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De l'Écosse jusqu'à la Mésopotamie, de l'embouchure du Rhin jusqu'aux contreforts de l'Atlas, Rome a dominé durant près de cinq siècles un immense territoire. Le démembrement rapide de sa partie occidentale a d'autant plus frappé les esprits que l'empire a remporté jusqu'au bout des succès décisifs, notamment contre Attila en 451.
Pour faire comprendre ce paradoxe, Peter Heather rouvre le dossier en déplaçant le point de vue. Brassant une superbe documentation avec un art consommé du récit, il s'intéresse autant à la vie culturelle, économique et politique de l'Empire qu'à celle des « barbares ». Ceux-ci, en effet, ne viennent pas de nulle part. Qu'il s'agisse des peuples germaniques ou, plus encore, des Huns, Peter Heather fait revivre de l'intérieur la logique des adversaires de Rome. Une logique qui, tout autant que celle des héritiers d'Auguste, façonnera le Moyen Âge européen. On découvre ici l'histoire de la fin de l'empire d'Occident autant que celle des débuts de l'Europe.
On appréciera notamment les pages puissantes sur la constitution de l'autre empire rival : celui des Huns. L'auteur raconte la géopolitique d'Attila, la déstabilisation des empires d'Orient et d'Occident puis la victoire finale (mais trop tardive) d'Aetius, le dernier grand consul et stratège romain. On découvrira aussi de nombreux personnages que Heather fait revivre à partir d'archives peu connues: diplomates de Rome et de Byzance toujours sur les routes, généraux, chefs barbares, impératrices ambitieuses, poètes, philosophes, théologiens...
Publiée en 2005, considérée comme un classique, cette « histoire nouvelle » est enfin traduite en français.
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1938. À Marseille, Vladimír, tout juste nommé consul de la nouvelle Tchécoslovaquie, s'installe dans ses murs, ébloui par la vitalité du grand port. Pendant ce temps à Strasbourg, Bojena - jeune Praguoise en route pour l'Amérique - vole le bébé d'une autre émigrante, une Juive morte en couche. Ou le sauve ? En tout cas, elle poursuit son chemin avec l'enfant et sa poupée de chiffon. Mais à Munich, ce même an 1938, le sort de la Tchécoslovaquie est scellé. Celui de l'Europe aussi. Ce sera la guerre. Et plus que jamais la quête d'un Nouveau Monde.
La tourmente européenne réunit tous ces destins en Provence. Séparations, retrouvailles, résistance, clandestinité... Jusqu'au retour à Prague et aux espérances trahies.
La poupée a tout vu de ses yeux de nacre émerveillés. Elle a tout entendu. Dans ce tumulte terrible et merveilleux elle fait entendre sa petite voix où l'on retrouve l'humour, la poésie, la tendresse et la gravité de Lenka Hornakova-Civade.
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Chaque après-midi, ce bonhomme fait invariablement son apparition dans le jardin public, s'engageant dans des dialogues du tac au tac avec les passants. Il a tant d'esprit qu'il laisse perplexe. Est-ce un sage, un clown, un provocateur ? Beaucoup s'en vont en hochant la tête ; d'autres écoutent ce petit Socrate rondouillard et prennent des notes. Celles-ci ont fini par former une sorte d'almanach paradoxal où sont les opinions, agaceries et autres considérations de ce moderne praticien de la maïeutique, accoucheur de pensées. Bref, un contemporain capital dont le nom a toujours le dernier mot. Au pied de la lettre : Monsieur Zède.
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Là ou les nègres sont maîtres ; un port africain au temps de la traite
Randy J Sparks
- Alma Editeur
- 9 Mars 2017
- 9782362792229
On sait les polémiques suscitées par la traite négrière et par la responsabilité des Européens et des Euro-américains dans l'esclavage et le commerce des esclaves. Randy J. Sparks élargit ce débat en revenant sur le terrain de façon dérangeante : au lieu de choisir les grands ports occidentaux du commerce triangulaire comme Liverpool, Nantes ou Middleburg, son attention s'est portée sur l'Afrique quand la traite atteint son zénith.
