Il y a vingt-cinq siècles, dans la Chine des «Royaumes Combattants», était rédigé le premier traité sur «l'art de la guerre».
En juillet 1846, Henry David Thoreau est emprisonné pour avoir refusé de payer un impôt à l'État américain, en signe d'opposition à l'esclavage et à la guerre contre le Mexique. Cette expérience sera à l'origine de cet essai paru en 1849 et qui fonde le concept de désobéissance civile. Ce texte influença Gandhi, Martin Luther King ou Nelson Mandela et il ne cesse d'inspirer philosophes et politiciens depuis plus de 150 ans.
« Pour résister au climat de peur que veulent instaurer les groupes nationalistes violents, à la propagande raciste qui sature l'espace public, c'est à nous de proposer des alternatives en actes, de déconstruire les idées toutes faites sur l'antifascisme, de populariser notre lutte. » À la fois mouvement d'autodéfense et mouvement d'émancipation, pratique politique d'action directe, d'information, d'éducation populaire et de contre-culture, l'antifascisme est bien plus varié que l'image qu'il renvoie dans les médias ou dans le monde politique, où on se plaît à le caricaturer. En dix chapitres, ce livre présente l'histoire et l'actualité de la lutte antifasciste, ainsi que les enjeux auxquels elle doit faire face. Il a pour ambition de donner suffisamment d'éléments à la fois théoriques et pratiques afin de présenter l'antifascisme dans sa complexité, sa richesse, mais aussi ses contradictions.
Confrontant l'histoire des luttes passées à l'immense défi du réchauffement climatique, Andreas Malm interroge un précepte tenace du mouvement pour le climat : la non-violence et le respect de la propriété privée. Contre lui, il rappelle que les combats des suffragettes ou pour les droits civiques n'ont pas été gagnés sans perte ni fracas, et ravive une longue tradition de sabotage des infrastructures fossiles. La violence comporte des périls, mais le statut nous condamne. Nous devons apprendre à lutter dans un monde en feu.
J'étudie dans cet ouvrage le mode de production capitaliste et les rapports de production et d'échange qui lui correspondent. II ne s'agit point ici du développement plus ou moins complet des antagonismes sociaux qu'engendrent les lois naturelles de la production capitaliste, mais de ces lois elles-mêmes, des tendances qui se manifestent et se réalisent avec une nécessité de fer. Au premier abord, la marchandise nous est apparue comme quelque chose à double face, valeur d'usage et valeur d'échange. Ensuite nous avons vu que tous les caractères qui distinguent le travail productif de valeurs d'usage disparaissent dès qu'il s'exprime dans la valeur proprement dite. J'ai le premier mis en relief ce double caractère du travail représenté dans la marchandise. Tant qu'elle est bourgeoise, c'est-à-dire tant qu'elle voit dans l'ordre capitaliste, non une phase transitoire du progrès historique, mais bien la forme absolue et définitive de la production sociale, l'économie politique ne peut rester une science qu'a condition que la lutte des classes demeure latente ou ne se manifeste que par des phénomènes isolés.
Ce livre trouve son origine dans un engagement commun. La philosophe Barbara Stiegler et l'historien Christophe Pébarthe élaborent une histoire et une philosophie démocratiques de la démocratie. Ils reviennent à la racine de ce régime et en rappellent la singularité, pour ensuite dégager les problèmes contemporains de la démocratie.
Depuis 2500 ans et sa création à Athènes, la démocratie a longtemps été ressentie comme un scandale. Le peuple pouvaitil donc se gouverner ? Sans faire confiance aux jugements de certains de ses membres, mieux éduqués, disposant du temps nécessaire pour réfléchir aux problèmes de la société ? À peine était-elle créée que ces critiques, et bien d'autres, lui étaient opposées. Au mieux, elle était envisagée comme un idéal que les réalités sociales rendaient impossibles. Le peuple étant majoritairement composé de pauvres, ces derniers gouvernaient de fait la cité selon leur intérêt, et non celui de tous. En s'instituant deuxième philosophe après Socrate, l'Athénien Platon mit en forme cette opposition qui gouverne encore aujourd'hui le plus souvent la philosophie.
