STEPHANIE LAPORTE
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Le courage de dire non
Mario Rigoni Stern
- Belles lettres
- Le Gout Des Idees
- 12 Avril 2018
- 9782251447926
Dans ces entretiens, l'auteur revient sur des thèmes qui lui sont chers, ici divisés en quatre parties : la vie ;
Les livres ; les guerres ; la nature, les montagnes, la chasse.
Souvenirs d'enfance et de famille, nouveaux épisodes sur les différents fronts où il a combattu durant la Seconde Guerre mondiale, se croisent d'un chapitre à l'autre et se mêlent aux réflexions de l'écrivain sur le monde contemporain : écologie, construction européenne, littératures.
La plupart des entretiens sont recueillis au cours de longues marches dans les montagnes et en forêt. La marche, les paysages traversés, le souffle et les promenades qui raccourcissent avec l'âge sont le fil conducteur du recueil.
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«La matière d'un journal ne se nourrit que de confession. Lorsqu'il écrit son journal, l'écrivain se confesse, il n'a plus rien à écrire. Tout a été dit, il s'est libéré. Que l'on considère donc ce journal comme le lieu de ma confession ; j y exprime tout ce qui m'habite, tout ce qui me préoccupe, tout ce dont, d'une façon ou d'une autre, je sens l'urgence de me libérer. Cette libération constitue l'intérêt même de mon journal.» (Malaparte.) Jusqu'en juillet 1943, Malaparte est correspondant et photographe de guerre, chargé de suivre l'avancée de la Wehrmacht pour le compte du Corriere della Sera. Il tient son journal durant ses reportages en Allemagne, en Pologne, en Finlande et jusqu'en Laponie et en Suède, puis le reprend à son retour en Italie, dans sa villa de Capri, tout juste achevée, où il se consacre à l'écriture de son «cruel voyage à travers la guerre» , Kaputt. Mais le Journal secret est aussi un journal intime. Derrière le découpage obsessionnel de chaque journée en heures et en menus détails, le chagrin causé par la mort soudaine de son chien Febo, son désir naissant pour Damaris, sa passion tourmentée pour Loula, ses colères contre les choix politiques de ses contemporains, jettent une lumière directe et immédiate sur un écrivain peu enclin à l'effusion de ses propres sentiments.
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C'est un texte inédit en France : Viva Caporetto ! est le tout premier ouvrage de Curzio Malaparte. En 1921, il a 23 ans ; il s'appelle encore Kurt Erich Suckert et revient d'une année à Varsovie en tant qu'attaché d'ambassade, après quatre années de guerre sur les fronts italien et français. Médaillé des plus grandes batailles de la Première Guerre mondiale sur les deux fronts (Bligny et Col di Lana, entre autres), ce n'est pourtant pas le récit de sa geste héroïque qu'il nous livre dans Viva Caporetto !, mais celui de la guerre des millions de soldats italiens, simples fantassins, paysans pour la plupart, envoyés dans les tranchées du Karst pour défendre des territoires dont ils avaient ignoré jusqu'alors l'existence.
Ce que Viva Caporetto ! raconte de la guerre, c'est le sacrifice absurde de jeunes gens courageux, l'entêtement stupide d'un état-major incompétent et, surtout, le fossé entre l'horreur de la tuerie et les mensonges d'une rhétorique patriotique écoeurante.
Le jeune Suckert parle pour ces soldats analphabètes qui ont accepté en silence une mort inutile. Contre la propagande officielle, il choisit Caporetto, gigantesque retraite des troupes italiennes sous l'avancée des armées autrichiennes, qui marque en octobre 1917 la crise militaire la plus douloureuse que l'Italie ait connue, pour emblème de l'héroïsme du soldat des tranchées et espoir de revanche d'un peuple méprisé.