Voici l'histoire du port d'Annamaboe, plaque tournante de la Côte-de-l'Or. Sans jamais perdre de vue la place de la traite dans l'économie-monde des échanges transatlantiques l'auteur fait revivre, avec d'étonnantes archives, ce que vécurent concrètement les hommes et les femmes de ce port où s'entrecroisent Anglais, Français, Danois...
Tous contraints de négocier avec les grandes familles africaines qui jouent à merveille des uns et des autres. L'action se déroule aussi à Londres, à Paris et aux Amériques.
Randy J. Sparks est également un conteur. On en jugera par les portraits croisés du fante « Corrantee », chef commercial et politique de la ville, et de Brew, son interlocuteur anglais, principal négociant de la place, toujours furieux de devoir transiger voire s'incliner « là où les Nègres sont maîtres ». On suivra également avec émotion le destin ou les fragments de destins que fait renaître une remarquable documentation. Annamaboe est au coeur d'une première mondialisation. C'est aussi le lieu d'une réalité violente qui nous parle aussi bien de la Côte-de-l'Or que de l'Europe. Comme l'ont remarqué les critiques américains, cette plongée novatrice dans la réalité d'un port esclavagiste africain, est paradoxalement « une nouvelle manière de décrire la naissance de l'Amérique ».
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Les Federmann sont une famille classe-moyenne allemande on ne peut plus normale et sympathique vivant sympathiquement dans un sympathique pavillon. Et puis, il y a tante Fé - Félicité. Quand celle-ci surgit, tout se retrouve cul par-dessus tête. Installée dans le plus somptueux hôtel de la région, elle aime inviter ses neveux émerveillés par les belles et bonnes choses qu'elle offre et chamboulés par son extravagance. La tante Fé a roulé sa bosse à travers le monde. Elle est riche. Les parents Federmann la trouveraient presque indigne si son humour et sa générosité ne faisaient taire la critique. Mais voici que tante Fé a décidé d'apprendre à ses deux nièces et à son neveu à regarder en face cette réalité gênante et fascinante qu'est l'argent. Ébaubis, tous trois l'écoutent parler du capital, du profit, des effets de levier, de l'inflation, de la faillite... Il y a Félicité, sa filleule, bientôt bachelière, Fabian l'adolescent qui se veut résolument pragmatique et Fanny, la petite dernière, qui ne pense qu'à chanter. En leur compagnie, Enzensberger s'amuse à revisiter l'économie et à nous donner une souriante leçon de sagesse et d'humanité.
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Disaster Falls porte le nom d'un lieu perdu - des rapides dans le Colorado - et d'un événement tragique. À l'été 2008, lors d'un voyage organisé, le kayak dans lequel Stéphane Gerson naviguait avec son fils Owen chavira dans ces eaux froides. Après trois heures de recherches, les guides repêchèrent le corps d'Owen. Il avait huit ans.
« J'incarnais désormais une figure qui hante notre époque, dit Stéphane Gerson : celle du parent qui n'a pu ou su protéger son enfant. Pour comprendre l'univers dans lequel nous avions basculé, ma femme et moi, je me mis dès mon retour à New York à consigner ce que j'observais en moi et autour de moi. Tenu au quotidien, ce journal devint le matériau brut à partir duquel, des années plus tard, j'ai rédigé un ouvrage sur cet événement intime et ses répercussions. » oeuvre de non-fiction au croisement du récit, de la chronique et de l'enquête, Disaster Falls marie les émotions du père, l'analyse de l'historien et la quête de sens. L'histoire hante le livre, que ce soit celle de ces rapides depuis leur découverte en 1869, de l'expérience du deuil parental (Shakespeare, Mallarmé, etc.) ou de catastrophes collectives qui, de la Shoah au 11 septembre 2001, donnent sens à ce désastre familial.