Si la peur de voir des ignorants exercer le pouvoir a perduré, la perspective d'un gouvernement du peuple a été abandonnée ou, au mieux, confondue avec une dérive qualifiée de « populiste ». Au nom de la complexité des enjeux, une minorité d'experts autoproclamés, légitimés par des élections, dirige ce qu'ils nomment des démocraties représentatives. À chaque contestation sociale toutefois, ils n'hésitent à se draper dans l'intérêt général pour défendre des mesures majoritairement rejetées. Ils dessinent ainsi un gouvernement contre le peuple au nom de son intérêt supérieur. C'est donc bien, encore et toujours, l'égale capacité à produire un jugement sur la société qui est contestée. Le scandale de la démocratie demeure inchangé. Il en va de même pour ceux qui réduisent les individus dominés à une expertise sur leur propre domination, comme si cette position sociale interdisait toute prétention à accéder à l'universel.
Quand l'État recule, la forme Commune s'épanouit. Ce fut le cas à Paris en 1871 comme lors de ses apparitions plus récentes, en France et ailleurs. Les luttes territoriales contemporaines, comme la ZAD de Notre-Dame-Des-Landes ou les occupations de chantiers de construction de pipelines en Amérique du Nord, ont remis à l'ordre du jour des formes d'appropriation de l'espace social. Elles ont façonné de nouvelles manières politiques d'habiter qui agissent pour interrompre la destruction de notre environnement. Mais elles ont également modifié notre perception du passé récent et donné de nouveaux noms à ce que nous voyons aujourd'hui, aiguisant notre compréhension du présent. Les luttes au long cours pour la terre des années 1960 et 1970, comme le Sanrizuka au Japon ou e Larzac, apparaissent désormais pour ce qu'elles sont : des batailles déterminantes de notre époque. Pour Kristin Ross, les processus pragmatiques et non accumulatifs qui fondent l'existence concrète de la vie de la commune - défense, subsistance, appropriation, composition et complémentarité des pratiques, solidarité dans la diversité - constituent des éléments cruciaux de ce que Marx appelait « la forme politique de l'émancipation sociale » et que Kropotkine considérait comme la condition nécessaire de la révolution et de son accomplissement.
« Pour ceux qui recherchent obstinément la liberté, il ne peut y avoir de tâche plus urgente que d'arriver à comprendre les mécanismes et les méthodes de l'endoctrinement. Ce sont des choses faciles à saisir dans les sociétés totalitaires, mais elles le sont beaucoup moins dans le système de «lavage de cerveau sous régime de liberté» auquel nous sommes soumis et que nous servons trop souvent en tant qu'instruments consentants ou inconscients ».
Le rôle que Noam Chomsky s'est donné est justement de décrypter le vocabulaire des puissants et d'en comprendre les véritables enjeux. Et c'est à ce genre d'efforts qu'il nous convie ici.
De ce pamphlet publié pour la première fois à Londres en 1870, probablement de manière clandestine, on ne sait presque rien. Auteur ? Date ? Le mystère reste entier.
Il nous apprend les formes du despotisme, des plus violentes aux plus insidieuses. Si pour le tyran "la société est une proie", il sait isoler, corrompre voire travestir son joug en liberté. La complicité, la nécessité ou la peur font le reste. Sidéré, on est saisi par ces fulgurances si actuelles :
"Il est plus facile d'organiser le silence que la liberté." "Chacun sentant qu'il est tenu d'obéir, méprise chez les autres l'humiliation que lui-même il subit." Avec le sentiment troublant de l'interdit, on se glisse dans ce texte brut qui bouillonne, esquissé furtivement par un esprit libre et révolté.
