« Il n'y a plus personne, pas même moi, puisque je ne peux me lever, qui aille visiter, le long de la rue du Repos, le petit cimetière juif où mon grand-père, suivant le rite qu'il n'avait jamais compris, allait tous les ans poser un caillou sur la tombe de ses parents. » Tout le monde cite cette phrase de Proust, comme si elle donnait le fin mot de son rapport au judaïsme. Mais personne ne sait d'où elle vient. Madame Proust, née Jeanne Weil, ne s'était pas convertie : « Si je suis catholique comme mon père et mon frère, par contre, ma mère est juive », rappelait Proust à Robert de Montesquiou durant l'affaire Dreyfus.
Certains voient dans cet aveu de la distance, voire de la honte de soi comme Juif, de même qu'ils soupçonnent d'antisémitisme les descriptions de Swann, Bloch ou Rachel dans la Recherche. Or il parut d'abord en anglais dans un hebdomadaire sioniste, The Jewish Chronicle, dans un hommage d'André Spire après la mort de Proust.
D'où une enquête de deux côtés.
D'une part dans la communauté juive. Comment Proust fut-il lu durant les années 1920 et 1930, dans la presse consistoriale, qui n'avait que faire de son roman, et par les jeunes sionistes, qui firent de lui un héros de la « Renaissance juive » ?
D'autre part au Père-Lachaise, dans le caveau de Baruch Weil, l'arrière-grand-père de Proust, et auprès de sa descendance, dont Nathé Weil, le grand-père de Proust, et de nombreux oncles et tantes, cousins et cousines inconnus, huissier franc-maçon, colons en Algérie, ingénieur bibliophile, compositeur fou...
Les deux fils se nouent et les côtés se rencontrent. Le destinataire de la fameuse phrase était Daniel Halévy, camarade du lycée Condorcet, et le manuscrit de la nécrologie d'André Spire est retrouvé. Le côté juif de Proust n'aurait-il plus de secret ?
A. C.
Le débat public français charrie une singulière conception de l'universalisme, généralement perçu comme incompatible avec les particularismes : les communautés religieuses ou ethniques, dit-on, doivent renoncer à leurs différences pour entrer dans la communauté nationale. Ce livre important montre que cette conception étroite et rigide est bien plus récente qu'on ne le croit.
Grâce à une lecture attentive de la manière dont les responsables politiques, les romanciers, les philosophes ou les cinéastes français ont abordé la question de l'intégration des juifs entre le XVIIIe et le XXe siècle, Maurice Samuels explique que différentes conceptions de l'universalisme n'ont cessé de s'affronter. Et que certaines d'entre elles, parfaitement républicaines, ne cherchaient aucunement à éradiquer les particularités prêtées aux minorités juives.
Au contraire, c'est dans l'interaction avec ce particularisme, réel ou imaginaire, que s'est construit l'idéal universaliste français. D'où la tentation, dans certains cas, d'accentuer cette prétendue différence pour montrer la force de l'universalisme français : si la France est capable de faire des juifs des citoyens, n'est-ce pas la preuve de son exceptionnel pouvoir inclusif ?
Analysant avec une grande finesse le rapport ambigu que les élites intellectuelles et culturelles françaises ont longtemps entretenu avec les minorités juives, depuis l'abbé Grégoire jusqu'à Jean-Paul Sartre, en passant par Émile Zola ou Jean Renoir, ce livre ouvre des perspectives essentielles, qui éclairent de façon inédite les débats actuels sur le « communautarisme » et le « séparatisme ».
Contrairement à ce qu'affirment tous les fondamentalismes, la transmission d'un héritage ne doit pas être une réplication à l'identique. Elle dépend d'une infidélité partielle, garante de surgissements inattendus, aujourd'hui comme hier.
Mariant filiation et rupture, la tradition juive ne se renouvelle qu'en étant bousculée et nourrie par sa rencontre avec d'autres. Delphine Horvilleur illustre brillamment cette vision ouverte de la religion et revisite, loin des interprétations convenues, quelques épisodes fameux de la Genèse. Elle montre aussi sa capacité à repenser les grands problèmes contemporains à partir de la tradition rabbinique.