Dans ses derniers chapitres, Disaster Falls s'ouvre à une autre vision de la mort. Atteint d'un cancer inopérable deux ans après cet accident, le père de Stéphane Gerson opta pour l'euthanasie en Belgique. Après avoir perdu un fils, l'auteur accompagne son père durant ses derniers jours. Autre filiation, autre mort - une mort acceptée, apaisée, faite sienne. « J'étais un vivant entre deux disparus. »
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Lorsque la jeune Révolution française publie en 1789 la déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, la Guyane est sans doute la plus obscure des colonies françaises. Ses frontières sont mal établies, sa superficie assez peu étendue. Les Indiens peu nombreux, se sont repliés dans les forêts, le commerce avec la métropole est réduit. Les autorités y dénombrent : 10 430 esclaves noirs, 253 enfants de race blanche, 483 personnes de couleur libres, 763 colons blancs de sexe masculin, 330 femmes blanches et 350 militaires.
La déclaration des Droits de l'Homme est suivie de l'abolition de l'esclavage en 1794. Abolition sur laquelle, le Premier consul Napoléon Bonaparte revient en 1802, non sans contorsions juridiques. Entre-temps, dès 1791, la France a développé, à l'intérieur du nouveau cadre des Droits de l'Homme, un certain nombre de mesures touchant la citoyenneté - ou l'exclusion de celle-ci. Ce travail législatif se traduit par une réinvention de la notion d'émigré et par l'élaboration d'une nouvelle conception de la déportation. De ce bricolage juridique, la Guyane sera le laboratoire, véritable « sous-monde » construit sur un non-droit aménagé par les régimes successifs qui se succèdent au XIXe siècle. À l'ombre de la « liberté chérie », se développe un espace officiel de « liberté trahie ».
Miranda Spieler est la première à s'être penchée sur les archives administratives mal conservées, mal connues et peu étudiées de la Guyane des XVIIIe et XIXe siècles. Elle suit avec attention le travail législatif et ses nombreuses contradictions, renforcées par des pratiques pour le moins brouillées et embrouillées. Aux esclaves ou anciens esclaves (l'abolition définitive est décrétée en 1848) s'ajoutent à partir des années 1820 les bagnards et forçats installés dans le « pénitencier » guyanais. Là encore, la citoyenneté est suspendue sans véritable issue juridique.
Au travers du cas guyanais - qu'elle fait revivre de manière saisissante - Miranda Spieler met en valeur les contradictions et les non-dits de la citoyenneté, telle qu'elle s'est construite en France mais aussi, plus largement, dans les pays occidentaux. Liberté, Égalité, Fraternité - certes. Mais qu'en est-il en pratique ?
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La chère et l'esprit ; histoire de la culture alimentaire chrétienne
Massimo Montanari
- Alma Editeur
- 6 Avril 2017
- 9782362792236
Au commencement, le Christ des Évangiles est tributaire des normes alimentaires juives. Mais dans une page des Actes des Apôtres, un songe de Pierre libère la communauté chrétienne naissante de ces interdits. Les hommes cependant ont besoin de règles, raison pour laquelle le christianisme au cours des siècles élabore une série infi nie de modèles alimentaires hérités de la tradition juive, de la philosophie grecque et de la science de l'alimentation : rôle du pain et du vin dans l'Eucharistie, rapport à la viande, au sang et au gras, valeur de rachat du jeûne, modes culinaires, y compris monastiques, règles d'abstinence.
Dans cet essai paru en 2015, en Italie, Massimo Montanari parle de questions complexes avec une grande simplicité. Son autorité scientifique l'exonère des démonstrations pesantes et lui permet d'aborder les sujets avec une grande intelligence.
Un sujet d'actualité ; entre l'attirance pour le véganisme ou le végétarisme et les banquets de boudin, hier marqueurs d'anticléricalisme en période de carême, aujourd'hui destinés à discriminer d'autres religions, on voit que l'alimentation n'est pas qu'une affaire de goût.
Traduction de Jacques et Martine Pagan-Dalarun.