«Après que le duc eut occupé la Romagne, il trouva que le pays était plein de larcins, de brigandages et d'abus de toutes sortes : il pensa qu'il était nécessaire pour le réduire en paix de lui donner un bon gouvernement. À quoi il proposa messire Remy d'Orque, homme cruel et expéditif. Celui-ci en peu de temps remit le pays en tranquillité et union. Mais ensuite Borgia, estimant qu'une si excessive autorité n'était plus de saison, voulut montrer que, s'il y avait eu quelque cruauté, elle n'était pas venue de sa part, mais de la mauvaise nature du ministre. Prenant là-dessus l'occasion au poil, il le fit un beau matin, à Cesena, mettre en deux morceaux, au millieu de la place, avec un billot de bois et un couteau sanglant près de lui. La férocité de ce spectacle fit le peuple demeurer en même temps content et stupide.» Ce volume contient aussi des extraits du Discours sur la première décade de Tite-Live, de L'Art de la guerre, des Histoires florentines, du Rapport sur les choses de la France et des Lettres familières.
D'où vient le communisme ?
L'URSS était-elle communiste ?
Le communisme est-il féministe ?
S'oppose-t-il à l'anarchisme ?
Communisme et écologisme sont-ils incompatibles ?
Peut-on être communiste si on est propriétaire ?
Faut-il lire Marx pour être communiste ?
Pourquoi y a-t-il tant de courants différents parmi les communistes ?
Le communisme est-il une idéologie du passé ?
En une centaine de pages d'une grande clarté, Julien Chuzeville, historien du mouvement social, nous aide à mieux comprendre un concept clé. Un ouvrage à lire, à offrir, à diffuser.
Aucun ouvrage n'avait jusqu'à présent réussi à restituer toute la profondeur et l'extension universelle des dynamiques indissociablement écologiques et anthropologiques qui se sont déployées au cours des dix millénaires ayant précédé notre ère, de l'émergence de l'agriculture à la formation des premiers centres urbains, puis des premiers États.
C'est ce tour de force que réalise avec un brio extraordinaire Homo domesticus. Servi par une érudition étourdissante, une plume agile et un sens aigu de la formule, ce livre démonte implacablement le grand récit de la naissance de l'État antique comme étape cruciale de la « civilisation » humaine.
Ce faisant, il nous offre une véritable écologie politique des formes primitives d'aménagement du territoire, de l'« auto-domestication » paradoxale de l'animal humain, des dynamiques démographiques et épidémiologiques de la sédentarisation et des logiques de la servitude et de la guerre dans le monde antique.
Cette fresque omnivore et iconoclaste révolutionne nos connaissances sur l'évolution de l'humanité et sur ce que Rousseau appelait « l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes ».
Le phénomène du populisme n'a pas encore été véritablement pensé, tant nous sommes surtout attachés à caractériser sociologiquement les électeurs populistes ou à discuter ce dont il est le symptôme ou encore à sonner le tocsin sur la menace qu'il représenterait.
Cet ouvrage propose de le comprendre en lui-même, comme l'idéologie ascendante du XXIe siècle, qui offre une vision cohérente, puissante et attractive de la démocratie, de la société et de l'économie. S'il exprime une colère et un ressentiment, sa force tient au fait qu'il se présente comme la solution aux désordres du présent.
L'auteur en présente une théorie documentée, en retrace l'histoire au sein de la modernité démocratique et en développe une critique approfondie et argumentée. Il dessine ainsi les grandes lignes de ce que pourrait être une alternative mobilisatrice à ce populisme.
Quel est le plus important : avoir des droits ou des devoirs ? Chef d'oeuvre de la pensée politique, «L'Enracinement» est un livre engagé sur le patriotisme, les déracinements et notre besoin vital d'appartenances, mais aussi de vérité. Il peut se lire comme un "manuel de citoyenneté" qui prône une société où l'épanouissement de chacun est la norme, où des principes moraux nous guident, et où l'argent et la technique ne font plus la loi.
Il n'y aura pas de salut social universel. Il n'y aura qu'une série de prises de parti, sensibles et situées, partielles et partiales, dans un contexte de guerre civile mondiale. L'Appel, publié clandestinement il y a vingt ans et diffusé de la main à la main à des milliers d'exemplaires depuis lors, vise cela : la constitution en force d'une sensibilité non réconciliée. Appel, donc, à la désertion, à la sécession, à s'extraire de la temporalité de l'urgence, celle de la catastrophe comme celle de l'activisme, à s'organiser par-delà cette civilisation. Matrice secrète de l'Insurrection qui vient, l'Appel était devenu curieusement introuvable. Nous le remettons à disposition du plus vaste public accompagné d'un bouquet de textes contemporains de son écriture, et qui en éclairent la genèse. Plus actuel que jamais, ce texte qui a marqué toute une génération est enfin accessible à celle qui surgit à présent.
