Stendhal détestait la pluie. Mme de Sévigné s'en amusait, le roi Louis-Philippe l'utilisa en politique. Au XVIIIe siècle, on redoutait l'action néfaste du soleil; deux siècles plus tard, sur les plages bondées, les corps bronzent avec insouciance... L'histoire du climat, qui a fait l'objet de recherches minutieuses, est désormais bien connue; il reste à explorer comment les hommes, au cours du temps, ont perçu ce que nous appelons aujourd'hui prosaïquement «la météo». Autour d'Alain Corbin, pionnier de l'histoire des sensibilités, neuf chercheurs audacieux sont partis sur les traces des émotions soulevées par la neige, le vent, le brouillard et autres météores. C'est qu'il n'est, disait Barthes, «rien de plus idéologique que le temps qu'il fait»!
A l'est du Rhin, au nord des Alpes et en deçà du Danube, s'étendait le vaste territoire que les Anciens appelaient barbaricum.
Les barbares, ses occupants, formaient une mosaïque de peuples illettrés et païens, dont les Grecs ne comprenaient pas la langue et dont ils moquaient le bredouillement - " bar-bar-bar "... Toute l'histoire de leurs sociétés, de l'Antiquité au Moyen Age, devait être marquée du même mépris que celui dont les gratifièrent les Anciens : ces peuples barbares allaient incarner le contre-modèle du monde " civilisé ".
Confrontés à la difficulté d'exploiter des sources partiales et issues d'autres cultures, certains historiens hésitèrent à les considérer comme des ethnies séparées - ce qui s'apparentait parfois à une forme de ségrégation - ou bien au contraire comme un bloc d'un seul tenant. Karol Modzelewski a résolu d'englober dans un même horizon comparatif des sources parfois très éloignées dans le temps et dans l'espace.
Cette approche anthropologique permet d'établir les représentations communes des anciens Germains et Slaves, qui ne distinguaient pas entre sacré et profane et chez lesquels, surtout, le groupe primait sur l'individu.
Karol Modzelewski propose ainsi une nouvelle interprétation de la généalogie historique de l'Europe : loin de se réduire au seul héritage méditerranéen et chrétien, elle doit compter avec son passé barbare.
L'histoire de l'homéopathie ressemble d'abord à un roman. Cette doctrine médicale qui repose sur la loi des similitudes connue depuis l'Antiquité, est due à Samuel Hahnemann (1755-1843). Son usage révolutionne d'emblée l'histoire médicale. Pourtant, l'idée que la substance donnant le mal est aussi celle qui le guérit, pour peu qu'elle soit prescrite à très faible dose, inspire les plus vives controverses. Son découvreur n'y est pas étranger. Le docteur Hahnemann est doté d'une personnalité flamboyante au point d'être considéré tour à tour comme un charlatan ou un prophète. Populaire, grand voyageur, il aime à s'entourer de disciples qui diffusent dans le monde entier ces médicaments - déjà conditionnés dans leurs petits flacons si reconnaissables. Au fil des pages revivent ainsi des personnages exceptionnels et souvent hauts en couleurs, toujours prompts à affronter les violentes polémiques qui n'ont pas manqué de surgir. Au-delà du récit de ces épisodes, Olivier Faure montre comment l'homéopathie est devenue un véritable phénomène social et culturel lié aux évolutions scientifiques, idéologiques et économiques des sociétés contemporaines. Toujours liée aux mouvements contestataires - du socialisme utopique à l'écologie aujourd'hui -, l'homéopathie a aussi su conquérir un plus large public, en attendant sa complète reconnaissance...
Ce livre interroge les relations entre le christianisme et les régimes totalitaires de l'entre-deux-guerres en Italie, Allemagne et Russie. L'auteur montre que les Eglises chrétiennes, voyant dans le bolchévisme une incarnation satanique de la modernité, ont d'abord soutenu le fascisme italien et le nazisme allemand, avant de changer peu à peu d'attitude.
J. Flori fait l'analyse de la préhistoire de la croisade. De la liturgie en passant par le choix des bannières et la réquisition des saints militaires, il fait le point sur une notion mythique qui fait l'objet de nombreuses controverses parmi les historiens.
Être un dirigeant politique dans l'Athènes du Ve siècle, c'est bien sûr être présent à l'assemblée comme à la guerre.