Procédant avec clarté et humour, elle aborde successivement trois thèmes : comment, selon le judaïsme, se fabriquent un parent, une identité et un désir, c'est-à-dire la possibilité d'enfanter l'avenir.
Pétillant d'intelligence. Jean-François Birker, La Croix.
Au sein de l'oeuvre prolifique du penseur juif viennois Martin Buber (1878-1965), la spiritualité hassidique constitue une sorte de fil rouge, depuis les Contes de Rabbi Nahman (1906) jusqu'à ce Message hassidique paru en 1952 et totalement inédit en français. Ce dernier constitue avec les célèbres Récits hassidiques une seule oeuvre, comme l'expose Buber lui-même. Écrit au soir de sa vie, il propose une magistrale synthèse où l'on retrouve l'apport des travaux de Gershom Scholem sur la kabbale et le messianisme, sa propre philosophie du dialogue (Je et Tu), ou encore ses recherches sur les religions comparées. Fidèle à son intuition, il montre comment le message hassidique n'est pas à chercher dans les textes, mais dans la vie concrète de la communauté et du maître (tsaddik). Car ce message ne consiste en rien d'autre qu'à accueillir Dieu dans la vie quotidienne et à sanctifier l'intégralité du réel, même dans ses aspects les plus profanes.
Comme l'écrit Emmanuel Levinas, Buber « fut un grand seigneur du verbe. Avoir su parler en Juif du judaïsme comme il a parlé est, sans conteste, la grande merveille de cette vie et... le miracle de l'histoire intellectuelle juive de ces cent dernières années. »
Ce recueil est un ouvrage inédit de Yakov Rabkin. Certains chapitres reprennent en les adaptant les propos de diverses études et articles qu'il a consacrés au fil des ans au rapport entre le judaïsme et l'islam ainsi qu'à celui du judaïsme et des sciences et de la politique dans le monde contemporain. Cet ouvrage est le fruit de plusieurs années de travail et d'échanges. C'est le premier livre d'une série de deux volumes sur le judaïsme en préparation, le second portera plus particulièrement sur le détournement du judaïsme à des fins politiques et ses conséquences.
Ce premier volume est articulé en trois parties : une première qui forme une introduction au judaïsme et à ses aspects ; elle synthétise les éléments essentiels du travail de Yakov Rabkin sur la question qu'elle agrémente et complète du récit d'un de ses voyages. Rabkin y souligne les principes qui sous-tendent la religion judaïque et y développe aussi quelques-uns des grands thèmes de celle-ci (la honte, le pardon, etc.).
La seconde partie porte sur les relations et les liens existant depuis les origines entre le judaïsme et l'islam ; elle rappelle les rapprochements qui ont existé dans le passé et jusqu'au début du siècle dernier entre ces deux cultures et illustre, là encore à travers un récit d'un de ses voyages, comment ils demeurent vivaces, y compris dans un pays réputé antisémite tel que l'Iran. En prenant le contrepied d'une image souvent répandue dans les médias, il développe un discours de paix et de tolérance qui est plus que jamais bienvenu par les temps présents.
La troisième partie porte sur la relation entre le judaïsme et quelques-unes des facettes de la modernité : sciences et technologies mais aussi politique et montre comment, selon le courant auquel on se référera, on se rapprochera ou s'éloignera de la science. Ou encore comment le religieux a été détourné à des fins politiques par le mouvement sioniste.
Les études qui composent le présent recueil développent une approche historique qui se garde de la polémique tout en demeurant critique. Son analyse met en relief l'instrumentalisation des drames historiques à des finalités politiques dans le prolongement de son essai précédent, Au nom de la Torah.
Dans son ensemble, ce recueil constitue une synthèse du travail de Yakov Rabkin sur le judaïsme ; en tant que tel, il constitue un ouvrage de première importance aussi bien en ce qui concerne la spiritualité judaïque que l'histoire de son instrumentalisation.