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La guerre est morte ! Vive la guerre ?... La fin de la Guerre froide et la disparition de l'URSS ont laissé croire que les États-Unis - et ce qu'on appelle encore l'Occident - l'avaient emporté. Pourtant, comme le montre Andreï Gratchev, une guerre mal gagnée, sans sortie honorable pour le vaincu, risque toujours de se rallumer. La résistible ascension de Vladimir Poutine s'inscrit dans un monde très différent de celui de la fin du XXe siècle. La puissance chinoise redessine les fronts de tension en Asie tandis que l'Iran revient sur scène en Orient. Les conflits se multiplient jusqu'aux lisières de l'Europe, notamment en Syrie et en Ukraine. Et voici qu'après les incertitudes de Barak Obama s'affirment les certitudes désordonnées et changeantes de Donald Trump.
Avec l'art de la synthèse qu'on lui connaît, Andreï Gratchev remet en perspective la nouvelle donne des relations internationales. De Yalta jusqu'à aujourd'hui, on redécouvre des tendances de fond et des lignes de force maquillées ou voilées par les idéologies successives. À l'heure où le national-populisme se réveille aux États-Unis, en Europe et en Russie, la scène s'est élargie : il ne s'agit plus d'un choc Est-Ouest mais d'un affrontement multipolaire dans lequel s'affirment de nouveaux acteurs. Le centre de gravité bouge. « Si la leçon globale du XXe siècle ne sert pas de vaccin, l'immense ouragan pourrait bien se renouveler dans sa totalité. », écrivait Alexandre Soljenitsyne...
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Naissance de l'écologie ; polémiques françaises sur l'environnement, 1800-1930
Caroline Ford
- Alma Editeur
- 24 Mai 2018
- 9782362792717
Tout au long du XIXe et du XXe siècle, la guerre, les bouleversements politiques et les désastres naturels - particulièrement les grandes inondations de 1856 et de 1910 à Paris - ont provoqué l'inquiétude grandissante des Français. La déforestation, l'urbanisation et l'industrialisation agitèrent l'opinion dès le règne de Napoléon Ier, suscitant de nombreuses interventions de l'État (l'administration des Eaux et Forêts) ou de la société civile.
Non seulement les naturalistes et les scientifiques mais aussi les politiques, les ingénieurs, les écrivains et les artistes se passionnèrent pour la cause environnementale. Le triomphe de la peinture « au grand air » et de l'impressionnisme au temps des chemins de fer et de l'industrialisation n'est pas un hasard... Et que dire du projet de « verdir Paris » et les grandes villes, cher au Second Empire ?
L'expansion coloniale fut elle aussi propice au développement de la conscience environementale notamment en l'Algérie, qui devint un laboratoire en ce domaine. Et c'est au tout début du XXe siècle que la France mit en place un arsenal juridique visant à protéger l'environnement (création de parcs naturels, de réserves, etc.). C'est elle qui, la première, appela la communauté internationale à coopérer sur le sujet.
Avant cet ouvrage fondateur, il n'existait pas d'étude synthétique du « souci de la nature » propre à la France. Personne jusqu'à présent n'a si finement étudié l'arsenal intellectuel et juridique déployé à la fois dans l'Hexagone et dans son empire colonial.
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L'enseigne de Gersaint (1720) et Le balcon (1869), deux des toiles les plus célèbres de Watteau et Manet, donnent la mesure du changement radical qui se produit entre le XVIIIe et le XIXe siècle dans la culture européenne. Durant le XVIIIe siècle, les femmes nobles jouissent d'une grande liberté, tant sexuelle qu'intellectuelle ou politique. Or, un puissant mouvement d'opposition - emmené, entre autre, par Jean-Jacques Rousseau - révoquent ces libertés à la Révolution. Le monde nouveau d'après 1789 s'emploie à confiner les femmes dans un rôle de gardiennes du foyer, vouées à la vie domestique.
Au XIXe siècle, le pouvoir masculin triomphe. La subordination des femmes s'accompagne d'une érotisation et d'une réification du corps féminin. Pour preuve, la peinture de nu très en vogue durant tout le siècle. C'est Édouard Manet, au courage discret mais déterminé, qui, le premier, inversera les valeurs, en composant, notamment Le déjeuner sur l'herbe dont l'analyse couronne Éros et vertu.
Le style efficace d'Alberto Mario Banti rend la lecture de cet ouvrage novateur non seulement agréable mais très stimulante.