Mais si Aristide, Thémistocle, Cimon, Périclès, Nicias et Alcibiade sont devenus des " hommes illustres ", c'est aussi parce qu'ils ont su construire une image publique où leurs moeurs étaient une part de leur action politique. Plutarque nous raconte comment ces hommes ont grandi, aimé, festoyé, prié : Cimon, après une jeunesse dissipée, ouvre ses jardins au peuple d'Athènes et devient un des leaders de la vie politique.
Alcibiade aime les garçons comme les filles, charme l'assemblée, dirige la flotte et conduit les processions. Ces comportements, qui ne laissent pas de nous surprendre, sont parfaitement intégrés dans un discours qui construit une image chatoyante parfois, émotionnelle souvent, du politique. Pauline Schmitt Pantel remet ainsi en question les frontières du domaine politique d'une manière inédite
Au XIXe siècle, à Paris, on vit en "dramatocratie" : parce que le théâtre touche de près ou de loin toutes les strates de la société, il est au centre de la vie publique.
Ce livre offre une exploration minutieuse de l'immense empire du théâtre, aux ramifications insoupçonnées. On y verra les directeurs ouvrir ou fermer leurs salles au gré des soubresauts politiques ; on observera les spectateurs se presser aux baignoires et dans les loges... On saura tout des affres de l'auteur désireux d'être joué, des obstacles se dressant devant l'acteur en herbe, des mille métiers qui oeuvrent en coulisse à faire tourner l'entreprise.
On suivra enfin l'apparition de nouveaux genres, tels le mélodrame, le vaudeville ou l'opérette, témoins de la vitalité d'une scène parisienne qui connaissait, alors, son âge d'or.
Une biographie en apprend souvent plus sur une époque qu`un long traité d'histoire. Il en est ainsi de la vie de Christophe-Philippe Oberkampf (1738-1815), qui parvint en moins de vingt ans à imposer sur le marché français les toiles de Jouy et ses camaïeux monochromes, dont le succès fut immédiat. À travers le récit de cette réussite exemplaire, Serge Chassage raconte l'évolution d'une entreprise textile ouverte à l'international, attentive aux progrès techniques mais aussi réactive à l'actualité qui lui inspire ses plus beaux motifs : l'Indépendance américaine, le ballon des frères Montgolfier ou le Mariage de Figaro. Ce protestant n'en est pas moins un homme pragmatique, qui gère d'une main de maître ses hommes - près d'un millier à l'apogée de la manufacture - et innove en rationnalisant la division du travail. Anobli par la monarchie, Oberkampf incarne la figure du grand patron à la française, célébré et honoré par les princes de son temps.
Quand les enfants parlaient de gloire
Les baïonnettes luisent, les canons tonnent et la cavalerie charge sur des airs d'opéra. En plein champ de bataille, le reporter affûte sa plume, le peintre pose son chevalet. Dans les rues et sur le parvis des églises, au théâtre, au Louvre ou dans les couloirs des lycées, les pères discutent de tactique et les enfants parlent de gloire... Pour la première fois, un historien explore le coeur et l'esprit des Français au temps où Napoléon les gouvernait par le verbe et par l'épée.
Dans ce livre virtuose et lumineux, Jan Assmann explore le concept de religio duplex, « religion double », dont il fait un concept opératoire fondamental dans l'histoire des religions. Le concept de religio duplex est élaboré à l'époque des Lumières. Au départ, il sert à désigner la coexistence dans l'Égypte ancienne d'une religion exotérique, polythéiste, pratiquée par tous, et d'une religion ésotérique, monothéiste, réservée aux seuls initiés.
Les sociétés secrètes de l'Europe des Lumières, notamment la franc-maçonnerie, s'inspirent de cette religion ésotérique égyptienne. Dans les dernières décennies du XVIIIe siècle, la religio duplex reçoit une interprétation radicalement nouvelle : la distinction n'est plus entre religion exotérique et religion ésotérique, mais entre religion particulière et religion universelle. Tout être humain possède deux religions ; comme juif, musulman ou chrétien, une religion particulière, révélée dans une Écriture Sainte, et comme être humain, une religion universelle, révélée dans la nature et la simple raison.