Yakov Rabkin nourrit ses études de sa connaissance directe des cultures judaïques et islamiques dans une perspective de rapprochement intellectuel (il a séjourné aussi bien en Israël qu'en Iran après la révolution ou dans le Maghreb). Son analyse fait autorité aussi bien auprès d'intellectuels anglosaxons tels que Noam Chomsky que de penseurs français tels qu'Edgar Morin (pour ne citer qu'eux).
Son travail se double d'une autre préoccupation, pédagogique, visant à produire un texte qui ne soit pas réservé aux seuls spécialistes mais constitue une base de réflexion permettant au lecteur non spécialiste ou au simple croyant de pouvoir comprendre certaines implications politiques de réalités théologiques et juridiques au coeur du judaïsme dont le lecteur a trop souvent une approche approximative et caricaturale à travers les médias et que ces études permettent de considérer différemment.
Comme dans tous les ouvrages essentiels, l'ensemble révèle à chaque page de nouveaux prolongements et chaque chapitre est une invitation à approfondir son approche et affiner son regard dans une ouverture intellectuelle enrichissante et stimulante orientée vers une perspective d'échanges, de dialogue et de tolérance avec l'autre, qu'on partage ou non ses idées ou ses croyances. Ce qui n'est pas la moindre des utilités de ce livre.
Comment lire la Torah ? Toute lecture fondamentaliste d'un livre saint met en péril la liberté, en le figeant dans une vérité immuable. Toute lecture historique et critique comprend ce livre en fonction de son contexte historique d'écriture, mais en omettant la question du sens de ce livre pour les lecteurs d'aujourd'hui. Le présent ouvrage montre comment une lecture spirituelle selon la tradition juive permet de sortir de cette impasse : la langue des textes étudiés porte des significations à déployer dans le temps, grâce à leurs innombrables lecteurs ; elle ne sépare jamais la quête de la vérité d'un travail exigeant sur soi-même. Dès lors, lire la Torah, c'est aussi voyager dans l'histoire, avec d'autres hommes et femmes. La Torah parle bien de notre présent, et ne donne pas de solutions.
Selon la légende, le Juif errant était un cordonnier à de Jérusalem qui, voyant Jésus faire une halte devant son échoppe sur le chemin de la Passion, le repoussa sans ménagement. Le Christ l'aurait alors maudit, le condamnant à marcher sans cesse jusqu'à son retour en gloire à la fin des temps. Cette légende, née au Moyen Âge, a connu un succès incroyable dans toute l'Europe. Elle a inspiré quantité d'images et de récits populaires, et fourni également aux écrivains certaines de leurs oeuvres les plus singulières, d'Eugène Sue à Apollinaire en passant par Alexandre Dumas. Étonnamment, si le mythe plonge ses racines dans l'antijudaïsme chrétien et connaît des traitements antisémites, le Juif errant est bien plus souvent une figure positive, voire un héros proche des petites gens, doté du prestige d'avoir parcouru le monde et les siècles.
Par-delà l'histoire foisonnante de cette légende, Pierre-Henry Salfati nous invite à suivre le Juif errant dans ses pérégrinations inattendues à travers l'histoire des lettres, des arts et des hommes.
Le Coran est-il antisémite ? L'islam véhicule-t-il une « haine du Juif » qui le rend incompatible avec les valeurs occidentales ? Le regard de l'islamologue est indispensable pour dépassionner le débat et sortir des jugements à l'emporte-pièce. Sans rien masquer des aspects les plus problématiques, le grand savant Meïr M. Bar-Asher fait le point sur ce dossier brûlant. Il passe en revue l'image des « fils d'Israël » et des « Juifs » dans le Coran et le Hadîth, ainsi que les bases coraniques du statut de dhimmi. IL s'attarde également sur l'apport extraordinaire de la tradition juive à l'exégèse musulmane du Coran, ainsi que sur les parallèles entre les lois religieuses juive et musulmane, halakha et sharia. Il montre surtout que la question du rapport de la tradition islamique à la figure du Juif et au judaïsme est complexe, et qu'on ne saurait la ramener à la caricature qu'en donnent tant les prédicateurs islamistes que les islamophobes.