Trois fois saisi et censuré entre 1921 et 1923, Viva Caporetto ! était une charge explosive contre la jeune Italie fasciste qui s'édifiait sur la mémoire d'une Grande Guerre victorieuse. Il fallut attendre la fin du XXe siècle pour redécouvrir en Italie ce pamphlet unique et insolite, par lequel le futur Malaparte signe son entrée en littérature. Il est traduit et publié en France pour la première fois.Présenté et traduit par Stéphanie Laporte.
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Chroniques de la guerre sur mer
Dino Buzzati
- Belles lettres
- Memoires De Guerre
- 14 Mai 2014
- 9782251310091
Le Désert des Tartares, roman qui va apporter le succès à Dino Buzzati, vient tout juste de sortir dans les librairies quand son auteur embarque en juin 1940 sur le croiseur Fiume pour couvrir la guerre en Méditerranée en tant que correspondant du Corriere della Sera. Chroniques de la guerre sur mer, inédit en France, reprend les dépêches envoyées par le reporter de 33 ans durant les trois années où il participe aux batailles navales entre les flottes italiennes et britanniques, des côtes siciliennes et du golfe de Syrte jusqu'à la mer Égée. Des articles dans lesquels on retrouve tout le talent de nouvelliste de Buzzati qui émerge à peine du conflit imaginaire vécu par le héros de son roman, l'officier Giovanni Drogo. De la guerre fantasmée à la guerre vécue, l'auteur se retrouve soudain plongé au milieu des combats navals, mais aussi de leur longue attente. Immenses étendues immobiles, batailles sans vainqueur véritable, huis clos de la vie à bord, le journaliste-écrivain n'a pas son pareil pour raconter la guerre à partir de la bravoure d'un simple mousse, du vacarme de la salle des machines, et même du regard d'un chien.
Traduit et préfacé par Stéphanie Laporte, enrichi des illustrations et des photos prises par l'auteur, ces chroniques demeurent un témoignage rare et étincelant d'un épisode peu connu de la Seconde Guerre mondiale.
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Carlo Salsa (1893-1962) est envoyé au front sur le Karst dès l'entrée en guerre de l'Italie en 1915. Il y reste quinze mois, avant d'être blessé puis retenu prisonnier par les Autrichiens.
Trincee [Tranchées] est le récit de son expérience au front : journal d'un soldat de première ligne, dénonciation implacable de la conduite de la guerre par un homme du « troupeau », c'est un document historique qui ne cède ni à la rhétorique nationaliste des années de guerre, ni à sa récupération par le fascisme naissant. Dès sa parution en Italie, en 1924, le livre est censuré.
Redécouvert à la fin du XXe siècle, à la faveur de nouvelles recherches historiographiques sur la Grande Guerre, il a connu depuis plusieurs rééditions jusqu'à aujourd'hui.
La réception de cet ouvrage, tardive en Italie, fort discrète en Europe, reste très étonnante. Car non seulement Trincee est un récit d'une grande qualité littéraire, mais c'est aussi un livre d'une justesse historique remarquable. Aucun épisode de la tragédie ne manque et la spécificité de la guerre italienne convainc rapidement le lecteur : des combats en montagne avec des positions autrichiennes avantageuses, le manque de moyens et d'armes de l'armée italienne, des choix tactiques inadaptés à la guerre de tranchées et au terrain alpin, le mépris de l'état-major pour les soldats, les épisodes de fraternisation, la pratique de la décimation, une rhétorique aussi meurtrière que les armes, les milliers de prisonniers qui meurent de faim dans les camps autrichiens.
La force de Trincee tient autant à la puissance du récit qu'à son authenticité : Carlo Salsa a vécu tous les événements qu'il raconte ; son témoignage est saisissant. Sa traduction en France pourra lui donner la place qu'il mérite au sein de la meilleure littérature européenne sur la Grande Guerre aux côtés de Erich Maria Remarque, de Andreas Latzko et de son compatriote Emilio Lussu (auteur des Hommes contre, traduction française 1995).