En ce sens, la religio duplex permet de penser notre époque où les cultures, et donc les religions de la terre se sont rapprochées d'une façon qui ne permet à aucune d'entre elles de se comprendre comme la seule en possession de vérités absolues et universelles. Dans notre monde globalisé, la religion n'a de place que comme une religion à deux niveaux, où chaque religion particulière s'articule à un universel ; pour Assmann, la version moderne de cette religion universelle chère aux philosophes des Lumières s'incarne dans les « droits de l'homme ».
Comment une société se souvient-elle? Quel rôle joue la mémoire dans la construction d'une identité culturelle? En quoi l'invention de l'écriture a-t-elle modifié en profondeur le rapport que les civilisations antiques entretenaient avec leur propre mémoire? Ce sont ces questions qu'examine ici jan Assmann, à travers l'étude comparée de plusieurs grandes civilisations de l'Antiquité - l'Egypte, les Hittites, la Mésopotamie.
Israël et la Grèce. La notion de "mémoire cultrelle" est au coeur de ce grand livre, devenu depuis sa parution en Allemagne une référence pour tous les historiens, sociologues, ethnologues qui s'intéressent au thème de la mémoire.
Entre la fin du xixe siècle et les années 20, prague s'imposa comme l'une des capitales européennes de la littérature, de la peinture et de l'architecture.
Cette ville où il faisait bon vivre - tchèques et allemands y cohabitaient harmonieusement, et la communauté juive y fut longtemps préservée de l'antisémitisme - accueillit et inspira toutes les avant-gardes : symbolisme, décadence. expressionnisme. cubisme... une belle epoque injustement méconnue, et ressuscitée par ce livre que hantent, à chaque page, max brod. rilke, meyrink, mucha, bilek et tant d'autres...
Autour de kafka, l'écrivain pragois par excellence, qui fait ici l'objet de nouvelles interprétations.
Dans cette approche économique et sociale, l'auteur se demande si la traite a été à l'origine du développement de l'Occident. Pour y répondre, il s'appuie sur l'exemple de Nantes, capitale française de la traite entre 1700 et 1831.
Le 11 novembre 1918, lorsque prennent fin les quatre années de combats, de sacrifices et de massacres qui ont bouleversé l'Europe, les hommes, hébétés, contemplent les ruines. Ces ruines, ce sont celles d'une époque : la Belle Époque, celle de la modernité triomphante, où les maîtres mots étaient progrès, science, culture, et où l'on avait foi en l'avenir de la civilisation.
Ce que montre Emilio Gentile, c'est que l'idée de la guerre est présente en Europe bien avant 1914 : dès les années 1870 se développe, de façon bien plus insistante qu'on ne l'imaginait jusqu'ici, le thème du déclin de l'Occident, et l'idée d'une régénération nécessaire de l'homme par la guerre.
Gentile traque ce thème chez les artistes, les écrivains et les intellectuels, européens qui le diffusent à travers leurs oeuvres. L'écrivain hongrois Max Nordau, en 1892, obtient un succès retentissant avec son livre sur la décadence de l'homme occidental ; le français Le Bon dénonce en 1895 la corruption de la civilisation. Au même moment, les poètes futuristes italiens chantent le progrès et la science régénératrice ; le peintre allemand Franz Marc, ami de Kandinsky, réclame un art nouveau pour l'homme nouveau, simple, authentique, essentiel.
Un livre extrêmement bien écrit, original et personnel, qui dévoile un pan de l'histoire inexploré jusqu'ici : la face sombre de la Belle Époque.
Histoire de la mise en valeur des terres et des eaux du fleuve qui ont entraîné le changement des sociétés riveraines. Aborde le monde des bateliers et leurs traditions, explore les mythes attachés au fleuve et les pratiques religieuses qui dominent la vie des riverains.
Après quatre années de travail en archives, l'historienne livre le résultat de son enquête sur ce drame qui causa la mort de 40.000 malades mentaux entre 1940 et 1945. Plusieurs psychiatres militants rendaient responsables le gouvernement de Vichy qui ne fit rien pour sauver les malades de la faim et du froid, thèse que récuse l'auteure après une description documentée de la situation de l'époque.
Cette étude combine l'histoire et l'anthropologie pour analyser jusque dans le moindre détail tous les aspects de la vie à l'époque des Vikings : les banquets, l'élevage, la lutte contre les éléments, la mariage, la parenté, etc.