Un ouvrage accessible, essentiel pour comprendre les enjeux de société actuels.
Supportant mal que les lois israéliennes m'imposent l'appartenance à une ethnie fictive, supportant encore plus mal d'apparaître auprès du reste du monde comme membre d'un club d'élus, je souhaite démissionner et cesser de me considérer comme juif.
Couverture : création Studio Flammarion
« C'est de l'hébreu pour moi ! » Cette expression populaire marque bien le sentiment d'étrangeté que suscite souvent la langue dans laquelle est écrite la Bible. Pourtant, au même titre que le grec et le latin, l'hébreu est à la source notre patrimoine culturel et spirituel. Tel est le paradoxe que relève Julien Darmon, et qui le conduit à déconstruire les préjugés ancestraux pesant sur une langue réputée « difficile », lointaine parce que « sémitique », « langue morte » qui aurait été réveillée uniquement par le sionisme, etc.
Une fois écartés ces obstacles imaginaires, l'hébreu nous livre son génie propre : celui des 22 lettres de son alphabet qui peuvent se combiner d'une manière quasi infinie, donnant au texte « divin » une extraordinaire polysémie. Tout fait sens dans l'écriture de la Torah, et la tradition juive se caractérise par une incomparable liberté d'interprétation. Les chrétiens eux-mêmes gagneraient à s'initier à la langue dans laquelle priait Jésus, dont les paroles prennent des connotations insoupçonnées à la lumière de leurs résonances sémitiques. Julien Darmon en livre maints exemples et démontre ainsi que, loin de lui être opposé, l'Esprit réside au coeur de la Lettre.
La pandémie qui nous a frappés de plein fouet a ébranlé l'existence à laquelle nous étions habitués, bousculant bien des évidences et des certitudes. Quel visage aura ce monde qui vient ? Une voix juive, celle du rabbin Michaël Azoulay, s'exprime ici ; elle se propose non pas de donner des réponses - qui s'y risquerait ? - mais d'inviter à reconstruire, à esquisser des chemins de sagesse. À travers une histoire souvent tragique, le peuple juif a développé une forme de résistance et de résilience aux malheurs qu'il souhaite partager avec les peuples du monde. Résolument optimiste, imprégnée d'humour, soucieuse de tenir à distance les moments pénibles de l'existence et de croire en des jours meilleurs, sa tradition plurimillénaire a beaucoup à apporter aux modernes que nous sommes. Ce traité de sagesse en temps de crise se veut empreint de psychologie positive en partant d'un état d'esprit qui anime profondément l'être juif : on sort toujours grandi d'une épreuve lorsque l'on est capable d'en retirer les aspects positifs.
Gershom scholem donne ici toutes les clés nécessaires à la compréhension de la kabbale, ce courant mystique, né dans l'antiquité, et qui a trouvé sa forme définitive au xxe siècle.
Les concepts sont exposés avec une clarté d'expression étonnante au regard de la complexité des oeuvres et des thèmes abordés.
La kabbale constitue donc un état des connaissances en matière de mystique juive.
De cet ouvrage, en forme d'invitation au voyage, ressort la quête d'un judaïsme de la liberté oú le souci de la fidélité à la tradition ne se referme jamais sur lui-même mais ouvre sur un monde oú l'utopie est présente.
D'Adam à yiddish, en passant par bande dessinée, Dreyfus, exil, femmes, humour, Jérusalem, kabbale, magie ou Torah - cent cinq termes illustrés d'oeuvres et d'objets de la collection du musée d'art et d'histoire du Judaïsme à Paris, parmi les plus importantes du monde, constituent autant d'étapes d'un voyage dans le temps et l'espace du judaïsme, ses traditions et ses révolutions, ses rituels familiaux et ses élans collectifs.
Remarquables et parfois insolites, ces oeuvres et objets témoignent de la présence continue des juifs sur le territoire de la France actuelle depuis l'Antiquité, mais aussi de l'accueil, à partir de la Révolution, de communautés venues de toute l'Europe et du pourtour méditerranéen, qui font du judaïsme français une mosaïque d'une grande richesse culturelle, profondément inscrite dans l'histoire nationale. Ils illustrent également la diversité de la diaspora, de New York à Shanghai.
