a jamais pensé que vivre dans un espace étroit permettait de se nourrir de l'autre. Il ne le dit pas mais il aime ce rapprochement entre eux avant la nuit. Pendant quelques minutes il vit un bien-être, une satisfaction, celle des premières semaines d'existence.
" Entre Le Bérot et sa mère, les liens forts et denses ont besoin de peu de mots. Au creux de leur silence peu à peu le lecteur capte la voix intime du fils attardé dans l'enfance et, à travers cette voix, l'histoire progresse. Conduit par les événements, investi d'une force et d'un souffle nouveaux, le personnage s'éveille à lui-même.
Dans la cité de Mansuétude, Blanche, une jeune fille née de mauvaise grâce, essaie de trouver sa place aux côtés de Alice, la mère évanouie, de Théophane, le père, capitaine d´un vaisseau fantôme, des Jean, frères envahisseurs, et de Fatalidad, la mère remplaçante qui prépare si bien le chocolacalin. Blanche n´a pas du tout envie de grandir, mais elle déclare à son confident, le type au micro : « quand je serai grande, je voudrais être contente. » Un passant, Léger Saint-Laud, s´interroge sur l´énigme de cette vie, croisée dans le fouillis d´une boutique hors du temps.
Françoise MOREAU nous invite dans un univers dont la géographie se dessine entre fantasme et réalité, et écarte avec bonheur et talent le rideau de ce théâtre d´une enfance jamais complètement enfouie.
" Merci Epsilon, aujourd'hui tu t'es tenu à distance, un peu.
J'ai pu lire dix-huit pages sans que tu viennes me visiter. Ce sont les mots écrits hier, les libellules qui t'ont retenu. Sinon, tu aurais encore ouvert la porte dans un grand fracas de courants d'air. Tu te serais installé d'abord tout autour de moi puis de plus en plus près. Tes bras autour de moi, ton torse doucement arqué, le mien à l'intérieur. Ton bassin ouvert, le mien dedans. " Noces de lecture, c'est un entrelacs qui célèbre l'union quasi charnelle entre une lecture (Leçon de choses de Claude Simon), l'écriture et la vie.
Ce court récit entraîne le lecteur dans les miroitements d'une passion amoureuse entre l'énigmatique Epsilon et la narratrice.
Marie-France Brune a vu un jour débarquer chez elle un photographe et une journaliste. Aidée par ses amis Gitans, elle tient à bout de bras, la ferme familiale au Mont-Dol près de Saint-Malo. Cet ouvrage lui a permis de mettre en forme tout le long fil d'une vie décalée qu'elle n'a jamais voulu ancrer dans la norme.
Ah-pour-quoi-Pe-pi-ta-sans-ré-pit-m'é-pies-tu ? Autour de la chanson « aux syllabes énigmatiques », un récit comme une comptine en huit séquences, pour apprivoiser la mort et honorer la vie à travers le portrait peint à « l'humour tendre » d'un père disparu. Françoise Moreau l'a écrit au présent du c..ur.
Robertine a 11 ans en 1963. Elle entre dans un pensionnat pour y accomplir ses études, du collège jusqu'au lycée. C'est là qu'elle va grandir, c'est là qu'elle va être confrontée à la discipline et à la morale, c'est là qu'elle va apprendre à s'en affranchir, en compagnie de Jaja, la rebelle, qui traverse ce roman comme une icône des bouleversements à venir. Et puis, il y tous ces airs de chansons qui rythment leurs vies et donnent au récit une couleur joyeuse et nostalgique.
Vinyle, Face B évoque la période des années 60 avec la fraîcheur sucrée et parfois acide de l'enfance et de l'adolescence d'une jeune fille :
Un formidable compte à rebours d'un chemin initiatique vers l'indépendance, d'une part, et de l'effondrement d'un monde qui se fissure, d'autre part.
Ce roman, personnel, intime, dit avec légèreté et profondeur, de quelle époque nous venons et le chemin parcouru.
« Le ciel gris, voué à l'estompe, donnait à ses nuages des marques de repentir. Le soleil se terrait dans un arbuste, pris dans ses épines. Anselme eut un sourire. Il s'approcha et, penché au-dessus des ajoncs, se mit à respirer comme font les chats, flairant par petites goulées délicates leur miel. Dos voûté, genoux pliés, pieds nus sur la terre voluptueuse, il saluait le jour. Il finit par se redresser, lentement. Pas de vent aujourd'hui, seulement un peu d'air, de l'air mouillé, friable, suintant de doux chagrins dans ses mouchoirs de brume. L'automne ! ».
Anselme, Le Chantôme, Gaspard. Sans oublier le chat. Ils attendent sur un rivage que les hommes ont fui, la mer les enserre et les appelle, dans une étrange suspension du temps où passé et présent, réalité et imaginaire, perdent peu à peu leurs frontières.
Sophie Tessier tisse un récit où l'amour resurgit pour tout bouleverser et signe un premier roman d'une singulière puissance poétique.
« C'est une maison où il aimerait peindre mais il écrit, c'est sa façon de peindre. Debout à la fenêtre, aux aguets, il lance son regard au loin, c'est là-bas que ça mordra. Le paysage maintenant c'est lui tout entier absorbant l'espace comme un évadé. Il remontera une belle prise de ses étendues, qu'il emportera au bureau en buvant le café, chauffant ses lèvres comme le premier soleil chauffe l'herbe et il se mettra à écrire ».
Un écrivain entre dans une forêt comme en écriture. Parce qu'écrire est illimité et qu'il y faut assez de sauvagerie dans l'attachement à la solitude, comme à la terre et aux mémoires, pour y trouver sa liberté jusqu'à l'éblouissement du soleil.