« Les anarchistes aiment se raconter des légendes, s'inventer des ancêtres et des héros. Mais l'histoire de l'anarchisme est avant tout une histoire bien réelle d'hommes et de femmes en lutte, avides de savoir et de changement social, de culture et d'idéal. C'est aussi une histoire d'erreurs et d'échecs, de confrontations et de succès, et d'une volonté jamais abattue. » Dans cette balade en anarchie, Marianne Enckell, historienne et animatrice du Centre international de recherches sur l'anarchisme de Lausanne, nous emmène sur les traces de ce mouvement depuis ses origines jusqu'à nos jours, abordant en particulier son aspect international et sa dimension culturelle.
Le désir de se débarrasser de la politique est de plus en plus répandu. Il rend manifeste l'existence d'une crise, qui contraint à se demander : « Qu'est-ce que la politique ? » Voilà la question permanente de la pensée de Hannah Arendt, posée face au choc de l'événement totalitaire et au développement de nouveaux moyens d'anéantissement.
La réponse tient dans deux thèses qui se trouvent déployées dans ce livre : l'essence de la politique est la pluralité ; son sens est la liberté.
Cet ouvrage nous invite à comprendre pourquoi la philosophie s'est toujours révélée incapable de penser l'action collective, afin de nous faire entrer progressivement dans la politique, c'est-à-dire dans la réalité des expériences qui la constituent.
Hannah Arendt (1906-1975) Figure intellectuelle majeure du xxe siècle, elle est l'auteur d'ouvrages aussi célèbres que Les Origines du totalitarisme, Condition de l'homme moderne, La Crise de la culture ou Eichmann à Jérusalem.
Née dans l'expérience des conseils ouvriers (Russie 1917-Allemagne 1918-20), l'ultra-gauche historique oppose l'initiative de la base aux logiques de parti. Ce courant n'a cessé de se renouveler au contact de l'autonomie ouvrière italienne des années 70, des grèves, soulèvements et mouvements de jeunesse des années 80 à aujourd'hui, du féminisme, de l'écologie radicale, des gilets jaunes. À 70 ans, l'auteur, par ailleurs romancier et traducteur, a pour seule fierté de dire encore « j'en suis ». En mêlant l'autobiographie et l'histoire de l'ultra-gauche, ce livre fait sentir de manière originale l'éternelle jeunesse de ce vieux projet : changer le monde.
Caroline de Gruyter a vécu à Vienne. Comme tant d'autres, elle y a été frappée par la persistance dans la société, dans les esprits et dans la culture autrichiennes, de l'ancien empire habsbourgeois, un siècle après sa disparition. Elle s'est interrogée sur les causes de celle-ci et sur ses conséquences - un chaos qui a saisi les pays d'Europe centrale et dont les traces sont encore visibles aujourd'hui. Ensemble multilingue et multinational entouré de puissances rivales ou ennemies, l'empire austro-hongrois ressemblait à l'Union européenne. En quoi celle-ci mérite-t-elle l'appellation d'empire ? Et quels facteurs pourraient la faire éclater ? L'auteur a développé ces réflexions entre le Brexit et la pandémie, mais la crise ukrainienne actuelle leur donne une résonance prophétique.
Au milieu du 20e siècle, alors que se joue la fin de l'empire colonial français, des penseuses et militantes noires s'engagent au coeur des mouvements de décolonisation. Encore trop méconnues aujourd'hui, Suzanne Césaire, Paulette Nardal, Eugénie Éboué-Tell, Jane Vialle, Andrée Blouin, Aoua Kéita et Eslanda Robeson sont des protagonistes majeures de la contestation de l'ordre colonial. Explorant leurs écrits et archives, Annette Joseph-Gabriel raconte leur parcours et la diversité de leur positionnement. Toutes ont en commun d'imaginer de nouvelles identités, panafricaines et pancaribéennes, et permettent de construire une histoire complexe du féminisme noir.