Évoquant un trait marquant du judaïsme, chaque entrée de cet abécédaire est une fenêtre ouverte sur un paysage infiniment plus vaste. Certains mots renvoient à des fondamentaux, d'autres à des aspects moins familiers, pour susciter la curiosité du lecteur, qui découvrira la contribution du judaïsme à la culture universelle et sa vitalité dans le monde contemporain.
Bien que la communauté juive soit de plus en plus attaquée sur le sol français, Yann Boissière veut croire qu'elle a toute sa place dans la vie de la nation et qu'elle a les atouts pour apporter sa contribution à notre vivre-ensemble.
Passant en revue les grands enjeux qui interrogent les juifs de France - l'antisémitisme, la laïcité, le rapport à Israël, le dialogue interreligieux -, l'auteur montre comment le judaïsme peut aujourd'hui faire oeuvre de paix et de liant au sein du cadre républicain.
Un essai enthousiaste et roboratif, un cri d'amour pour la France.
L'histoire que Simon Schama entreprend de nous conter ici raconte l'héroïsme de la vie quotidienne autant que les grandes tragédies. Elle n'est pas l'histoire d'une culture à part, mais celle d'un monde juif immergé dans les peuples au milieu desquels il a vécu et marqué par eux. C'est en cela que l'histoire des Juifs est l'histoire de tous.
L'histoire que Simon Schama entreprend de nous conter ici est à nulle autre pareille.
Tout au long des dernières décennies, des découvertes archéologiques ont renouvelé notre vision de la manière dont a vu le jour la Bible, qui allait devenir le patrimoine d'une bonne partie de la planète. D'une extrémité du monde juif à l'autre ont été exhumées des mosaïques qui bouleversent notre idée de ce qu'étaient une synagogue et le culte juif, mais aussi de tout ce que cette religion, dans ses formes, partageait avec le paganisme et le christianisme primitif.
Cette histoire s'étend sur les millénaires et les continents - de l'Inde à l'Andalousie, des bazars du Caire aux rues d'Oxford. Elle nous emmène d'un royaume juif dans les montagnes de l'Arabie du Sud à une synagogue syrienne aux murs peints étincelants, en passant par la colonie juive installée dans l'île d'Éléphantine, en Haute-Égypte, dès le vie siècle avant notre ère.
Simon Schama nous conte avec maestria cette épopée où l'héroïsme de la vie quotidienne côtoie les grandes tragédies, et pose son regard d'historien de l'art sur les trésors qu'elle nous a légués. L'histoire des Juifs n'est pas, comme on l'imagine souvent, celle d'une culture à part, mais celle d'un monde juif immergé dans les peuples au milieu desquels il a vécu et marqué par eux, des Égyptiens aux Grecs, des Arabes aux chrétiens. C'est en cela qu'elle est l'histoire de tous.
À côté de la Bible - la Loi écrite -, le Talmud constitue la Loi orale, l'enseignement jamais interrompu de la tradition juive, sa mémoire et les racines de sa culture.
Réflexion à partir de ce texte sacré, Le Livre brûlé se déploie en trois livres : le premier présente une introduction à l'univers talmudique ; le deuxième commente deux textes importants de la Michna et de la Guémara, qu'il confronte aux réflexions philosophiques contemporaines ; le troisième, enfin, interroge la figure énigmatique d'un maître hassidique, Rabbi Nahman de Braslav, qui, sentant la mort venir, détruisit par le feu un de ses écrits...
Ces trois livres en suscitent d'autres, à l'infini, et posent la même question : ne faut-il pas « détruire » les livres pour donner naissance à la pensée, pour créer le renouvellement du sens ? Pour que la fidélité aux écritures ne se pétrifie pas en refus aveugle du temps et de l'Histoire ?
Le Zohar, ou Livre de la splendeur, est un classique de la mystique juive, et le livre le plus achevé de la Kabbale.