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Le passé de la Russie est imprévisible : Journal de bord d'un enfant du dégel
Andreï Gratchev
- Alma Editeur
- 9 Octobre 2014
- 9782362791277
Andreï Gratchev, dernier porte-parole du président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev est un témoin de première main. Acteur et observateur du drame vécu par son pays au XXe siècle, il sait pourquoi et comment la Russie jusqu'à présent n'a jamais réussi à se réconcilier avec le monde.
Dans ce journal de bord, il raconte à la fois sa vie, l'histoire de son pays, de la Seconde guerre mondiale à ce jour, et réfléchit sur le nouveau monde surgi après l'éclatement de l'URSS et la fin du régime communiste.
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Elles étaient secrétaires, institutrices, assistantes sociales, journalistes, femmes au foyer...
Elles s'appelaient Geneviève de Gaulle, Madeleine Barot, Louise Weiss, Hélène Viannay, Berty Albrecht, Mary Lindell ou Pat O'Leary. Dans leur immense majorité, elles ne prirent pas les armes mais devinrent opératrice radio, agent de liaison, distributrice de tracts clandestins ou organisatrice de réseau d'évasion. On les a longtemps négligées tant s'imposait l'image du résistant viril, les armes à la main.
Pourtant toutes refusèrent Vichy malgré les risques de déportation, de torture et de mort. Toutes furent pleinement résistantes. Voici ces femmes de nouveau parmi nous avec leur témérité, leur détermination et leur générosité.
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Très tôt Stopia, un jeune garçon conclue une alliance avec le chiffre 7. Un chiffre censé le protéger. Le 7 est universel, tout le monde s'adresse à lui d'ailleurs : des super-agents britanniques, des héros de contes populaires, des villes construites sur sept collines et même des hiérarchies d'anges attachées au septième ciel.Néanmoins, le 7 le déçoit et il décide de choisir un nombre, le « 34 ». Il en fait le chiffre clé de sa vie placé sous le signe de l'empire mathématique et de la pensée magique. En fonction de sa présence ou de son absence sous forme de suite, de multiple ou de nombre, il dit oui ou non aux péripéties dans cette ex-URSS où la grande affaire est de s'enrichir et jouir sans mourir. Sans oublier, âme slave oblige, de lire Pouchkine et consorts de temps en temps. Voilà comment Stopia se dirige dans un monde où les truands, terroristes, affairistes, crapules, ex du KGB putes, et poètes agissent selon leurs raisons.
Caustique, lyrique et loufoque comme un film de Quentin Tarantino (le surnom d'ailleurs d'un personnage) voici le dernier roman de l'enfant terrible des lettres russes. célèbre, pour sa jubilation verbale et un univers romanesques que l'on peut considérer comme celui de l'anti-utopie.
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Comment être un étranger ; de Venise à Goa ; XVI-XVIII siècle
Sanjay Subrahmanyam
- Alma Editeur
- 7 Mars 2013
- 9782362790683
Voici d'abord le « Maure Meale », un prince de Bijapur (centre-ouest de l'Inde) réfugié auprès des Portugais de Goa à la suite de querelles dynastiques puis balloté d'un camp à l'autre au gré des conflits d'intérêts (1540-1570). En lui, et plus encore dans sa famille, s'entrecroisent et se contrarient l'Islam indo-persan et la triomphante Contre-Réforme des jésuites.
Voici ensuite le voyageur, négociant et aventurier anglais Anthony Sherley (1565-1633), passionné de philosophie politique, de diplomatie et de commerce. Il devint prince à la Cour safavide d'Ispahan avant de connaître des fortunes diverses et de finir sa trajectoire comme amiral espagnol. Sanjay Subrahmanyam analyse la lucidité mais aussi les lubies d'un esprit remuant que l'Angleterre finit par écarter.
Le livre se referme avec un personnage que Blaise Cendrars tenait pour le maître des bourlingueurs : l'aventurier vénitien Nicolò Manuzzi (1638-1720), tout à la fois marchand, artilleur et médecin autodidacte. Ces qualités lui permirent de briller à Delhi auprès du « Grand Mogol » et de rouler sa bosse à travers le sous-continent indien où il resta jusqu'à sa mort à 82 ans.
