«Enfin, le navire remonta, par secousses, comme s'il devait soulever une montagne avec sa proue [...]. Un autre coup comme celui-ci, et c'en sera fini du navire, cria le chef.»Lorsqu'un typhon surprend le Nan-Shan en pleine mer de Chine, le capitaine McWhirr et son équipage n'ont d'autre choix que d'affronter la tempête. Et bientôt, la lutte acharnée contre les éléments devient la bataille de chacun contre lui-même.
"Essayez de vous imaginer le choc qu'il reçut.
Dans ce lieu sauvage qui ne figurait sur aucune carte, plus sordide que le plus misérable comptoir malais n'avait le droit de l'être, cette Européenne avançant dans le froissement des herbes, vêtue d'une robe de cocktail fantaisie en satin d'un rose sale, avec une longue traîne bordée de dentelle déchirée, et des yeux noirs de jais dans un visage blanc comme plâtre. Davidson crut qu'il sommeillait, qu'il délirait.
Dans la cuvette boueuse de ce répugnant village (c'était l'odeur que Davidson venait de sentir), un couple de buffles crasseux se leva en ronflant et s'éloigna en faisant craquer les buissons, frappé de panique par cette apparition." Mère d'un petit garçon, Anne la Rieuse s'est raccrochée, après une vie légère, au douteux Bamtz, un parasite qui vit de combines. Davidson n'a que la faiblesse d'être "un homme profondément bon" : par humanité, il promet de revenir de temps à autre les voir.
C'est chargé exceptionnellement de caisses de vieux dollars que son steamer fait un jour escale dans la crique. S'il s'attend à retrouver Anne la Rieuse et son compagnon, Davidson ne soupçonne pas qu'il se jette alors dans un traquenard.
Dans sa maison de Bornéo, Kaspar Almayer, homme d'affaires aigri et ruiné, songe au jeune garçon ambitieux qu'il était, à la femme d'ethnie malaise qu'il a épousée par cupidité, à sa fille métisse dont le coeur chavire dangereusement, à cette dernière expédition au coeur de la jungle qui peut-être le rendra enfin riche. Petitesse des folles ambitions, dureté des sociétés coloniales, mystérieuses beautés de la nature tropicale, La Folie Almayer est un texte foisonnant et superbe.
" vous avez compris" ?
" elle le regarda en silence.
" "que je vous aime", acheva-t-il.
" elle hocha très légèrement la tête.
" "vous ne me croyez pas ? lui demanda-t-il dans un murmure irrité.
" -personne ne peut m'aimer, répondit-elle très calmement.
Personne." " il resta coi un moment, complètement abasourdi, ce qui n'est pas surprenant. il doutait d'avoir bien entendu. il était outragé.
" "quoi, que dites-vous ? personne ne peut vous aimer ? qu'en savez-vous ? c'est mon affaire, non ? et vous osez dire une chose pareille à un homme qui vient de vous confesser son amour !
Il faut que vous soyez folle !
" -presque", dit-elle avec un accent de sincérité contenue, soulagée de pouvoir dire une chose qu'elle sentait être vraie, car depuis quelques jours, elle avait plusieurs fois eu l'impression d'être aux confins de cette sorte de folie qui n'est que l'intolérable lucidité de l'angoisse du lendemain.
" paru en 1913, fortune est de ces romans qui jettent un regard perçant et sans complaisance sur la nature humaine et ses passions illusoires, sur l'ambition héroïque qui conduit à la mort, sur la vanité des échappatoires face au destin. c'est surtout l'histoire d'une femme autour de laquelle ce même regard s'enroule, s'accroche, se suspend. mais plus cette femme est proche et plus on croit la tenir, plus son être se dérobe et on reste là, conquis, épris, envoûté...
Amoureux.