De ce commentaire de la Loi (qui suit le plan des cinq premiers livres de la Bible), notre volume présente des extraits choisis pour leur vivacité colorée dans la description de la vie spirituelle, pour leur acuité dans l'exégèse de l'Écriture, pour le caractère multiple de la pensée sur l'âme, la vie de la foi, l'amour humain et l'amour divin, la souffrance et la mort, l'exil et la rédemption.
Gershom Scholem, dont la compétence en matière de mystique juive reste mondialement reconnue, fait, dans l'Introduction, le point de ce que l'on sait aujourd'hui de cette oeuvre majeure et de son auteur.
Le judaïsme ne saurait se réduire à un ensemble spécifique de croyances et de rites. Cette religion propose une culture globale qui recouvre à la fois un enseignement doctrinal, un système de lois très développé, un mode de vie particulier et un système social étendu. Fondé sur des formes de savoirs et des modèles intellectuels, éthiques et politiques instruits par des textes écrits et des traditions orales, le judaïsme repose également sur sa société particulière, définie par le peuple juif mais aussi par les convertis qui se joignent à lui, quelle que soit leur origine.
Cette culture globale est plurimillénaire : une bibliothèque juive traditionnelle contient à la fois des ouvrages de la haute antiquité (Bible) et de l'antiquité tardive (Talmud, Midrach), et un très grand nombre de textes et d'études, relayés depuis l'époque médiévale, qui vont du commentaire biblique ou talmudique au traité philosophique ou cabalistique. Au-delà des textes, la tradition hébraïque enveloppe de fait toutes les dimensions de la vie, depuis les idées les plus hautes de la métaphysique jusqu'aux détails les plus pointus de la relation de chacun à son corps, aux objets du monde et à autrui.
« Salut, je m'appelle Anon, je pense que l'Holocauste n'a jamais eu lieu ». Tels sont les mots qu'a prononcés Stephan Balliet juste avant de commettre l'attentat de Halle contre une synagogue, le 9 oct. 2019. C'était un jour de kippour. Cette « pensée », tout droit issue du négationnisme, terme qui désigne la négation de la réalité du génocide des Juifs durant la Seconde guerre mondiale, octroie ainsi un permis de tuer : les Juifs sont le mal par essence. Affabulateurs, ils n'ont pas été tués en masse par les Nazis et perdent leur statut de victimes. Sous couvert d'une pseudo-démarche rationnelle, les négationnistes prétendent le démontrer et réhabilitent le nazisme en le disculpant de ses crimes. Partant de ce constat, cet ouvrage remonte le cours de l'histoire et observe le négationnisme dans sa dimension internationale depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours. Exhumant des archives de France, d'Angleterre, d'Allemagne, des États-Unis et du Canada, l'historienne Stéphanie Share a enquêté sur l'émergence d'un mouvement, sa pénétration dans la sphère publique des démocraties occidentales, et analysé les scandales négationnistes qui ont défrayé la chronique de ces différents pays. Ce livre alerte sur l'urgence du combat à mener : les idées fausses ne meurent jamais et peuvent tuer.
Pluriel et ancré dans son histoire, le judaïsme n'en obéit pas moins à une loi, la torah, dont le développement est soumis aux époques et aux territoires qu'elle traverse. Les huit siècles couverts ici sont ceux du glissement du judaïsme des prêtres à celui des chrétiens et des rabbins, du judaïsme de Palestine à celui de la Diaspora. A la suite notamment de l'échec des révoltes contre Rome, il a fallu à ce peuple forgé dans la déportation, qui ne reconnaît d'autre dieu que le sien, affirmer mais aussi - bien plus qu'on ne le croit - adapter son identité.
Dans cette somme sur le judaïsme ancien, nouant les histoires politique et religieuse, il apparaît évident que l'évolution de la religion judéenne - juive -, mais aussi de la culture et de la société qui en découlent, n'est pas le produit d'une autarcie. Le judaïsme s'est moulé dans son époque, a évolué avec elle et les civilisations qui l'ont faite. Cette histoire antique y est décryptée dans une étude qui fera date pour tous ceux qui cherchent à comprendre réellement les racines d'un judaïsme bien moins figé que l'historiographie ne l'a laissé transparaître jusqu'ici.