À travers ces trois personnages se dessinent, non pas un choc des cultures ? thème que Sanjay Subrahmanyam récuse ? mais les débuts de la conscience moderne de l'altérité. Ne serions-nous pas tous étrangers, c'est-à-dire membre d'un groupe auquel nous n'appartenions pas à l'origine ? ou dont nous ont écarté l'espace et le temps, sans nous en séparer complètement ?
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« En français de Gamboma, un yankee est une racaille, un homme sans scrupule, qui peut commettre un meurtre sans se soucier. ». Ce Yankee, c'est Benjamin très jeune milicien plus ou moins régularisé en sous-officier. Au cours de la guerre civile qui ravage le pays en ces années 1990, il a beaucoup subi, beaucoup tué, beaucoup violé. Tout cela n'empêche pas le narrateur - bon élève à l'école et bon fils d'une mère qu'il admire - d'être fasciné par son nouvel ami. En compagnie du Yankee, on est quelqu'un à Gamboma. Et le Yankee entend bien que chacun se plie à ses caprices.
La déambulation des deux amis fait découvrir le langage, les usages et la gentillesse de Gamboma avec tous ces garçons très occupés de tourner autour des filles ... et réciproquement. Le charme de la narration, la bonté du regard, n'empêchent pas cette souriante chronique d'être un réquisitoire contre les enfances massacrées, l'intrusion de l'arbitraire et la destruction du lien social. Le Yankee de Gamboma n'est pas si loin de Candide.
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Les sigisbées ; comment l'Italie inventa le mariage à trois
Roberto Bizzocchi
- Alma Editeur
- 14 Avril 2016
- 9782362791772
Le sigisbée - le« chevalier servant » - est un personnage central du XVIIIe siècle italien. Homme, parfois marié, mais le plus souvent célibataire, il accompagne la femme d'un autre homme en société, de manière officielle et avec l'accord du mari. Le personnage du sigisbée est fréquemment attesté dans la littérature (Casanova, Goldoni) ou la peinture (Longhi, Tiepolo). Les voyageurs étrangers se livrant au Grand Tour en Italie ont rendu compte avec surprise de la diffusion dans la péninsule du « mariage triangulaire », toléré par l'Église.
Ils en ont souvent cherché, en vain, une justification morale. Roberto Bizzocchi montre que le sigisbéisme est d'abord une conséquence de la politique matrimoniale des élites nobles en Italie : dans une société où le patrimoine ne peut revenir qu'à l'un des enfants mâles, il fallait trouver un débouché social et amoureux aux nombreux célibataires masculins.
Version italienne de la galanterie et de l'art de la conversation, inspiré des Lumières, le sigisbéisme implique un raffinement de la sociabilité et plus de liberté pour les femmes. Se fondant sur une brillante évocation des mémoires, des correspondances, des archives notariales, de la littérature, de la musique et de la peinture, Roberto Bizzocchi fait revivre des destins singuliers parfois pathétiques, parfois désinvoltes, parfois sordides, parfois sublimes.
Le système des mariages triangulaires n'étaitpas sans poser problème (fidélité conjugale, légitimité de la descendance), mais il constituait une sorte de soupape de sécurité face aux contraintes religieuses et sociales. À partir de la fin du XVIIIe siècle, la diffusion conjointe des idées de la Révolution et de la sensibilité romantique a sonné le déclin des sigisbées. Au triangle amoureux succède le couple sous la domination du mari. L'amant passe dans le placard.