Parus en revue à partir de 1908, puis en volume en 1912, ces souvenirs offrent, de Londres à Marseille, de la Pologne à la Malaisie, un étonnant voyage dans la vie et l'oeuvre de Conrad, au grand vent de la liberté et de l'imagination. « Ce que je puis vous promettre, c'est une vérité d'un genre modeste, et aussi de la sincérité. Cette sincérité totale, digne de louanges, qui, pendant qu'elle vous livre aux mains de vos ennemis, a aussi pas mal de chances de vous brouiller avec vos amis. »« Sans cesse amusant et émouvant, Souvenirs personnels sonde non pas tant le lien de Conrad avec l'écriture et la mer que sa volonté absolue de faire de ces deux éléments son univers » (Mathieu Lindon, Libération).
" - Va me tirer du cidre.
J'ai soif ! Elle partit en gémissant, une cruche vide à la main. Alors il se leva, prit la lampe, et se dirigea lentement vers le berceau. [...] Lorsque sa femme revint, il ne leva pas les yeux, avala bruyamment deux cuillerées de soupe, et observa d'un air sombre : - Quand ils dorment, ils sont comme les autres enfants... Elle s'assit tout à coup sur un tabouret, secouée par une bourrasque de sanglots silencieux, incapable de parler.
Il termina son repas et resta assis sans rien faire, renversé en arrière sur sa chaise, le regard perdu sur les poutres noires du plafond." Quand Jean-Pierre et Suzanne Bacadou reprennent la ferme familiale, du côté de Tréguier, c'est avec la certitude de s'inscrire dans l'ordre naturel des choses. Et plus tard, les jumeaux dont Suzanne est enceinte les aideront à leur tour... Seulement, ils vont naître simples d'esprit, idiots.
Pour conjurer le sort, le père est prêt à tout, jusqu'à faire dire des messes, cédant à sa femme et à sa belle-mère. Suzanne donne alors naissance à d'autres enfants affectés de la même tare. Après la honte, viennent une rancoeur et un chagrin si grands qu'ils ne peuvent résoudre que par la violence.
"Elle se leva lentement, avança d'un pas, et s'arrêta pour regarder vers la côte.
Elle noire occultait les étoiles de sa masse confuse, comme un nuage d'orage planant bas sur les eaux, prêt à éclater en flammes et en craquements. -Ainsi - c'est Malata, répéta-t-elle d'une voix rêveuse, se dirigeant vers la porte de la cabine. Le manteau clair tombant de ses épaules, son visage d'ivoire -car la nuit avait tout effacé d'elle sauf les reflets de ses cheveux - la faisaient ressembler à une femme de rêve resplendissante prononçant des propos de froide inquisition.
Elle disparut sans un geste. [...] Le moment de l'aveu était-il arrivé ? Cette pensée suffisait à glacer le sang." Malata, comptoir colonial du jeune et ambitieux Renouard. Malata qu'il a quitté pour affaires, et où il revient en compagnie du Pr Moorsom et de sa fille. Malata où la vérité les attend. Car Miss Moorsom espère retrouver trace de l'homme qu'elle aime -un fugitif sur lequel Renouard en sait beaucoup plus qu'il ne veut le laisser paraître.
Mais Renouard peut-il vraiment l'avouer à Miss Moorsom, comme l'amour impossible qu'il lui porte ?
"Elle pensa qu'elle n'avait jamais entendu aucune voix qui lui plût autant - sauf une, peut-être. Mais c'était celle d'un grand acteur, tandis que cet homme ne jouait pas, n'était rien d'autre que lui-même. Il persuadait, il attendrissait, il troublait, il apaisait, par sa seule authenticité naturelle. Il avait voulu savoir et apparemment il savait. Trop lasse pour résister à l'incohérence de ses pensées, Mrs. Travers pensa avec une pointe d'amusement qu'il ne semblait pas avoir été déçu. Elle se dit : "Il croit en moi. Quelle formule ahurissante ! Tant d'êtres auraient pu avoir confiance en moi, et il a fallu que je trouve cela ici. Il a foi en moi plus qu'en lui-même." "Aborder la lecture de La Rescousse, c'est connaître une expérience exceptionnelle, peut-être unique : celle d'entrer dans un livre qui appartient à la fois au début et à la fin de la carrière d'un grand écrivain. (...) Son originalité est d'être un roman qui traite, et traite de façon puissante et riche, d'un thème fascinant et éminemment conradien : l'illusion de la grandeur."