Le Guide des égarés apparaît dans l'histoire des idées comme l'une des plus illustres oeuvres philosophiques de tous les temps.
Maïmonide (1135-1204) est resté une figure majeure du judaïsme rabbinique. Mais sa connaissance de la philosophie fit de lui l'apôtre d'une religion rationnelle, épurée des superstitions, qui vise essentiellement l'instauration d'une société vraiment humaine.
Écrit pour des intellectuels écartelés entre la tradition religieuse et la pensée scientifique et philosophique de l'époque, Le Guide des égarés tente surtout de mettre en accord l'enseignement de la Bible et de ses commentaires, avec la philosophie d'Aristote. Reconnu très vite comme une oeuvre maîtresse, il influença de manière décisive la pensée juive, chrétienne et musulmane.
De portée universelle, Le Guide ne constitue pas moins une analyse approfondie du judaïsme, dans ses aspects rituels comme dans le domaine de ses croyances. Il propose une compréhension rationnelle de la Bible et du Talmud, dégagée de l'autorité et des dogmes des institutions juives qui lui en tiennent rigueur pendant des siècles.
Le Traité des huit chapitres opère la synthèse de l'Éthique d'Aristote et de la morale juive traditionnelle ; ce qui a pour conséquence inattendue de faire de lui le premier traité de psychologie et de psychothérapie de l'histoire.
On sait qui fut Jésus-Christ pour les premiers chrétiens : le Messie. Mais pour les juifs qui furent son contemporain ? Avec un grand courage et une rare science, mais aussi avec tact et humour, Daniel Boyarin ébranle nos idées reçues sur les origines du judaïsme et du christianisme, ainsi que sur leur séparation.
On ne ressort pas indemne de la lecture de ce livre qui nous offre un regard neuf sur les sources de notre culture, sur l'histoire des monothéismes, sur la genèse des Écritures et de nos mentalités.
Une plongée en immersion qui rend intelligent.
Déjà un classique.
Les non-juifs curieux d'approfondir cette religion étroitement liée à l'histoire et dotée d'une profondeur spirituelle, mystique et méditative découvriront les différents courants au sein de la communauté (Ashkénazes, Sépharades et réformateurs, orthodoxes et libéraux), les célébrations et leur signification et reviendront sur l'histoire du peuple juif depuis sa genèse jusqu'au génocide de la Shoah.
Les juifs en quête de repères y trouveront des informations claires sur la pratique pour aborder la judaïté sous tous ses aspects : l'histoire du peuple juif (de la genèse du peuple à l'holocauste) ; la pratique du culte ; les fêtes et célébrations (leurs déroulements et leurs significations).
Enfin, dans la partie des dix vous trouverez dix personnalités juives que l'on doit connaître et les réponses à dix questions fréquentes sur le judaïsme.
Comment Elia Benamozegh (1823-1900), éditeur, rabbin et philosophe de Livourne, né de parents originaires du Maroc, a-t-il pu être tenu à la fois pour une figure inspiratrice du dialogue interreligieux institué par le concile de Vatican II, une référence de certains évangélistes américains ou de sionistes de l'extrême-droite israélienne, et une source d'inspiration pour des penseurs tels que Jacques Lacan ou Emmanuel Levinas??
Plongée dans l'oeuvre prolifique et multilingue (italien, français, hébreu) ainsi que dans les archives d'Elia Benamozegh, cette enquête démêle l'écheveau de ces réceptions en apparence contradictoires pour mieux mettre en lumière la proposition centrale et innovante de l'auteur d'Israël et l'Humanité : la tradition juive, replacée dans une réflexion sur les différents monothéismes, recèle en son sein une voie pour résoudre la crise religieuse de la modernité.
Par sa capacité à surmonter les antinomies classiques entre universalisme et particularisme, positivisme et tradition, science et religion, la Kabbale en particulier est en mesure d'ouvrir une voie singulière susceptible de concilier le progrès et la raison avec le besoin mystique qui continue sourdement d'habiter le coeur des hommes.