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L'Inde sous les yeux de l'Europe
Sanjay Subrahmanyam, Johanna Blayac
- Alma Editeur
- 3 Mai 2018
- 9782362792700
Quand, au XVe siècle, les Portugais franchirent le cap de Bonne-Espérance pour aborder le sous-continent indien ils ne disposaient guère de témoignages directs sur ces immenses contrées connues depuis l'Antiquité mais essentiellement légendaires. Très vite les Anglais, les Hollandais, les Français les Italiens et les Allemands leur emboîtèrent le pas. Marchands, diplomates, missionnaires, militaires et savants : ils furent nombreux à tenter l'aventure. Dans cette étonnante suite de portraits, Sanjay Subrahmanyam montre que leurs points de vue sur l'Inde - ou les Indes - dépendent largement de leur nationalité et de leur profession, sans compter les traits de caractère personnels. Du XVIe siècle jusqu'à la veille du XIXe siècle et de la colonisation britannique c'est tout un savoir sur l'Inde qui se constitua mais aussi une certaine manière de penser... l'Europe et le christianisme !
Enquêtant aussi bien dans les registres des diverses Compagnies des Indes, que dans les archives des jésuites, les mémoires, les correspondances diplomatiques ou les communications des sociétés savantes, le grand historien indien étudie comment le regard européen (histoire, géographie, politique, religion) fut orienté par les collections de manuscrits, de peintures et d'objets qui passèrent de l'Orient à l'Occident. Il montre une nouvelle fois combien il est difficile de parler d'une « rencontre » des cultures : l'objet « Inde » construit par les Européens a nourri leur réflexion sur le langage, la religion et le commerce plus qu'il ne leur en a appris sur l'Inde elle-même. La connaissance que l'on a de l'autre doit toujours être comprise en tenant compte du contexte et des circonstances de la rencontre.
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Dans la voie de Dieu ; la conquête arabe et la création d'un empire islamique, VIIe et VIIIe siècles
Robert G. Hoyland
- Alma Editeur
- 27 Septembre 2018
- 9782362792892
Pour les chroniqueurs et théologiens arabes du Moyen Âge, l'expansion de l'islam des premières batailles du VIIe siècle jusqu'à l'islamisation et l'arabisation de ce vaste et prospère empire au VIIIe siècle est l'une des preuves de l'élection divine et de la perfection de la révélation faite à Mahomet, qui fut aussi un chef guerrier. En s'inscrivant « dans la voie de Dieu » (c'est le sens du mot jihad), les conquêtes arabes s'affirmaient comme un indépassable alliage politico-religieux. Pour les chrétiens d'Orient et d'Occident ce succès apparemment irrésistible passa pour un avertissement et un châtiment divin.
Archéologue et parfait connaisseur des sources écrites, Robert G. Hoyland propose, sans esprit polémique, une approche historienne de ces deux siècles qui virent les empires perse et byzantins balayés par un bouleversement géopolitique toujours à vif en ce XXIe siècle. Dans la voie de Dieu présente ainsi les conquêtes arabes de Mahomet et de ses successeurs au regard des contemporains des événements (VIIe-VIIIe siècle) en dehors de la lecture providentielle privilégiée par les historiens musulmans du Moyen Âge et souvent reprise par de nombreux historiens modernes. Il invite à voir l'expansion arabe, non pas comme un mouvement religieux (ou essentiellement religieux) mais comme un phénomène social, économique et national. Ses pages finales sur les mécanismes et de l'arabisation de l'islamisation de peuples et de cultures très divers apportent un précieux éclairage aux crises que traversent aujourd'hui le Proche et le Moyen Orient.
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Sept baisers ; bonheur et malheur en littérature
Peter von Matt
- Alma Editeur
- 10 Octobre 2019
- 9782362794414
« Le baiser isolé est rarement un problème pour les amoureux, c'en est sans doute un pour la littérature. Car autant elle aborde le thème du plus grand nombre de baisers possible, autant elle s'intéresse au baiser singulier. Celui-ci est un événement qui doit éclipser toute pluralité.
