Filtrer
Arts et spectacles
-
Ce recueil rassemble plusieurs essais de l'architecte Paul Andreu (1938-2018), écrits dans le cadre de conférences ou de communications données en France mais aussi à travers le monde. Ces textes reviennent principalement sur ses différents travaux (aéroports comme celui de Roissy, musées et bâtiments culturels comme l'opéra de Pékin, décors de théâtre...). Ils témoignent de la richesse du parcours de celui qui fut toujours porté par « le désir d'architecture ». Ils sont aussi l'occasion d'aborder des thèmes chers à l'ingénieur tels le dessin, les mathématiques ou encore le temps et l'espace. Mais bien plus qu'une réflexion théorique sur l'architecture, il s'agit ici d'une réflexion sur la création - réflexion in progress d'un homme qui s'interroge, qui doute, qui fait et refait, sans jamais se départir d'une forme de clairvoyance, d'un regard toujours plus fin sur le monde dans lequel il évolue et qu'il modifie par son oeuvre.
« Le moment de l'architecture, écrit-il, c'est celui où l'interrogation et le désir font naître du doute un projet, qu'il faudra, dans un long travail d'élaboration, comprendre, dégager, élucider, découvrir, dévoiler. Rien je crois ne peut diminuer l'incertitude de ce moment, rien ne permet de l'aborder avec assurance (...) Libérer l'architecture de ce qui la relie au monde de l'économie, de la technique, de la politique, n'aurait aucun sens, et ce serait un terrible aveuglement que de ne pas voir tous les liens qu'elle a avec les autres arts, avec la science, avec la philosophie, avec la littérature et la poésie ».
-
Solidement ancré dans la culture populaire depuis la fin de l'Antiquité, Dismas connaît du XIVe aux XVIe siècles une étonnante carrière dans l'art et dans la société de l'Europe occidentale. En effet, le Bon Larron est, pour le pécheur - voire le pire des pécheurs - la promesse d'un pardon, d'une rédemption et de l'accès à la vie éternelle. S'appuyant sur documentation exceptionnelles, Christiane Klapisch-Zuber montre comment les artistes mirent en scène de façon toujours plus saisissante lecalvaire et la crucifixion, exprimant le bouillonnement théologico-politique de la fin du Moyen Age.
C'est l'époque de la rupture entre le catholicisme romain et la Réforme autour des thèmes de la grâce, du pardon des péchés et de la rédemption. A ce conflit spirituel correspond un profond changement dans le fonctionnement de la justice urbaine et l'administration des peines - dont la cruauté spectaculaire va croissant. Il s'agit de mettre en scène et de vivre, au sein de la société, ce qui fait le coeur du christianisme médiéval et renaissant : la mort, la descente aux Enfers et la résurrection du Christ - l'angoisse de la chair et son salut par l'incarnation.
-
L'enseigne de Gersaint (1720) et Le balcon (1869), deux des toiles les plus célèbres de Watteau et Manet, donnent la mesure du changement radical qui se produit entre le XVIIIe et le XIXe siècle dans la culture européenne. Durant le XVIIIe siècle, les femmes nobles jouissent d'une grande liberté, tant sexuelle qu'intellectuelle ou politique. Or, un puissant mouvement d'opposition - emmené, entre autre, par Jean-Jacques Rousseau - révoquent ces libertés à la Révolution. Le monde nouveau d'après 1789 s'emploie à confiner les femmes dans un rôle de gardiennes du foyer, vouées à la vie domestique.
Au XIXe siècle, le pouvoir masculin triomphe. La subordination des femmes s'accompagne d'une érotisation et d'une réification du corps féminin. Pour preuve, la peinture de nu très en vogue durant tout le siècle. C'est Édouard Manet, au courage discret mais déterminé, qui, le premier, inversera les valeurs, en composant, notamment Le déjeuner sur l'herbe dont l'analyse couronne Éros et vertu.
Le style efficace d'Alberto Mario Banti rend la lecture de cet ouvrage novateur non seulement agréable mais très stimulante.
-
Jusqu'à la restauration de Notre-Dame de Paris par Viollet-le-Duc, qui s'étendit de 1845 à 1864, on parlait de gargouilles : elles évacuaient l'eau. Fasciné par Victor Hugo, l'architecte réinventa la cathédrale, y installant cinquante-quatre statues de "chimères" sans aucune destination pratique. Pour le monde entier, elles devinrent les "gargouilles de Notre-Dame". Viollet-le-Duc imposait ainsi son Moyen Age, celui du XIXe siècle - une reconstruction du passé comme fantasme au lendemain de la Révolution française et de la Restauration. Ce médiévalisme populaire, national, communal sera l'un des enjeux de l'identité européenne et occidentale. Les chimères-gargouilles de Viollet-le-Duc en sont la plus écrasante manifestation : un rêve gothique - au sens qui devint celui du gothic anglo-saxon. Du balcon de la cathédrale (le meilleur point de vue sur Paris, en l'absence d'une tour Eiffel encore à venir), les gargouilles regardent la ville que l'urbanisme d'Haussmann rend monstrueuse. Et la ville, d'en bas, regarde les gargouilles, ces fleurs du Mal. Le temps des créatures bestiales commence : celui des monstres de la modernité qui, de Baudelaire jusqu'à Walter Benjamin, se déploient dans la capitale française. La promenade au long de la terrasse nous fait croiser, sous l'alibi d'un masque médiéval, la phobie du Juif, les maladies vénériennes, les prostituées, les crétins dégénérés, les singes, les monstres préhistoriques, les invertis... A travers ces artefacts, la cathédrale restaurée (si peu médiévale) révèle les peurs, les comportements et les obsessions que le siècle de Viollet-le-Duc nous laissa en héritage : la violence politique, l'antisémitisme, le racisme, la crainte des maladies sexuelles, l'homophobie, l'eugénisme, l'évolution, les classes dangereuses. Il est temps de redécouvrir l'histoire de ce bestiaire fantastique. Elle hante aujourd'hui encore la fantasy, la Toile, l'imaginaire des mutants et notre inconscient collectif.