« Chasse les prostituées, aussitôt les passions troubleront tout » : le second Moyen Âge semble une méditation sur ces paroles de saint Augustin. Ribaudes et grandes courtisanes, ruffians et maquerelles, étuves privées et bordels publics : le monde des amours vénales, bien visible, marquait alors les sociétés occidentales de son omniprésence.
Vingt ans après son ouvrage fondateur, La Prostitution médiévale (Flammarion, 1988), Jacques Rossiaud renouvelle ses analyses à la lumière de la recherche récente. En une synthèse magistrale, il brosse le tableau non plus de la, mais des prostitutions au Moyen Âge, mettant en évidence la complexité des pratiques qui relèvent de la vénalité, et la multiplicité des consonances sociales que celle-ci revêt.
Le livre imprimé contient un cahier hors-texte de 8 pages en couleur, que nous n'avons pas repris dans l'édition numérique
Avant la Révolution, seuls les nobles portaient l'épée et se provoquaient en duel. Et c'est au XIXe siècle que le duel s'est démocratisé et que l'on s'est battu pour un pied écrasé, un article de journal, un adultère... Cet ouvrage décrit les divers aspects de ce phénomène : code des provocations, armes, lois, apects sociaux ou politiques, etc.
Panorama de la vie politique, économique, sociale, religieuse à Paris au début du XIIIe siècle, période marquée par la construction de la cathédrale Notre-Dame, le conflit ayant opposé le pape Innocent III et le roi Philippe-Auguste à propos du mariage illégitime de ce dernier, la révolte dans le milieu étudiant, ainsi que la signature de la paix du Goulet avec le roi d'Angleterre Jean.
Le 20 avril 1960, Rio de Janeiro se prépare à vivre une journée décisive.
Dans quelques heures, elle ne sera plus la capitale du Brésil : le pouvoir part s'installer à Brasiia, nouveau symbole de la modernité brésilienne. Le président Juscelino Kubitschek, qui a projeté ce transfert, orchestre les cérémonies destinées à ôter à la ville ses attributs de capitale. Laurent Vidal s'est penché sur cette journée particulière, dont il reconstitue le déroulement presque heure par heure, au terme d'une enquête minutieuse : fouillant dans les archives des journaux, interrogeant des témoins, donnant la parole aux acteurs du pouvoir, maîtres de ce départ, ainsi qu'aux habitants et aux poètes, spectateurs de cet événement soigneusement mis en scène, il redonne vie à un moment clé de l'histoire de la Ville Merveilleuse.
Faut-il avoir peur des nationalismes en Europe centrale ? Ce livre souhaite mettre fin à deux légendes. Première légende : les nationalismes qui avaient disparu sous le communisme ont connu un brusque réveil après 1989. En fait, les nationalismes ont survécu au communisme et n'ont jamais cessé de reparaître chaque fois que les pouvoirs centraux se sont affaiblis, du printemps de Prague à Solidarnose. Deuxième légende : les nationalismes mènent nécessairement à la violence et à la guerre.
En réalité, les nationalismes ont pour but essentiel non pas l'écrasement de leurs adversaires, mais le renforcement du contrôle sur leurs propres partisans. Les guerres utilisent le nationalisme, mais elles sont provoquées par d'autres facteurs : par les rivalités entre grandes puissances au XIXe siècle, par les idéologies totalitaires au XXe siècle ; et, dans le cas de l'ex-Yougoslavie, par la volonté des clans communistes de se maintenir au pouvoir en s'abritant derrière l'idéologie grand-serbe et la purification ethnique.
Les nationalismes sont des forces qu'il faut savoir maîtriser et diriger. Pour cela, il importe d'abord de les connaître dans leur développement historique. En Europe centrale, ils sont enracinés durablement dans le passé, dans la vie religieuse, dans l'imaginaire social et dans toutes les formes vivantes de la sociabilité. Leur rôle peut être bénéfique. Ils représentent la principale force d'intégration dans des sociétés hétérogènes et divisées. Nulle modernisation, depuis le XIXe siècle, ne peut s'accomplir sans leur aide.
Cet ouvrage a pour but de permettre au lecteur occidental de comprendre ces pays dans leur complexité, au moment même où l'Europe centrale s'apprête à rejoindre l'Union européenne.