Scène chargée symboliquement, le baiser singulier est un phénomène de l'art qui doit être questionné à la lumière de sa place et de sa fonction dans chaque oeuvre. La phrase maintes fois citée et attribuée à Jean Paul, « Dix baisers sont plus facilement oubliés qu'un seul », montre clairement que le baiser unique et sans pareil appartient bel et bien à la réalité humaine de la vie et de l'amour. Pour le savoir, il n'y a nul besoin de citer des poètes, certes, mais une valeur particulière lui revient pourtant dans la littérature, dans la structure délicate d'un roman, d'une pièce, d'un film : c'est un événement spectaculaire de la création. » Ainsi Peter von Matt fixe-t-il les règles du jeu - les règles de lectures - qui lui font visiter les baisers littéraires, sur lesquels il fonde, avec sa malice habituelle, la science de l'osculologie (science du baiser) fondé sur la poétique, l'imaginaire, voire la métaphysique. De Kleist à Marguerite Duras, un beau voyage au pays du bonheur qui fait parfois le malheur de l'écrivain, et du malheur qui fait son bonheur...
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Le panoptique ; 20 problèmes insolubles traités en 20 démonstrations morales et récréatives
Hans Magnus Enzensberger
- Alma Editeur
- 6 Novembre 2014
- 9782362791253
Malicieux, ironique, érudit le grand écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger s'interroge sur nos us et coutumes. En vingt textes brefs, le tour complet de nos bonheurs et désastres quotidiens.
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Alors qu'il travaille sur un film, Alter Rachkess refait le montage des heures de sa vie. Il les revoit comme les revoient, dit-on, ceux qui meurent. Au fil des lumières, des prénoms, il retrouve les femmes aimées, leurs yeux, surtout.
Alter affronte aussi son frère si proche et si lointain, comme on se bat avec une ombre.
Son histoire s'inscrit dans le destin des Juifs d'Europe : les grands-parents sont venus de Lituanie en France, le père se réfugie dans les Alpes durant l'Occupation. Tous entretiennent un rapport complexe avec Israël.
Pour Alter, la vie devient un meurtre sans mobile apparent. Il en cherche la clé. Il s'interroge, entre Paris, Tel Aviv, Jérusalem, New York, Vilnius, le plateau du Golan ou les canyons du Colorado. Malgré les violences d'un siècle assassin il n'aspire qu'au silence, à l'absence, à la poésie.
« Nous sommes de partout et de nulle part », écrivait déjà son grand père un soir de lune en avril 1944. « Toutes les heures blessent, la dernière tue », lit-on sur une porte d'église criblée d'éclats d'obus. Mais Alter poursuit son puzzle, en quête de la pièce manquante sur le rythme implacable et menaçant d'un compte à rebours, d'un révolver qu'on arme, d'une mine qu'on amorce.
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"Un architecte poursuivi par ses échecs depuis la mort de sa femme répond à un appel d'offre international quant à la réalisation de logements sociaux. Il fut l'auteur d'ensembles monumentaux : le Forum de Barcelone 2015, le Stade des J.O. de Pékin 2018, le Château aux 365 fenêtres de Kob.
Parmi les critères de sélection des investisseurs, il en est un pour le moins insolite : faire coïncider le psychisme des habitants avec la forme de l'habitation afin de résoudre le mal-être des habitants des quartiers sensibles.
L'agencement des lieux catalysera la mémoire des occupants pour les orienter vers un avenir meilleur. Le narrateur est le seul candidat occidental, tous les autres postulants viennent d'Inde, de Chine, d'Afrique. L'enjeu : s'affirmer maître en manipulations psychiques, être un « architecte des Coïncidences ».
Durant son évaluation, les recruteurs lui demandent de narrer l'une de ses oeuvres les plus modestes : deux maisons voisines rigoureusement identiques dans l'une desquelles la femme de l'architecte est morte. Accident ? Meurtre ? Si la femme du candidat a été tuée par la seule magie de l'architecture, il sera reconnu maître ès-Coïncidences et obtiendra le chantier.
L'architecte va décrire sa maison étage par étage, pièce par pièce. A-t-il programmé la demeure pour assassiner son épouse ? Convaincra-t-il les recruteurs de son talent ?
Voici la maison du futur. Une merveille d'intelligence artificielle dans l'ombre de laquelle se tapit le très vieux cerveau reptilien."
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La fabrique des monstres ; les Etats-Unis et le freak show 1840-1940
Robert Bogdan
- Alma Editeur
- 17 Octobre 2013
- 9782362790935