Écrit dans les années 1960, puis revu et augmenté en 1989, ce livre monumental offre le récit de l'une desplus grandes aventures des xixe et xxe siècles, cellede l'anarchie. Woodcock y raconte le mouvement, ses victoires, ses défaites, mais il y expose surtout les idées des principales figures qui ont façonné la pensée libertaire, de William Godwin à Emma Goldman.Au-delà de l'engagement intellectuel, politique et moral de ces personnages historiques plus grands que nature, L'anarchisme brosse un portrait vivant de leur combat etdes profonds idéaux de liberté qui n'ont jamais cessé de les animer.
Considéré aujourd'hui comme un classique de l'histoire de l'anarchisme, cet ouvrage étoffé expose les perspectives d'une aspiration partagée aujourd'hui par un nombre toujours grandissant de personnes éprises de justiceet d'autonomie.
Quel rapport existe-t-il entre philosophie et anarchie ? Est-ce que l'anthropologie contemporaine peut nous aider à ébranler l'ordre des choses et du monde ? Ces questions qui sont un chantier, lundimatin les a dépliées tout au long de l'année 2022 avec Barbara Glowczewski, Alessandro Pignocchi, Philippe Descola, Nastassja Martin, Tristan Garcia, Patrice Maniglier et Jean Vioulac. Ce numéro papier proposera un dossier spécial, sorte de résumé d'étape : Le principe d'anarchie. Depuis plus de 8 ans, lundimatin paraît chaque semaine en ligne. Au carrefour des luttes, de la littérature, de la subversion et des sciences humaines, le journal agrège un lectorat massif et des contributeurs de tous horizons.
L'auteur du Bref Été de l'anarchie et de La Grande Migration retrace dans cet essai l'histoire des terroristes russes qui, de 1862 à 1917, inlassablement, ont sacrifié leur vie pour renverser le régime tsariste. C'est peu dire que ces personnages sont romanesques ou hors du commun : ils se sont volontairement situés, par l'absolu de leur révolte, hors de l'humanité, poussant à son extrême le mépris de soi, des autres et de la vie en général. Mépris qui culmine dans les figures de Netchaiev ou Asev, qui organisèrent des dizaines d'attentats terroristes et travaillaient en même temps pour la police secrète du tsar
Très populaire en Allemagne, José Ortega y Gasset est invité au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en 1949, à prononcer une conférence à l'université libre de Berlin sur l'Europe. C'est tout l'objet de cette méditation transformée aussitôt en livre et qui est traduit ici pour la première fois en français. Ortega invite ses auditeurs à ne pas céder au découragement. En dépit du cataclysme que vient de subir l'Europe, le moment de l'après-guerre est celui d'un crépuscule matinal et non pas vespéral. Voici comment il conçoit sa méditation : [L'Europe] existe antérieurement aux nations qui sont aujourd'hui si clairement profilées. Ce qui, oui, sera nécessaire, ce sera de donner à cette réalité si vétuste une nouvelle forme. Loin d'être un simple programme politique pour un avenir immédiat, l'unité européenne est le seul principe méthodique qui permette de comprendre le passé de l'Occident.
L'avenir de l'Europe est alors envisagé par Ortega à la lumière des événements qui ont marqué l'entre-deux guerres : à ses yeux, les nations qui la composent sont arrivées à un instant où, dit-il elles ne peuvent se sauver que si elles parviennent à se dépasser elles-mêmes en tant que nations, c'est-à-dire si l'on parvient à actualiser en elles l'opinion qui veut que la nationalité comme forme la plus parfaite de vie collective est un anachronisme : privé de tout avenir fécond, il est, en somme, historiquement impossible.
Ortega y Gasset délivre ici un message d'optimisme dans une Europe encore livrée aux ruines. Son message n'en a que plus d'écho aujourd'hui.